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Le rôle du délégué à la condition animale

Nous avons interrogé Gautier Chapuis, délégué à la végétalisation, biodiversité, condition animale et alimentation à Lyon. Nous abordons avec lui le rôle et les missions d’un délégué à la condition animale ainsi que l’importance d’une telle délégation pour la place et le bien-être des animaux en ville (chiens, chats, pigeons, animaux sauvages, etc.) dans un contexte d’attentes sociétales grandissantes en la matière.

En bonus, nous vous proposons plus bas un article qui explique ce qu’est un délégué à la condition animale et qui dresse un tour d’horizon des compétences des mairies en matière de condition animale.

Il faut arriver à embarquer et à changer les mentalités pour changer les modes de construire la ville en intégrant les animaux

GAUTIER CHAPUIS

Au programme

  •  0:10 : Pouvez-vous vous présenter ?
  •  0:21 : Qu’est-ce qu’une délégation à la condition animale ?
  • 0:51 : Il y a de plus en plus de délégués à la condition animale en France : pourquoi, d’après vous ?
  •  1:11 : Quel plan la ville de Lyon a-t-elle adopté ?
  • 1:58 : Quelles actions par exemple ?
  • 2:37 : Existe-t-il des sujets sur lesquels la commune ne peut pas agir ?
  • 3:33 : Avez-vous rencontré des obstacles suite à votre prise de délégation ?

Pour en savoir plus

Qu’est-ce qu’un délégué à la condition animale ?

Tous les six ans, les Français élisent, à l’occasion des élections municipales, un conseil municipal. Une fois élus, les conseillers municipaux élisent à leur tour le maire de la commune ainsi que ses adjoints. Le maire est en charge de l’exécution des décisions du conseil municipal et agit sous le contrôle de ce dernier. Il peut exercer des compétences déléguées par le conseil municipal[1] et peut à son tour déléguer certaines de ses fonctions à un adjoint ou à un conseiller municipal[2]. Ces délégations peuvent concerner tout domaine, avec la restriction qu’il est interdit pour le maire de déléguer l’ensemble de ses compétences[3]. A noter que cette délégation par le maire ne vaut pas abandon par ce dernier des fonctions qu’il délègue dont il demeure responsable[4].

Un délégué à la condition animale est donc un conseiller municipal, élu par les Français, qui peut être adjoint au maire ou non, et qui a obtenu une délégation de fonction par le maire relative à la condition animale.

A ce jour, il existerait un peu moins de 200 délégués à la condition animale en France[5]. Il s’agit d’une délégation relativement récente qui marque l’évolution des attentes des Français en matière de bien-être animal, mais qui reflète également certaines compétences des villes concernant la gestion des animaux.

Les compétences du maire et de son délégué en matière d’errance (chats, chiens, animaux sauvage)

Le maire dispose de compétences propres, telles que le pouvoir de police administrative générale qui a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique[6], mais aussi des pouvoirs de police spéciale. Le maire peut déléguer ces pouvoirs de police à un conseiller municipal ou à un adjoint[7].

Ces pouvoirs de police impliquent que le maire – ou son délégué – est notamment responsable de la gestion des animaux considérés comme dangereux[8] ainsi que de la divagation et de l’errance des animaux[9]. L’idée est de prévenir toute potentielle menace pour l’Homme, pour ses activités et, éventuellement, pour les autres animaux dont celui-ci est le gardien.

Cette recherche de sécurisation de l’espace public fournit en parallèle au maire, ou à son délégué, les moyens de protéger le bien-être animal, par la mise en place, par exemple, d’une fourrière communale afin de garantir « l’accueil des chiens et chats trouvés errants ou en état de divagation »[10]. Cette disposition, obligatoire pour chaque commune, assure la mise en sécurité des animaux voire le cas échéant, leur adoption après replacement en refuge ou association de protection animale[11].

Concernant spécifiquement les chats errants, le maire dispose, en vertu du Code rural, de la possibilité de les capturer pour les faire identifier et stériliser avant de procéder à leur relâcher dans les mêmes lieux[12]. Cette disposition permet de contenir la multiplication des populations de chats errants, ce qui a un impact sur le bien-être des chats eux-mêmes mais aussi sur la biodiversité environnante (pour en savoir plus, n’hésitez pas à consulter notre article dédié à la question de l’errance féline).

Cette compétence en matière de divagation s’applique également aux animaux sauvages en état de liberté[13], apprivoisés ou tenus en captivité[14] et oblige le maire à prendre en charge tout animal trouvé accidenté, qu’il soit sauvage ou non[15].

Enfin, le maire ou ses adjoints sont également des officiers de police judiciaire[16]. En cette qualité, ils ont pour mission de constater les crimes, les délits et les contraventions : cela implique donc un rôle au niveau du constat des maltraitances à l’encontre des animaux. A noter toutefois qu’un conseiller municipal délégué à la condition animale qui ne serait pas également adjoint au maire ne disposerait pas de cette compétence.

Des compétences en matière d’animaux liminaires et du développement de la biodiversité

A travers l’aménagement du territoire, la gestion de l’eau et les plans d’urbanisme, le maire, ou son délégué, a également des compétences en matière de maintien ou de promotion de la biodiversité, via le développement et l’entretien des espaces de verdure mais également en veillant à la limitation de l’artificialisation des sols par exemple. Il dispose ainsi de leviers pour promouvoir la présence de l’animal sauvage en ville et assurer sa subsistance.

Par ailleurs, en étant tenu de veiller à la salubrité publique via son pouvoir de police générale, le maire, ou son délégué, doit assurer la gestion des populations d’animaux dits « liminaires »[17] comme les surmulots (« rats des villes »), les pigeons, etc., vecteurs de maladies potentiellement transmissibles à l’Homme. Il est ainsi en charge de l’application du règlement sanitaire départemental[18] qui interdit généralement d’attirer les animaux, notamment les pigeons, quand cette pratique est une cause d’insalubrité et interdit également de jeter ou déposer des graines ou nourriture dans l’espace public ou privé (voies privées, cours ou autres parties d’un immeuble) pour y attirer les animaux errants, sauvages ou redevenus tels, ou encore les rongeurs[19]. En cas de prolifération de tels animaux, le maire, ou son délégué, établit la politique à tenir et les méthodes auxquelles recourir pour prévenir leur multiplication (réduction de leurs sources de nourriture via la gestion des déchets, campagnes de sensibilisation à l’égard du grand public) voire diminuer leur population (euthanasie ou méthodes alternatives comme les nichoirs contraceptifs par exemple pour les pigeons). 

Des compétences concernant les animaux d’élevage et les animaux sauvages captifs

Concernant les animaux d’élevage, outre ses compétences déjà évoquées en matière de divagation (notamment dans le cas d’animaux d’élevage échappés d’un champ ou d’un élevage par exemple) ou de constat de maltraitances potentielles, le maire, ou son délégué, peut également, via la commande publique (restauration collective, événements) intervenir sur la promotion de certains types d’élevage plus respectueux du bien-être animal. A noter que, suite à une réforme européenne, le bien-être animal est devenu depuis 2016 un critère officiellement reconnu comme pertinent pour sélectionner une offre dans le cadre de la commande publique[20]. Par ailleurs, depuis la loi EGalim 2019, la restauration collective scolaire, qui relève de la compétence de la mairie pour les écoles primaires et maternelles, doit obligatoirement proposer un plat végétarien par semaine. Cette compétence est parfois attribuée au délégué à la condition animale (comme c’est le cas au niveau de la ville de Lyon) ou parfois attribuée à un autre délégué mais relève dans tous les cas de la prérogative du maire.

La loi visant à lutter contre la maltraitance animale[21] a institué l’interdiction des animaux sauvages dans les cirques itinérants à partir de 2028 (pour les ours et les loups, y compris hybrides, cette interdiction est effective depuis le 1er décembre 2023). En attendant, se pose la question de l’accueil de tels établissements itinérants sur le territoire de la commune. Si un maire peut refuser d’accorder une autorisation d’installation d’un cirque sur les terrains municipaux (dont la commune est donc propriétaire), en revanche, il ne dispose pas de compétences pour prendre des interdictions générales d’installations sur le territoire de la commune fondées sur la présence d’animaux sauvages[22].

Enfin, lorsqu’il existe un zoo municipal, les mairies disposent d’un droit de regard et d’orientation sur la gestion de ce zoo et des animaux qui y vivent. C’est le cas par exemple, à Lyon, du zoo du Parc de la Tête d’Or.

Des compétences (limitées) en matière de chasse

Si la réglementation en matière de chasse demeure aux mains du préfet[23], en application de ses pouvoirs de police générale, il est toutefois possible pour un maire ou son délégué de prendre un arrêté d’interdiction de chasse. Celui-ci ne doit en revanche pas être général ni absolu mais bien circonscrit et proportionnel en réponse à des circonstances particulières (par exemple accidents de chasse ou événement particulier ayant lieu en forêt comme une course de trail)[24].

Enfin, le maire est responsable de la destruction des animaux susceptibles d’occasionner des dégâts sur le territoire de sa commune, sous contrôle du représentant de l’État dans le département[25]. En cas de manquement, la responsabilité de la commune est susceptible d’être engagée. Comme pour les animaux liminaires, cette compétence du maire lui permet de choisir la méthode létale la moins douloureuse ou de réfléchir à des alternatives à la destruction quand elles sont possibles[26].

En conclusion

Un délégué à la condition animale est donc un élu auquel le maire a délégué sa compétence en matière de gestion des animaux sur le territoire de la commune. Ses compétences recouvrent autant les animaux domestiques (chiens, chats, animaux destinés à la consommation) que les animaux liminaires (pigeons, surmulots, etc.) et sauvages, qu’ils soient captifs ou en liberté. La multiplication de ce type de délégation en France témoigne d’une attente citoyenne croissante en matière de prise en compte du bien-être animal dans une logique « One Welfare« .

à retenir

[1] listées par l’article L2122-22 du CGCT

[2] en vertu de l’article L212-18 du CGCT

[3] Cette délégation doit également être claire et précise en faisant mention d’un secteur d’activité et d’un champ d’intervention

[4] Pour en savoir plus voyez par exemple : https://www.herault.gouv.fr/content/download/44972/290021/file/Fiche%20délégation%20du%20maire%20aux%20adjoints%20et%20conseillers%20municipaux%202022.pdf

[5] Référencés par le site Politique&Animaux :  https://www.politique-animaux.fr/elus-municipaux-condition-animale

[6] article L2212-2 du CGCT

[7] https://www.eure.gouv.fr/contenu/telechargement/10449/60764/file/Ordre

[8] article L. 211-11 du Code rural

[9] article L. 2212-2, 7° du CGCT et article L. 211-19-1 à L. 211-28 du Code rural

[10] articles L.211-22 et L. 211-24 du Code rural

[11] Ce replacement n’est possible qu’à la suite d’un délai de huit jours ouvrés de fourrière et en l’absence de décision d’euthanasie

[12] article L.211-27 du Code rural

[13] article L. 2212-2, 7° du CGCT

[14] article L. 211-21 du Code rural

[15] article R.211-11 du Code rural

[16] article 16 du Code de procédure pénale

[17] Un animal liminaire est un animal ni domestiqué ni sauvage qui vit dans des environnement anthropisés, proche de l’homme dans une certaine interdépendance avec ce dernier

[18] https://www.haute-saone.gouv.fr/contenu/telechargement/10390/84015/file/Notice+RSD062018.pdf

[19] Voir article 26 et 120 du RSD type

[20] Article R.2152-7 du Code de la commande publique

[21] Pour retrouver notre décryptage

[22] Cela est confirmé par la jurisprudence (pour en savoir plus : https://aprad-asso.org/blog/e93ed473-6c53-44be-85a6-592efc25fcea)  mais également par une circulaire récente du Ministère de l’Intérieur : https://www.legifrance.gouv.fr/download/pdf/circ?id=45257

[23] articles L. 220-2 du Code rural et L. 420-2 du Code de l’environnement

[24] Pour en savoir plus voyez ces deux articles : https://aprad-asso.org/blog/e93ed473-6c53-44be-85a6-592efc25fcea ou https://www.fondation-droit-animal.org/111-pouvoirs-police-maire-quelle-protection-pour-animal-sauvage/

[25] article L. 2122-21, 9° du CGCT

[26] Pour en savoir plus sur les compétences juridiques du maire en matière de chasse voyez Charlez Annie, « Le maire et la chasse sur sa commune : quelques aspects juridiques », Faune sauvage, no 290, trimestre 2011. https://professionnels.ofb.fr/sites/default/files/pdf/RevueFS/FauneSauvage290_2011_Art6.pdf

à retenir

CHIFFRE CLÉ

185

Il s’agit du nombre de délégués à la condition animale référencés en France par le site Politique&Animaux 

Il faut arriver à embarquer et à changer les mentalités pour changer les modes de construire la ville en intégrant les animaux

GAUTIER CHAPUIS