Les médias évoquent régulièrement le cas d’entreprises de l’agroalimentaire qui décident de s’engager à respecter le Better Chicken Commitment ou d’associations invitant ces dernières à adopter ces standards minimum en matière de poulet de chair. Pour bien comprendre cet enjeu d’actualité, nous vous proposons de voir ensemble de quoi il en retourne ! Au programme un décryptage des exigences du BCC en matière de bien-être animal suivi d’une interview de l’association CIWF et de l’entreprise DUC qui a décidé d’adhérer à certains critères du BCC.
En 2017, une trentaine d’ONG européennes de protection animale se sont accordées sur une « déclaration de référence », appelée « Better Chicken Commitment » (BCC) ou « European Chicken Commitment » (ECC), qui établit des recommandations minimales en matière de bien-être des poulets de chair. Ces critères concernent aussi bien l’élevage que l’abattage et se proposent d’aller plus loin que la réglementation européenne applicable. Les entreprises de l’agroalimentaire signataires du BCC s’engagent ainsi à ce que, d’ici 2026, leurs fournisseurs de viande de poulet de chair satisfassent aux conditions fixées par ce dernier.
à retenir
- Des associations de protection animale européennes se sont accordées sur des normes minimales de bien-être animal en élevage de poulets de chair qui vont plus loin que la réglementation de l’Union européenne : ce texte est appelé le Better Chicken Commitment (BCC)
- Les entreprises de l’agroalimentaire signataires du BCC s’engagent à appliquer des densités plus faibles, renoncer aux races à croissance rapide ainsi qu’aux cages, mettre en place des enrichissements (perchoirs, substrats), recourir à de la lumière naturelle, renoncer à l’accrochage vivant des poulets au moment de leur abattage, etc.
- La mise en place des critères du BCC suppose un surcoût pour les producteurs avec une nécessité d’ajuster le prix d’achat final : l’effort doit ainsi venir aussi du consommateur
- Il n’existe pas aujourd’hui de label qui permette de savoir qu’un produit répond à tous les critères du BCC, cependant l’étiquette bien-être animal niveau C est alignée avec les critères du BCC en élevage. Il existe également des labels plus protecteurs sur certains points (label rouge, bio, étiquette bien-être animal A ou B)
Les médias évoquent régulièrement le cas d’entreprises de l’agroalimentaire qui décident de s’engager à respecter le Better Chicken Commitment ou d’associations invitant ces dernières à adopter ces standards minimum en matière de poulet de chair. Pour bien comprendre cet enjeu d’actualité, nous vous proposons de voir ensemble de quoi il en retourne ! Au programme un décryptage des exigences du BCC en matière de bien-être animal suivi d’une interview de l’association CIWF et de l’entreprise DUC qui a décidé d’adhérer à certains critères du BCC.
En 2017, une trentaine d’ONG européennes de protection animale se sont accordées sur une « déclaration de référence », appelée « Better Chicken Commitment » (BCC) ou « European Chicken Commitment » (ECC), qui établit des recommandations minimales en matière de bien-être des poulets de chair. Ces critères concernent aussi bien l’élevage que l’abattage et se proposent d’aller plus loin que la réglementation européenne applicable. Les entreprises de l’agroalimentaire signataires du BCC s’engagent ainsi à ce que, d’ici 2026, leurs fournisseurs de viande de poulet de chair satisfassent aux conditions fixées par ce dernier.
Quelles associations se sont accordées sur le BCC ?
Le BCC est le fruit d’un accord entre associations dites « welfaristes », comme CIWF, Welfarm, l’OABA, mais aussi certaines associations dites « abolitionnistes », comme L214.
Le saviez-vous ?
Les "welfaristes" s'engagent pour le bien-être animal sans remettre en cause l'élevage.
Les "abolitionnistes", quant à eux, sont favorables à une amélioration des conditions des animaux en prônant un mode de vie vegan pour tous (pour une définition du véganisme, vous pouvez consulter notre article dédié)
Qui est concerné ?
Le texte dans sa rédaction s’adresse aux entreprises de l’agroalimentaire (transformation, distribution, restauration), qui constituent des acteurs clés de la filière et qui sont en position d’insuffler des changements de pratiques également aux producteurs.
En 2021, selon le rapport « Chicken Track »[1] réalisé par CIWF, plus de 270 entreprises européennes, dont 75 d’origine française, étaient signataires du BCC : KFC, Subway, Domino’s Pizza, Danone, Nestlé, etc., et également la majeure partie des distributeurs français, comme Carrefour, Auchan, E.Leclerc, Système U, Intermarché, Lidl, Aldi etc. Ces derniers se sont engagés à respecter les critères du BCC d’ici 2026 pour 100% de la viande de poulet fraiche, surgelée ainsi que celle présente dans les produits transformés contenant plus de 50% de poulet[2], commercialisée sous la marque distributeur.
Par ailleurs, en 2021, l’interprofession française de la volaille de chair (l’ANVOL) qui rassemble l’ensemble des maillons de la filière (du producteur au distributeur) a indiqué son intention de développer la démarche BCC d’ici 2025[3].
Quels animaux sont concernés ?
Le BCC concerne uniquement les poulets de chair. Les autres volailles élevées pour leur viande ainsi que les poules pondeuses ne sont pas visées.
Quelle est la règlementation européenne en matière de poulets de chair ?
Actuellement, pour les exploitations de plus de 500 poulets de chair élevés en intérieur[4], le cadre légal minimal est fixé par la directive européenne 2007/43/CE transposée en droit français par l’arrêté du 28 juin 2010. Cette directive prévoit :
- que les locaux disposent d’un éclairage, qui peut être entièrement artificiel, d’une intensité minimale de 20 lux, avec, sur 24h, des périodes obligatoires d’obscurité d’au moins 6 heures (dont 4 heures ininterrompues) mises en place dans les 7 jours suivant l’installation des poulets et jusqu’à trois jours avant l’abattage[5].
- que les poulets aient accès en permanence à une litière sèche et friable en surface
- que la densité maximale de l’élevage ne dépasse pas 33kg/m2 (soit environ 17 poulets/m2). Toutefois, si l’éleveur respecte des paramètres environnementaux (normes de qualité de l’air, taux d’humidité, température), des dérogations permettent d’augmenter cette densité à 39 kg/m2 (environ 20 poulets/m2), voire à 42 kg/m2 (environ 22 poulets/m2), si le taux de mortalité journalier de ses poulets reste en-deçà d’un certain seuil, si l’éleveur n’a commis aucune irrégularité pendant 2 ans, et qu’il s’efforce d’appliquer les guides de bonnes pratiques dans sa gestion. Dans les faits, en 2017, selon un rapport de la Commission européenne, la plupart des élevages français remplissent les critères dérogatoires et appliquent une densité de 42kg/m2[6].
En revanche, la directive :
- n’interdit pas le recours à des races dites à croissance rapide dont plusieurs études ont démontré les conséquences délétères pour le bien-être des poulets[7][8][9],
- n’interdit pas l’usage de cages,
- n’impose pas le recours à des enrichissements (perchoirs, nids, bains de poussière) qui permettraient aux animaux d’exprimer certains de leurs comportements naturels.
- permet à titre dérogatoire le recours à l’épointage du bec (raccourcir le bec des poulets par une action mécanique) lorsque « toutes les autres mesures visant à prévenir le picage des plumes et le cannibalisme ont échoué ». A noter toutefois qu’il s’agit d’une pratique moins répandue dans les élevages de poulets de chair (contrairement aux élevages de poules pondeuses), hors élevages de poulets reproducteurs, car les animaux élevés pour la viande sont beaucoup plus jeunes que les pondeuses, et également moins agressifs/énergiques.
Le saviez-vous ?
Pour augmenter la rentabilité, des races dites "à croissance rapide" ont été développées. Les poulets prennent ainsi du poids plus rapidement et peuvent être abattus plus tôt.
Cette croissance rapide a un coût en matière de bien-être animal : inflammations de la peau, problèmes locomoteurs avec des poulets qui sont parfois incapables de se déplacer jusqu'à leur mangeoire, etc.
Concernant l’abattage, le règlement européen 1099/2009/CE sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort fixe le cadre légal applicable aux poulets de chair. La méthode principale d’étourdissement utilisée en France est ainsi celle de l’électronarcose par bain d’eau[10]. Elle suppose de suspendre les poulets, encore conscients, par les pattes à un crochet[11]. La tête en bas, ils sont amenés via un rail vers un bain d’eau électrifié dans lequel ils sont plongés pour être étourdis avant la saignée.
Ce procédé d’abattage a suscité des questionnements à plusieurs égards. En effet, selon certains chercheurs, le fait de suspendre les poulets par les pattes est certainement source de stress et de douleur[12]. Concernant le bain d’eau électrifié, dans un avis scientifique rendu en 2014, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a indiqué qu’il était difficile d’établir une combinaison de paramètres (intensité et tension électriques) permettant de garantir un étourdissement de 100% des poulets et que des alternatives devraient être développées et mises en place[13].
Les entreprises signataires du BCC s’engagent à respecter des critères de bien-être animal plus poussés que ceux imposés par la réglementation européenne.
Quels sont les améliorations en matière de bien-être animal auxquelles les entreprises signataires du BBC s’engagent ?
Partant de là, afin de garantir aux poulets de chair un meilleur niveau de bien-être, le BCC propose diverses mesures.
Densité des élevages
En signant le BCC, les entreprises s’engagent à respecter une densité maximale de 30kg/m2. En augmentant ainsi l’espace disponible pour les poulets, les risques d’impact sur leur bien-être s’en trouvent diminués. Le BCC est plus exigeant que la réglementation actuelle mais en deçà de certaines recommandations scientifiques. En effet, le Comité scientifique de la santé et du bien-être des animaux de la Commission européenne a indiqué dès les années 2000 qu’au-dessus de 25kg/m2, de sérieux problèmes de bien-être étaient difficilement évitables (moins de possibilité pour les poulets de se déplacer, d’exprimer des comportements naturels comme le fait de gratter le sol, plus de stress, plus de problèmes locomoteurs, plus grande difficulté d’accès à l’eau et à la nourriture, etc.)[14]. Dans son avis scientifique rendu récemment en février 2023, L’EFSA va même plus loin en affirmant que « la densité maximale au-dessus de laquelle le score de pododermatites augmente, la capacité de locomotion diminue et la réalisation des besoins comportementaux[15] est altérée en raison du manque d’espace est de 11kg/m2 »[16].
Le BCC décourage en outre le détassage. Le détassage consiste à envoyer plus tôt à l’abattoir une partie des poulets pour augmenter l’espace des animaux restants. Il peut être pratiqué plusieurs fois sur un cycle de production d’un même lot d’animaux. Cette méthode permet ainsi de contourner les limitations de densité et d’élever un plus grand nombre de poulets au mètre carré en envoyant plus tôt à l’abattoir une partie des animaux (avant de dépasser les kg/m2 prévus par la réglementation), pendant que l’autre est conduite jusqu’à la fin du temps prévu de production. Le BCC demande que, si pratiqué, le détassage soit limité à un seul par lot.
Races utilisées
Le BCC requiert de renoncer aux races à croissance rapide en faveur de races « dont l’intérêt pour le bien-être a été démontré » et dont une liste indicative est fixée dans le texte[17]. Selon le Welfare Footprint Project, un recours à de telles races permettrait une réduction de 66% du temps passé à ressentir une douleur invalidante (« disabling pain ») et une réduction de 78% du temps passé à ressentir une douleur intenable (« excruciating pain ») par rapport à des races à croissances rapides.
Éclairage
Le BCC prévoit une augmentation de l’intensité lumineuse par rapport à ce qu’exige la réglementation (20 lux) pour atteindre 50 lux. Il a en effet été montré qu’une augmentation de l’intensité lumineuse tend à accroître l’activité des volailles tout en diminuant les problèmes locomoteurs[18].
Par ailleurs, il requiert l’abandon d’une lumière entièrement artificielle. Les poulets doivent ainsi bénéficier d’une lumière naturelle, qui peut être complétée si nécessaire par une lumière artificielle. Plusieurs études récentes ont de fait pointé l’intérêt de recourir à de la lumière naturelle pour améliorer l’activité et le bien-être des poulets et augmenter l’usage des enrichissements. Deux études, une de 2013[19] et une autre de 2019[20], ont ainsi montré que combiner la lumière naturelle avec l’apport d’enrichissements (ballots de paille, chaînes en métal, perches, etc.) tendait à augmenter l’activité des poulets à croissance rapide par rapport au seul usage d’enrichissements sans lumière naturelle[21]. Dans l’étude de 2013, les poulets bénéficiant d’un enrichissement et de lumière naturelle présentaient également moins de problèmes locomoteurs. De façon générale, la lumière naturelle couplée à la présence d’enrichissements semble accroître l’expression des comportements naturels des poulets (exploration, recherche de nourriture)[22].
Accès à des enrichissements
Le BCC requiert que les poulets aient accès à des enrichissements : au moins deux mètres de perchoirs utilisables et au moins deux substrats à picorer pour 1000 oiseaux.
L’usage d’objets à picorer stimule l’activité des animaux[23][24] et permet la réalisation de comportements naturels d’exploration et de manipulation propres aux poulets.
L’installation de perchoirs est bénéfique au bien-être des poulets (besoin comportemental de perchage[25], amélioration des capacités de thermorégulation, diminution des dermatites[26]) et est recommandée dans le dernier avis scientifique de l’EFSA[27]. Toutefois, ils sont parfois peu utilisés par les poulets de chair dans la pratique et il semble préférable de privilégier l’installation de plateformes en raison de leur surface plus importante[28][29].
En revanche, le BCC n’exige pas la mise en place de bains de poussière. Pourtant l’usage de cet enrichissement est hautement motivant[30][31] pour les volailles qui témoignent de la frustration si elles ne peuvent pas réaliser ce comportement naturel[32][33].
Qualité de l’air
Le BCC demande le respect des normes maximales de qualité d’air prévues par la directive européenne 2007/43/CE, et ce quelle que soit la densité de l’élevage.
Usage de cages et systèmes multi-étages
Quid de l’épointage du bec des poulets ?
L’épointage du bec des poulets est une pratique qui consiste à raccourcir le bec des poulets pour éviter que ces derniers ne se blessent eux-mêmes, par picage des plumes, ou ne blessent leurs congénères (cannibalisme). Ces comportements problématiques en élevage sont diminués lorsque les animaux ont accès à suffisamment d’enrichissements et la possibilité de rechercher leur nourriture[37]. Le BCC ne demande pas l’arrêt de l’épointage. Cette pratique est pourtant source de douleur aigue et chronique. Le bec est par ailleurs nécessaire au répertoire comportemental des oiseaux : prise alimentaire, lissage des plumes, exploration, construction du nid, et même élimination de certains parasites[38]. Dans son avis scientifique de 2023, l’EFSA recommande l’arrêt de toute mutilation avec la mise en place de mesures préventives[39].
A noter toutefois que l’épointage n’est pas une pratique systématique en élevage de poulets de chair (contrairement aux élevages de poules pondeuses), et concerne très peu d’individus (parfois les reproducteurs et pas de façon systématique). Pour cette filière, l’arrêt de l’épointage n’est donc pas un réel enjeu en matière de bien-être animal.
Étourdissement et abattage
Le BCC oblige à recourir à un étourdissement soit par atmosphère contrôlée[40], soit par une électronarcose efficace. Dans tous les cas, le système utilisé ne doit pas impliquer un accrochage vivant des poulets, source de stress et de douleur.
L’interprofession de volaille de chair souligne que la mise en place d’un étourdissement par atmosphère contrôlé risque de poser des difficultés en France dans la mesure où moins de 10% des abattoirs étaient équipés en 2019[41]. Cependant, les principaux acteurs de la volaille tendent aujourd’hui à s’engager dans une dynamique de transition de leurs outils d’abattage.
Audits et reporting
Les entreprises signataires acceptent d’être soumises à des audits indépendants pour la vérification de l’application des exigences du BCC et s’engagent à réaliser un reporting annuel de leur avancement.
Quelles sont les implications économiques à l’échelle européenne du BCC ?
Le BCC attend un alignement des entreprises de l’agroalimentaire, y compris multinationales, sur une norme minimale commune en matière de bien-être animal afin d’éviter qu’elles n’appliquent des critères en deçà ou qu’elles ne contournent les normes européennes plus protectrices que celles applicables dans d’autres pays.
De fait, l’enjeu est de taille : selon les données de l’ITAVI, la part de viande de poulet importée dans la consommation française a atteint un nouveau record de 50% sur les 7 premiers mois de 2022 contre 45% en 2021, avec des augmentations des importations en provenance du Brésil et de l’Ukraine, dont la réglementation est moins protectrice en matière de bien-être animal que celle de l’Union européenne.
L’engagement d’un grand nombre d’industriels dans la démarche du BCC devrait permettre de limiter les importations en provenance de pays moins soucieux du bien-être des poulets en faveur de producteurs appliquant des critères plus élevés de bien-être.
Quel surcoût pour les producteurs qui s’engagent dans la démarche BCC ?
Existe-t-il déjà d’autres cahiers des charges (labels ou étiquettes) qui respectent les critères du BCC ?
Les label rouge et bio appliquent déjà une grande partie des critères du BCC, voire vont parfois plus loin. En effet, ils requièrent des densités beaucoup plus faibles, l’usage de races rustiques à croissance lente. Le cahier des charges bio oblige par ailleurs au recours à une lumière naturelle, à des perchoirs, l’accès à un parcours extérieur avec végétation et interdit l’épointage du bec (deux points non prévus par le BCC même si nous avons vu que l’épointage n’était pas systématique en élevage standard).
L’étiquette bien-être animal niveau A, B, C développée pour les poulets de chair garantit l’application de critères plus protecteurs que ceux imposés par la réglementation européenne en allant parfois plus loin que le BCC. Les poulets estampillés A, B ou C sont des poulets à croissance plus lente, élevés dans des densités plus faibles avec une lumière naturelle, des perchoirs et objets à piquer.
En revanche, en France, aucun label ou étiquette ne requiert le recours à un abattage sans suspension des poulets vivants par les pattes, ce que demande le BCC. L’étiquette bien-être animal niveau A, B, C oblige toutefois à une insensibilisation efficace avant la saignée et les niveaux A et B la mise en place de contrôles vidéo dans les abattoirs.
A noter également qu’il n’existe aujourd’hui aucune étiquette apposée sur les produits qui puisse indiquer au consommateur qu’un produit respecte effectivement l’ensemble des critères du BCC (élevage et abattage). Le niveau C de l’étiquette bien-être animal est aligné avec les critères en élevage du BCC depuis le 1er janvier 2023, et les niveaux A et B vont au-delà de ces demandes pour la phase élevage.
Article relu par Lucile Bellegarde, responsable des Affaires Agroalimentaires pour CIWF France.
Pour recueillir le point de vue de toutes les parties prenantes, nous sommes allés à la rencontre de Lucille Bellegarde, responsable des Affaires Agroalimentaires pour CIWF France, et Stéphane Poirier, responsable qualité Amont et filières sous certification chez DUC
Interview de Lucille Bellegarde de CIWF
Quelles motivations ont poussé les associations à l’origine du BCC à aller plus loin que la réglementation européenne en matière de bien-être des poulets de chair ?
La réglementation européenne existante est loin de répondre aux enjeux clés de bien-être animal en élevage de poulets de chair, notamment les souches à croissance rapide, les densités trop élevées, mais aussi l’absence d’enrichissements et de lumière naturelle, pourtant cruciaux pour l’expression des comportements naturels. Concernant l’abattage, malgré les recommandations de l’EFSA en 2014, l’électronarcose par bain d’eauavec accrochage inversé vivant est toujours largement pratiquée, et ne garantit pas un étourdissement respectueux des animaux.
Il était nécessaire de proposer un ensemble de critères harmonisés sur lequel l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeur pourraient s’appuyer pour définir de nouveaux standards pour l’élevage de poulets de chair. Le BCC doit être le standard minimum de l’élevage de poulet de chair pour demain en matière de bien-être animal.
De façon générale, les industriels se montrent-ils réceptifs ?
L’engagement des entreprises est une première étape cruciale. La distribution française se place aujourd’hui en leader à l’échelle européenne, puisque toutes les grandes enseignes sont engagées depuis fin 2020. Les acteurs de la restauration et les industriels ont également largement rejoint le mouvement.
Côté producteurs des acteurs clés comme Galliance, LDC, DUC en France, mais aussi 2 Sisters Food Group, Plukon ou bien Fileni (Italie) se sont aussi engagés à produire des volumes croissant de poulet répondant aux critères du BCC.
Les engagements publics sont un signal clé du changement initié, mais ils doivent être suivis d’une mise en œuvre effective de cette transition via une feuille de route dédiée. CIWF encourage les entreprises engagées à publier un reporting de leurs progrès dans la transition vers le BCC, et les entreprises engagées sont notamment suivis dans notre rapport ChickenTrack.
Le contexte actuel est difficile, entre grippe aviaire et inflation, mais nous n’observons pas de recul des ambitions en ce qui concerne le bien-être des poulets de chair. Les entreprises travaillent sur leurs feuilles de route et sont volontaires pour la transition, en impliquant tous les acteurs de la chaîne de valeur.
Après 2026, quelle suite ?
Le BCC représente le plus grand changement potentiel en matière de bien-être des poulets de chair depuis plus d’une décennie, et nécessite un changement de système à grande échelle et à un rythme soutenu.
CIWF attend beaucoup de la révision de la législation européenne, en espérant que les avancées menées par les acteurs privées seront consolidées par une avancée de la législation, et de réelles avancées pour les poulets de chair.
Interview de Stéphane Poirier, DUC
Depuis 2020, vos poulets de chair répondent aux critères du BCC, avez-vous rencontré des difficultés particulières ?
Nous n’avons pas rencontré de réelles difficultés, les critères du BCC à mettre en place correspondaient une évolution de la production de poulets certifiés que nous maitrisions :
- Des souches similaires
- Une moindre densité
- La mise en place des enrichissements et de la lumière naturelle
Comme cela est prévu par notre organisation, les aménagements nécessaires (financiers, techniques, …) ont fait l’objet de discussions et décisions avec les représentants des éleveurs. L’aspect financier (lumière naturelle et enrichissements du milieu) a été accompagné par DUC. Nous avons ainsi financé une partie des perchoirs et mis une aide en place pour la lumière naturelle.
Des formations et un suivi technique de proximité auprès des éleveurs ont permis la réussite de ce nouveau concept. A ce jour, environ 30% de notre production répond aux critères du BCC.
Appliquez-vous également le volet abattage du BCC ?
Pour répondre aux critères BCC sur le volet abattage, dès 2020 sur notre principal site, l’installation d’un nouveau quai de réception équipé de l’anesthésie gazeuse a été mis en place. C’est un système qui endort progressivement les animaux jusqu’à obtention de leur inconscience ; il leur évite ainsi traumatisme, souffrance et stress. D’ici 2 ans, c’est la totalité des animaux qui recevra le même traitement. Cela a aussi l’avantage de faciliter le travail des opérateurs qui accrochent les poulets et induit une viande de meilleure qualité.
De façon générale, pourquoi avoir décidé d’appliquer les critères du BCC sans le signer ?
La prise en compte du bien-être animal fait partie de la politique générale de l’entreprise, il a toujours été pris en considération au niveau de la filière.
L’évolution des attentes sociétales par les clients et les consommateurs nous ont incités à mettre en place cette production répondant à ces critères reconnus. Nous nous devons de proposer des produits qui répondent au besoin du marché de la volaille et ainsi contribuer à la souveraineté alimentaire française. De fait, si nous nous efforçons de développer la démarche BCC, la demande pour une production de poulet du quotidien est réelle. C’est ainsi que nous gérons ces deux réalités.
Avez-vous constaté une augmentation de vos coûts ? Si oui, comment avez-vous pallié cette augmentation ?
Toute production avec des spécificités génère des coûts supplémentaires qu’il est indispensable d’impacter sur le prix final et justifie l’écart de prix auprès du consommateur.
Si vous deviez dresser le bilan : êtes-vous globalement satisfait d’avoir entamé cette démarche et la conseillerez-vous à d’autres industriels ?
On ne peut que se satisfaire d’être dans une démarche d’amélioration des conditions de vie de nos volailles qui, de surcroît, répond aux attentes sociétales. Ces améliorations contribuent également à la satisfaction des éleveurs engagés dans cette démarche.
Dans le contexte économique actuel, sur un marché de la volaille concurrentiel, la mise en avant et la juste valorisation des critères BCC sont un frein au développement de cette production. De fait, le consommateur tend à aller au moins cher et favoriser l’achat d’une viande de poulet standard, tandis que les produits à base de poulets répondant au BCC sont généralement plus chers. Sans un changement de la part du consommateur (particulier, restaurateurs, transformateurs), développer la démarche BCC risque de se heurter à un plafond de verre.
Et demain ? Souhaitez-vous aller encore plus loin ?
Notre concept va déjà plus loin que les critères du BCC :
- Nos volailles sont nourries avec une alimentation sans OGM <0.9%
- Ni traitements antibiotiques, ni anticoccidiens ne sont administrés aux volailles
- Nous nous inscrivons dans la démarche DURALIM pour une alimentation des animaux plus durable
[1] https://www.agrociwf.fr/actualites/2021/11/le-premier-rapport-chickentrack-europeen-est-disponible
[2] En pratique cela signifie que la plupart des plats préparés contenant de la viande de poulet ne sont pas concernés par l’application du BCC.
[3] https://interpro-anvol.fr/wp-content/uploads/2021/01/DP_ANVOL_VersionFinale110220_bd.pdf
[4] A noter également que la directive 2007/43/CE ne s’applique pas aux couvoirs, ni aux exploitations dans lesquelles sont élevés des poulets reproducteurs
[5] Cette réglementation permet d’éviter le maintien d’une lumière permanente destinée à stimuler la croissance des poulets mais parfois délétère pour leur bien-être. En effet, des études ont montré qu’une réduction du temps d’éclairage tend à diminuer les troubles locomoteurs, comme les dyschondroplasies tibiales par exemple : voir Classen H.L, Riddelle C., 1989. Photoperiodic effects on performance and leg abnormalities in broiler chickens. Poultry Science 68 (7), https://doi.org/10.3382/ps.0680873. Voir au sujet des dyschondroplasies tibiales Sorensen P., Su G., and Kestin S.C., 1999. The effect of photoperiod: scotoperiod on leg weakness in broiler chickens. Poultry Science 78 (3), https://doi.org/10.1093/ps/78.3.336).
Par ailleurs, une exposition continue à la lumière peut provoquer chez les poulets des troubles oculaires (augmentation du volume de l’œil, glaucome, cécité, aplatissement de la cornée, etc.). Pour revue, voir Buyse J., Simons P.C.M., Boshouwers F.M.G., Decuypere E., 1996. Effect of intermittent lighting, light intensity and source on the performance and welfare of broilers. World’s Poultry Science Journal 52 (2), https://doi.org/10.1079/WPS19960012
En outre, si une lumière permanente ne semble pas induire de stress physiologique, on observe une augmentation des états cataleptiques chez les volailles (« tonic immobility »), indiquant un stress psychologique: voir Campo J. L., Dávila S. G., 2002. Effect of Photoperiod on Heterophil to Lymphocyte Ratio and Tonic Immobility Duration of Chickens. Poultry Science 81(11), https://doi.org/10.1093/ps/81.11.1637
[6] 82% des poulets français sont élevés à une densité entre 39 et 42kg/m2 et le rapport spécifie que « la majorité des éleveurs ont l’habitude d’élever les poulets à 42kg/m2 ». Pour en savoir plus voir : Commission européenne, 2017. Study on the Application of the Broilers Directive DIR 2007/43/EC and development of welfare indicators. disponible ici : https://op.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/f4ccd35e-d004-11e7-a7df-01aa75ed71a1
[7] Dixon L.M., 2020. Slow and steady wins the race: The behaviour and welfare of commercial faster growing broiler breeds compared to a commercial slower growing breed. PLOS ONE 15(4). https://doi.org/10.1371/journal.pone.0231006
[8] Rayner, A.C., Newberry, R.C., Vas, J., Mullan S., 2020. Slow-growing broilers are healthier and express more behavioural indicators of positive welfare. Scientific Reports 10. https://doi.org/10.1038/s41598-020-72198-x
[9] Dans son avis scientifique de février 2023, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) recommande de recourir à des races plus robustes ou à croissance plus lente : EFSA, 2023. Welfare of broilers on farm. EFSA Journal 21 (2), https://doi.org/10.2903/j.efsa.2023.7788
[10] Pour un état des lieux des méthodes d’étourdissement et d’abattage utilisées pour les poulets de chair et leurs implications sur le bien-être animal, n’hésitez pas à consulter ce document réalisé par CIWF : https://www.agrociwf.fr/media/7428703/recommandations-abattage-volailles_mai-2016.pdf
[11] Le règlement européen 1099/2009/CE dans son annexe 3 interdit de soulever les animaux par les pattes mais institue une dérogation pour les volailles
[12] Gentle M.J., Tilston V.L., 2000. Nociceptors in the legs of poultry: implications for potential pain in pre- slaughter shackling. Animal Welfare 9 (3). https://doi.org/10.1017/S0962728600022715
[13] https://efsa.onlinelibrary.wiley.com/doi/pdf/10.2903/j.efsa.2014.3745
[14] Scientific Committee on Animal Health and Animal Welfare (European Commission). 2000. The Welfare of Chicken Kept for Meat Production (Broilers), disponible : https://food.ec.europa.eu/system/files/2020-12/sci-com_scah_out39_en.pdf (p. 66)
[15] Un besoin comportemental est un besoin qui fait partie du répertoire naturel de l’animal et est motivé par des facteurs internes. L’animal cherche à réaliser ce comportement y compris en l’absence d’un environnement optimal ou des ressources nécessaires.
[16] EFSA, 2023. Welfare of broilers on farm. EFSA Journal 21 (2), https://doi.org/10.2903/j.efsa.2023.7788
[17]https://welfarecommitments.com/europeletter/fr
[18] Dans une expérience conduite en 1988, les poulets soumis à 180 lux montraient une plus grande activité que ceux soumis à une intensité de 6 lux et, à 6 semaines de vie, présentaient moins de troubles locomoteurs : Voir Newberry R.C., Hunt J.R., Gardiner E.E., 1988. Influence of light intensity on behavior and performance of broiler chickens. Poultry Science, https://doi.org/10.3382/ps.0671020
[19] Bailie C.L., Ball M.E., O’Connell N.E., 2013. Influence of the provision of natural light and straw bales on activity levels and leg health in commercial broiler chickens. Animal 7 (4), https://doi.org/10.1017/S1751731112002108
[20] de Jong I.C., Gunnink H., 2019. Effects of a commercial broiler enrichment programme with or without natural light on behaviour and other welfare indicators. Animal, https://doi.org/10.1017/S1751731118001805
[21] A noter que cette augmentation de l’activité des poulets pourrait être due à l’augmentation de l’intensité lumineuse inhérente à la lumière du jour ou bien aux variations lumineuses induite par la lumière naturelle qui sont susceptibles de stimuler les poulets. Il a aussi été montré que la vision des volailles tendait à s’améliorer lorsque ces dernières étaient soumises à de forte intensités lumineuses mais aussi à des rayons lumineux contenant des UV, les rendant plus attentives à leur environnement : voir pour revue Bailie et al., 2013 et de Jong et al., 2019.
[22] de Jong et al., 2019.
[23] Bailie et al., 2013.
[24] Guérin E., Stomp M., Brajon S., Aulanier F., Leroux M., Warin L., Bouvarel I., 2022. Evaluation of enrichments to improve broilers welfare. Animal- science proceedings 13 (5). https://doi.org/10.1016/j.anscip.2022.05.150
[25] Warin L., Guinebretière M., Bellegarde L., Brajon B., Burgaud F., et al., 2022. What are the behavioural needs of the Gallus gallus species?.14. Journées de la Recherche Avicole et Palmipèdes à Foie gras Mars 2022, Tours, France. https://hal.inrae.fr/hal-03797364
[26] Pour revue voir Riber A.B., van de Weerd H.A., de Jong I.C., Steenfeldt S., 2018. Review of environmental enrichment for broiler chickens. Poultry Science 97 (2). https://doi.org/10.3382/ps/pex344
[27] EFSA, 2023.
[28] Guérin et al., 2022.
[29] Pour revue Riber et al., 2018
[30] Les poulets Baxter M., Bailie C.L. and O’Connell N.E., 2018. Evaluation of a dustbathing substrate and straw bales as environmental enrichments in commercial broiler housing. Applied Animal Behaviour Science 200. https://doi.org/10.1016/j.applanim.2017.11.010
[31] Warin et al., 2022.
[32] Pour revue : Baxter et al., 2018.
[33] Quand les poulets n’ont pas accès à un substrat pour réaliser ce comportement, ils tendent à effectuer le mouvement « à vide », ce que l’on nomme « sham dustbathing » (faux bains de poussière). Cela est particulièrement visible quand les poulets sont élevés en cage. Voir à ce propos EFSA, 2023.
[34] Pour une revue de l’effet des cages sur les volailles voyez par exemple : Shields S., Greger M., 2013. Animal Welfare and Food Safety Aspects of Confining Broiler Chickens to Cages. Animals 3 (2). https://doi.org/10.3390/ani3020386
[35] En effet, en réponse à l’initiative citoyenne européenne (ECI) « Pour une nouvelle ère sans cages », qui a rassemblé près de 1,4 millions de signatures, la Commission européenne a indiqué sa volonté de présenter une proposition législative en 2023 avec l’objectif de supprimer progressivement puis d’interdire l’usage des cages pour toutes les espèces visées par l’ECI à partir de 2027. Dans ce cadre, elle a demandé à l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) de publier des avis scientifiques incluant des critères pertinents pour répondre à l’ECI. Dans son avis rendu en février 2023 sur les poulets de chair, l’EFSA confirme la nécessité de proscrire les cages encore utilisé pour les poulets de chair reproducteurs
[36] EFSA, 2023.
[37] Nicol C, 2019. Feather pecking. In: OA Olukosi, VE Olori, A Helmbrecht, S Lambton and NA French (eds). Poultry Feathers and Skin: The Poultry Integument in Health and Welfare, Cambridge, England, UK.
[38] Pour revue voir Janczak et al., 2015.
[39] EFSA, 2023.
[40] Pour savoir en quoi consiste cette méthode d’étourdissement voir https://www.agrociwf.fr/media/7428703/recommandations-abattage-volailles_mai-2016.pdf
[41] https://interpro-anvol.fr/wp-content/uploads/2021/01/DP_ANVOL_VersionFinale110220_bd.pdf
[42]https://interpro-anvol.fr/wp-content/uploads/2021/01/DP_ANVOL_VersionFinale110220_bd.pdf
[43] https://www.eurogroupforanimals.org/library/economics-slow-growing-broilers
à retenir
- Des associations de protection animale européennes se sont accordées sur des normes minimales de bien-être animal en élevage de poulets de chair qui vont plus loin que la réglementation de l’Union européenne : ce texte est appelé le Better Chicken Commitment (BCC)
- Les entreprises de l’agroalimentaire signataires du BCC s’engagent à appliquer des densités plus faibles, renoncer aux races à croissance rapide ainsi qu’aux cages, mettre en place des enrichissements (perchoirs, substrats), recourir à de la lumière naturelle, renoncer à l’accrochage vivant des poulets au moment de leur abattage, etc.
- La mise en place des critères du BCC suppose un surcoût pour les producteurs avec une nécessité d’ajuster le prix d’achat final : l’effort doit ainsi venir aussi du consommateur
- Il n’existe pas aujourd’hui de label qui permette de savoir qu’un produit répond à tous les critères du BCC, cependant l’étiquette bien-être animal niveau C est alignée avec les critères du BCC en élevage. Il existe également des labels plus protecteurs sur certains points (label rouge, bio, étiquette bien-être animal A ou B)
CHIFFRE CLÉ
entreprises européennes étaient signataires du BCC en 2021 dont 75 d’origine française
La réglementation européenne existante est loin de répondre aux enjeux clés de bien-être animal en élevage de poulets de chair, notamment les souches à croissance rapide, les densités trop élevées, mais aussi l’absence d’enrichissements et de lumière naturelle
LUCILLE BELLEGARDE (CIWF)