Le décret mettant fin à la mise à mort des poussins mâles dans la filière de poules pondeuses était attendu ! Il a été publié le dimanche 6 février 2022 au journal officiel (vous pouvez le consulter ici).
Le décret indique qu’à compter du 31 décembre 2022, « la mise à mort des poussins des lignées de l’espèce Gallus gallus destinées à la production d’œufs de consommation issus de couvoirs est interdite » et que pour cela, les exploitants doivent mettre en place des « matériels permettant de déterminer le sexe de l’embryon au plus tard le quinzième jour d’incubation, ou par tout autre moyen apportant des garanties équivalentes ».
à retenir
- Les poussins mâles issus de souche brune ne sont plus mis à mort en France
- Cette interdiction ne concerne pas les poussins mâles destinés à l'alimentation animale ou issus de souche blanche : ces derniers ne peuvent plus être broyés mais doivent être gazés
- Il existe des alternatives pour éviter la mise à mort des poussins après leur naissance comme le sexage in ovo
Le saviez-vous ?
Les lignées de poules Gallus gallus peuvent être utilisées dans deux filières différentes :
• la filière œufs de consommation qui élève des poules pondeuses
• la filière chair destinée à la consommation de viande
Seuls les poussins mâles de la filière poules pondeuses étaient tués à la naissance
Le décret mettant fin à la mise à mort des poussins mâles dans la filière de poules pondeuses était attendu ! Il a été publié le dimanche 6 février 2022 au journal officiel (vous pouvez le consulter ici).
Le décret indique qu’à compter du 31 décembre 2022, « la mise à mort des poussins des lignées de l’espèce Gallus gallus destinées à la production d’œufs de consommation issus de couvoirs est interdite » et que pour cela, les exploitants doivent mettre en place des « matériels permettant de déterminer le sexe de l’embryon au plus tard le quinzième jour d’incubation, ou par tout autre moyen apportant des garanties équivalentes ».
Toutefois l’interdiction de mise à mort ne concerne pas :
- Les poussins des lignées Gallus gallus destinés à la reproduction[1], ni les canetons femelles de la filière foie gras.
- Les poussins destinés à l’alimentation animale. En effet, de nombreux animaux (oiseaux de proie, serpents, etc.) se nourrissent de poussins entiers et il est donc prévu de laisser éclore certains œufs avec une mise à mort des poussins afin de les conserver intacts.
- Les poussins des lignées dont les œufs sont utilisés dans l’alimentation industrielle pour les animaux[2].
- Les poussins mâles issus d’œufs blancs, dont le sexage dans l’œuf nécessite une technique plus coûteuse.
- Les poussins de souche brune issus d’erreur de sexage ou les poussins femelles blessés ou non viables (ce qui concerne un petit nombre d’individus)
- Les poussins utilisés à des fins scientifiques, notamment pour l’industrie pharmaceutique, ou à des fins de diagnostic vétérinaire
📌 A savoir
En France, tandis que nous achetons des œufs frais de couleur brune, les œufs blancs sont, quant à eux, généralement utilisés comme ovo-produits, c’est-à-dire incorporés dans les aliments transformés, les cosmétiques etc. Actuellement, selon l’Interprofession française des œufs (CNPO) les poules pondeuses de souche blanche représentent 15% des poules pondeuses[3] élevées en France.
Selon cette nouvelle réglementation, les poussins de souche brune issus d’erreur de sexage, blessés ou non viables peuvent être broyés ou gazés. Les poussins mâles issus d’œufs blancs utilisés dans l’industrie alimentaire animale et humaine doivent être gazés. La question se pose concernant les mâles issus d’œufs blancs utilisés dans l’industrie cosmétique dans la mesure où le décret évoque uniquement « les œufs de consommation » sans définir le terme.
Pourquoi les poussins mâles en filière poules pondeuses sont-ils mis à mort après éclosion ?
En filière poules pondeuses, seuls les poussins femelles sont maintenus en vie afin de devenir des poules pondeuses. Les poussins mâles, ne pouvant pas pondre des œufs, et n’ayant pas un patrimoine génétique permettant une production efficace de viande, ne sont pas conservés. Ils sont donc abattus un jour après la naissance, une fois que leur sexe a été déterminé. Cet abattage se fait le plus souvent par broyage mais peut également se faire par gazage.
Plusieurs techniques peuvent alors être utilisées pour déterminer le sexe du poussin à l’âge de 1 jour. La plus connue consiste à comparer les plumes de l’aile : chez les poussins mâles de 1 jour, les plumes de couverture sont de la même longueur que les rémiges primaires alors que chez les poussins femelles, elles sont de longueur différente.
Les poussins femelles vont ensuite quitter le couvoir pour rejoindre un élevage de poulettes puis un élevage de poules pondeuses où elles commenceront à pondre vers l’âge de 18 semaines. Elles vont ensuite pondre jusqu’à l’âge de 70-75 semaines avant d’être envoyées à l’abattoir. Durant cette période, chaque poule aura pondu environ 300-330 œufs. Ces données dépendent du système d’élevage des poules et peuvent donc varier !
📌 A savoir
Avant, le décret du 6 février, la mise à mort par broyage ou gazage concernait environ 40 millions de poussins mâles par an en France et concernait environ 300 millions en Europe.
La France est-elle le premier pays à interdire le broyage ?
L’objectif du décret est donc de diminuer le nombre de poussins broyés mais aussi, plus globalement, mis à mort en France.
Actuellement en Europe, la pratique du broyage est interdite en Wallonie depuis juillet 2021 et en Allemagne depuis 2022. La France et l’Allemagne souhaitent que cette interdiction soit généralisée et cette demande est soutenue par une dizaine d’Etats membres[4]. D’autres pays hors Union européenne travaillent sur des alternatives mais actuellement seule la Suisse a interdit le broyage des poussins mâles.
Quelles sont les alternatives possibles ?
Pour éviter la mise à mort des poussins après la naissance, plusieurs alternatives peuvent être utilisées, la plus utilisée étant le sexage in ovo.
Le sexage in ovo consiste à déterminer le sexe de l’embryon dans l’œuf avant l’éclosion, permettant de ne conserver que les œufs femelles sans faire éclore les œufs mâles, qui sont transformés en ovoproduits.
Le sexage in ovo :
- repose sur le fait que les embryons mâles et femelles présentent des particularités anatomiques, physiologiques, moléculaires ou génétiques qui permettent de les discriminer dans l’œuf.
- doit être précis (bien distinguer les mâles et les femelles), sans douleur pour l’embryon, rapide, pas trop onéreux à mettre en place et ne pas faire diminuer le taux d’éclosion des œufs.
Pour réaliser le sexage in ovo, différentes techniques utilisant la spectrométrie, le dosage hormonal ou le dosage des métabolites ont été développées et parmi elles, trois techniques sont commercialisées actuellement en France, comme le rappelle l’OABA[5] :
- Une technique qui se base sur la détermination de la couleur des plumes dans l’œuf. Cette technique est la moins onéreuse mais n’est applicable qu’aux races de souche brune pour lesquelles les embryons mâles et les embryons femelles peuvent se différencier par la couleur des premières plumes, généralement à partir de 13 jours d’incubation.
- Une autre technique qui implique de faire un prélèvement dans l’œuf en réalisant un trou dans la coquille pour déterminer le sexe dans l’œuf à 9 jours.
- Une dernière technique qui est basée sur la réalisation d’une imagerie par résonance magnétique (IRM) qui permet le sexage à partir du 12ème jour.
La première technique est la plus répandue en France. Cependant, elle rend impossible le sexage des œufs blancs in ovo. Le gouvernement, à la demande de la filière des œufs qui souhaitait conserver des poules pondeuses de souche blanche, a donc instauré une dérogation permettant de mener à éclosion puis de mettre à mort par gazage les poussins mâles de souche blanche dont les œufs sont utilisés pour l’alimentation animale et humaine. Cette dérogation pourrait, dans la pratique, ouvrir la voie à une plus grande utilisation des races blanches en France y compris pour la consommation d’œufs frais.
Certaines techniques nécessitent donc un prélèvement dans l’œuf, ce qui pose la question de la douleur potentielle ressentie par l’embryon, alors que d’autres peuvent être réalisées sans contact[6].
Le saviez-vous ?
La date à partir de laquelle les embryons sont capables de ressentir de la douleur ne fait pas consensus selon les études scientifiques. Certaines études parlent du 7ème jour[7] mais d'autres évoquent des délais allant jusqu'au 15ème jour[8]. Le décret qui vient de paraître demande que le sexage in ovo soit réalisé le 15ème jour au plus tard.
A noter que des recherches actuelles portent sur une méthode d’analyse des gaz émis par les œufs permettant de sexer les œufs à partir de 1 jour[9].
Enfin, hormis le sexage in ovo, une autre alternative serait de sélectionner des races mixtes où les femelles serviraient à la ponte et les mâles à la production de poulets de chair. Pour le moment cependant, les lignées utilisées ne permettent pas cette double utilisation et un travail devrait être fait sur la sélection génétique. A noter que l’utilisation de races mixtes, plutôt que d’opérer par sexage in ovo, est la pratique préconisée en premier lieu par l’Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs[10].
Pour conclure
Depuis le 1er janvier 2023, les poussins mâles issus de souche brune (dont les œufs sont en général utilisés pour la consommation d’œufs frais), ne sont plus mis à mort en France. En revanche, les poussins mâles destinés à l’alimentation animale, ou issus de souche blanche dont les œufs sont généralement utilisés comme ovo-produits dans l’industrie alimentaire (animale et humaine) ne sont pas concernés par cette interdiction. Les poussins issus de souche blanche dont les œufs sont utilisés dans l’industrie alimentaire et animale doivent être gazés pour être mis à mort et ne peuvent plus être broyés. La question se pose en revanche concernant les poussins issus de souche blanche dont les œufs sont incorporés dans les cosmétiques et qui pourraient potentiellement être encore broyés en fonction du sens qu’attribue le décret à « œufs de consommation ».
📌 A savoir
Chez les oiseaux, la détermination sexuelle repose sur le système ZZ :ZW. Et à la différence de l’espèce humaine, c’est le mâle qui a deux chromosomes sexuels identiques (ZZ) alors que ceux de la femelle sont différents (ZW).
Durée incubation : Chez la poule, la durée d’incubation est de 21 jours. Durant cette période, la température doit être d’environ 37-39°C (dépendant du taux d’humidité)
[1] Dans la filière reproduction, en effet, il faut en moyenne un mâle pour dix femelles. Pour atteindre ce ratio, de nombreux mâles sont broyés à la naissance.
[2] Cette exception est encadrée par l’arrêté du 7 novembre 2022
[3] https://www.alliance-elevage.com/informations/actualite/stop-la-desinformation-des-associations-animalistes-la-filiere-francaise-des-oeufs-confirme-la-mise-en-oeuvre-de-lovosexage-des-le-1er-janvier
[4]https://agriculture.gouv.fr/parangonnage-europeen-sur-le-bien-etre-animal-et-la-lutte-contre-la-maltraitance-animale.
[5] https://oaba.fr/la-fin-de-lelimination-des-poussins-loccasion-manquee-par-le-gouvernement/
[6]https://www.itavi.asso.fr/publications/avancees-concernant-les-methodes-d-ovosexage-des-poussins.
[7]Eide, A.L., Glover, J.C., 1995. Development of the longitudinal projection patterns of lumbar primary sensory afferents in the chicken embryo. J. Comp. Neurol. 353, 247–259. https://doi.org/10.1002/cne.903530207
[8]J. Gautron, S. Réhault-Godbert, T.G.H. Van de Braak, I.C. Dunn, Review: What are the challenges facing the table egg industry in the next decades and what can be done to address them?, Animal, Volume 15, Supplement 1,2021 https://doi.org/10.1016/j.animal.2021.100282
[9]https://liu.se/en/news-item/bekraftat-att-liu-forskare-kan-konssortera-agg.
à retenir
- Les poussins mâles issus de souche brune ne sont plus mis à mort en France
- Cette interdiction ne concerne pas les poussins mâles destinés à l'alimentation animale ou issus de souche blanche : ces derniers ne peuvent plus être broyés mais doivent être gazés
- Il existe des alternatives pour éviter la mise à mort des poussins après leur naissance comme le sexage in ovo
CHIFFRE CLÉ
de poussins mâles étaient broyés chaque année en France chaque année
La mise à mort des poussins des lignées de l’espèce Gallus gallus destinées à la production d’œufs de consommation issus de couvoirs est interdite
DECRET DU 31 DECEMBRE 2022