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Seuls les taureaux ont des cornes, VRAI ou FAUX ?

FAUX

Les vaches aussi peuvent avoir des cornes !                                                                                    

à retenir

Qu’est-ce que les cornes des bovins ? Comment se forment-elles ?

Les cornes sont des excroissances osseuses, permanentes, qui se forment et se développent sur la tête de certaines races de bovins à partir de ce que l’on nomme le « bourgeon cornual ». Les cellules du bourgeon cornual formeront un cornillon (partie intérieure de la corne). Jusqu’à l’âge de 6 semaines environ, le bourgeon cornual est flottant dans la peau au-dessus du crâne et n’est donc pas rattaché à l’os du crâne. Quand le veau atteint l’âge d’environ 6 semaines à deux mois, les cornes se soudent à l’os frontal du crâne. Un sinus (cavité) apparaît à l’intérieur du crâne sous le cornillon. Au fur et à mesure que la corne pousse et se soude au crâne, ce sinus frontal se prolonge jusque dans la partie de la corne qui lui est adjacente. La corne et le sinus partagent alors la même muqueuse. Les cornes grandissent, ainsi, tout au long de la vie du bovin.

Ainsi, contrairement aux bois des cervidés, les cornes des bovidés sont permanentes et consistent en une gaine externe de kératine et un noyau osseux comportant des cavités (sinus). Ces cornes sont bien présentes chez les mâles (taureaux) et les femelles (vaches). Cette zone de la tête est innervée et richement vascularisée, et ce quel que soit le stade de développement :  bourgeon cornual – cornillon – corne. Cela signifie que si l’on détruit le bourgeon cornual ou le cornillon, ou que l’on coupe la corne, cela va générer une douleur intense pour le bovin ; cette douleur pouvant durer plusieurs jours si elle n’est pas traitée.

Le saviez-vous ?

Contrairement aux bovins, la plupart des cervidés ne sont pas pourvus de cornes mais de bois. Ces bois ne sont pas permanents et tombent chaque année après la période de rut.

Quelle est l'utilité des cornes pour les bovins ?

Les bovins utilisent leurs cornes pour communiquer lors des interactions sociales[1][2]. Dans un troupeau constitué de bovins avec cornes et d’autres bovins qui en sont dépourvus, les bovins avec cornes sont généralement dominants[3], mais beaucoup d’autres facteurs peuvent entrer en jeu, comme par exemple des facteurs génétiques, l’aliment à disposition, la gestion des groupes sociaux, etc[4].

Toutefois, bien que la présence de cornes confère un avantage significatif au moment où l’ordre social s’établit, la suppression des cornes dans un groupe bien établi ne modifie que quelques relations, voire aucune[5]. Enfin, les vaches qui possèdent des cornes n’effectuent pas plus de comportements agonistiques (menaces, coups de tête…) que des vaches dépourvues de cornes. Cependant, le pattern des interactions agonistiques est différent[6] : les vaches ayant des cornes réalisent généralement une plus grande proportion d’interactions sans contact corporel, comme des menaces par exemple[7]

Les bovins peuvent également utiliser leurs cornes pour d’autres buts, comme pour se gratter par exemple[8]. D’autres éleveurs rapportent que certains bovins sont capables de les utiliser pour ouvrir les cornadis.

Toutes les races de bovins ont elles des cornes ? Est-ce lié au sexe de l’individu ?

Chez les bovins domestiques, il existe des preuves de l’existence d’animaux sans cornes depuis l’Antiquité, comme le montrent par exemple plusieurs scènes de tombes égyptiennes anciennes. En France, historiquement, l’essentiel des bovins avait des cornes.

Cependant, depuis les années 1960, l’élevage de bovins se caractérise par un remplacement des stabulations entravées traditionnelles où les bovins sont attachés côte à côte, par des stabulations libres où les bovins peuvent se mouvoir, accroissant le risque de blessures (entre bovins et de l’éleveur.se) si la densité est trop élevée et/ou le logement mal conçu[9]. Cette modification de logement a entraîné la nécessité, pour des raisons de sécurité, d’élever des bovins sans corne.

Aussi, avec l’évolution des stabulations, le taux de bovins auxquels les cornes ont été ôtées, a augmenté et atteint 87% pour les vaches laitières (98% des vaches laitières logées en stabulation libre, et 60% des vaches laitières logées en étables entravées) et 61% des vaches allaitantes (70% des vaches allaitantes logées en stabulation libres et 25% des vaches allaitantes logées en étables entravées)[10]. Pour cela deux méthodes sont utilisées par les éleveurs ou professionnels de l’élevage :

    • destruction du bourgeon cornual chez un veau (ébourgeonnage)
    • destruction des cornes chez un bovin adulte (écornage).
    •  

    L’ébourgeonnage doit être privilégié à l’écornage. En effet, le cornillon n’étant pas encore rattaché à l’os du crâne et pas en contact avec le sinus frontal, l’ébourgeonnage est moins invasif que l’écornage et est associé à un moindre risque d’hémorragie et d’infection L’ébourgeonnage et l’écornage sont toutefois tous les deux sources de douleur et de stress associé, si aucun anesthésique ni analgésique n’est administré[11].

    Ces pratiques sont donc questionnées au regard du bien-être animal. Plusieurs propositions existent pour minimiser la douleur : Supprimer, substituer et soulager (Principe des 3S)[12]. Des recommandations pratiques[13] et des formations, dont une formation créée par de nombreux partenaires (IDELE, Chambre d’Agriculture de Bretagne, Chaire bien-être animal, INRAE…), ont été développées pour améliorer les techniques et supprimer la douleur lors et après ces actes[14].

    Il existe des bovins qui sont naturellement « acères », c’est-à-dire qui n’ont naturellement pas de cornes. Plusieurs races bovines exclusivement acères sont originaires de Grande Bretagne ; il s’agit par exemple des races Angus ou Galloway.

    Bovins Galloway naturellement sans cornes

    Pour éviter d’avoir à ôter les cornes des bovins, les éleveurs ont sélectionné des bovins « acères », et ont introduit peu à peu ce caractère dans plusieurs schémas de sélection d’autres races bovines, comme la race Prim’Holstein par exemple. Les facteurs génétiques sous-jacents de ce caractère ont fait l’objet de nombreuses études scientifiques[15]. Le caractère « acère » est un caractère mendélien, c’est-à-dire qu’il est transmis héréditairement, d’une génération à l’autre (des parents aux jeunes). Il est porté par un chromosome non sexuel (autosome), c’est-à-dire que le fait d’être acère ou non n’est pas déterminé par le sexe de l’animal : les mâles et les femelles peuvent être acères ou non. De plus, le caractère « acère » est dominant, ce qui signifie que les bovins acères sont soit homozygotes (deux copies de l’allèle « acère ») soit hétérozygotes (une copie de l’allèle « acère » et une copie de l’allèle « non acère »).

    De tout cela découle que :

    ▪︎ Les animaux qui portent une copie de l’allèle acère (animaux « hétérozygotes ») le transmettront en moyenne à 75 % de leur progéniture (50% seront hétérozygotes « acère » et 25% seront homozygotes « acère ») qui naîtront donc sans cornes.

    ▪︎ Lorsque deux animaux acères sont accouplés, environ 75 % de leur progéniture résultante est acère, mais ce pourcentage peut atteindre 100 % si un des parents est porteur de deux copies de l’allèle acère (homozygote).

    ▪︎ Des animaux qui développent des cornes après leur naissance ne peuvent pas transmettre l’allèle acère, et lorsque deux tels animaux sont accouplés, aucun de leurs descendants ne sera acère.

    Pour résumer

    Réponse rédigée par Alice de Boyer des Roches, professeure en zootechnie et bien-être animal

    [1] Knierim, U., N. Irrgang, and B.A. Roth. 2015. To be or not to be horned—Consequences in cattle. Livestock Science 179:29–37. https://doi.org/10.1016/j.livsci.2015.05.014

    [2] Lutz, J., J.-B. Burla, L. Gygax, B. Wechsler, H. Würbel, and K. Friedli. 2019. Horned and dehorned dairy cows differ in the pattern of agonistic interactions investigated under different space allowances. Applied Animal Behaviour Science 218:104819. https://doi.org/10.1016/j.applanim.2019.05.008.

    [3] Bouissou, M.F., A. Boissy, P. Le Neindre, and I. Veissier. 2001. The social behaviour of cattle. L.J. Keeling and H.W. Gonyou, ed. CAB International, Oxon, UK.

    [4] pour revue  Knierim et al., 2015

    [5] Bouissou et al., 2001

    [6] Knierim et al., 2015

    [7] Lutz et al., 2019

    [8] Knierim et al., 2015

    [9] À noter qu’aujourd’hui, les stabulations entravées sont encore très présentes en zone de montagne en Europe, et en Amérique du Nord.

    [10] Kling-Eveillard, F., A.C. Dockes, D. Ribaud, and L. Mirabito. 2009. Cattle dehorning in France: farmers’ practices and attitudes. Rencontres Recherche Ruminants 16:249–252

    [11] Herskin, M.S., and B.H. Nielsen. 2018. Welfare Effects of the Use of a Combination of Local Anesthesia and NSAID for Disbudding Analgesia in Dairy Calves—Reviewed Across Different Welfare Concerns. Frontiers in Veterinary Science 5:117. https://doi.org/10.3389/fvets.2018.00117

    [12] Guatteo, R., O. Levionnois, D. Fournier, D. Guémené, K. Latouche, C. Leterrier, P. Mormède, A. Prunier, J. Servière, C. Terlouw, and P.L. Neindre. 2012. Minimising pain in farm animals: the 3S approach – ‘Suppress, Substitute, Soothe’. animal 6:1261–1274. https://doi.org/10.1017/S1751731112000262

    [13] Alcasde. 2009. Final recommendations to DG SANCO regarding the alternatives to the dehorning.

    [14] Le Guénic, M., G. Trou, J. François, A. Aupiais, A. de Boyer des Roches, B. Mounaix, and F. Kling-Eveillard. 2016. Evolutions des pratiques et des représentations suite à la formation « J’écorne facilement, efficacement et sans douleur ». Rencontres Recherche Ruminants 23:310.

    [15] Pour revue Prayaga, K.C. 2007. Genetic options to replace dehorning in beef cattle—a review. Aust. J. Agric. Res. 58:1. https://doi.org/10.1071/AR06044

    à retenir

    CHIFFRE CLÉ

    87%

    des vaches laitières en France se sont fait ôter leurs cornes.