|   La chaire bien-être animal
  1. Home
  2. Actualités
  3. L’humain mangeur de viande : historique des modes de consommation et des pratiques

Sommaire

L’humain mangeur de viande : historique des modes de consommation et des pratiques

La Chaire Bien-être animal accueille Cloé Fauveau, inspectrice élève de santé publique vétérinaire, pour un stage de trois mois réalisé dans le cadre d’un Master 2 Politiques de l’Alimentation et Gestion des Risques Sanitaires (PAGERS) en partenariat avec l’ENSV-FVI et Sciences Po Lyon.

Ce stage s’inscrit en prolongement de sa thèse d’exercice vétérinaire soutenue en 2023 à VetAgro Sup intitulée « L’humain mangeur de viande. Historique des consommations et des pratiques ». On vous en dit plus ! 

à retenir

La Chaire Bien-être animal accueille Cloé Fauveau, inspectrice élève de santé publique vétérinaire, pour un stage de trois mois réalisé dans le cadre d’un Master 2 Politiques de l’Alimentation et Gestion des Risques Sanitaires (PAGERS) en partenariat avec l’ENSV-FVI et Sciences Po Lyon.

Ce stage s’inscrit en prolongement de sa thèse d’exercice vétérinaire soutenue en 2023 à VetAgro Sup intitulée « L’humain mangeur de viande. Historique des consommations et des pratiques ». On vous en dit plus !

Des premiers hominidés à la Révolution industrielle...

Dans sa thèse, Cloé a identifié les dynamiques socio-culturelles qui ont conduit l’être humain à consommer telle ou telle espèce animale, notamment en France, pays de la gastronomie et de l’alimentation. L’objet était également de discuter la consommation actuelle de viande et les impacts d’une surconsommation, tant sur le plan sanitaire, environnemental ou éthique.

Les recherches archéologiques ont montré que déjà, les premiers hominidés consommaient des produits carnés. Il en consommait toutefois dans des proportions et quantités inférieures à certains autres aliments, et des fluctuations importantes ont pu être observées, en fonction de spécificités territoriales, de la disponibilité des ressources et plus tard, de l’appartenance à certaines classes sociales. En France, jusqu’à la fin du XIXème siècle, l’élevage des animaux de rente n’a pas pour objectif de les consommer, mais de les utiliser pour la culture des champs : ils étaient alors le « mal nécessaire » (car l’humain devait leur céder une partie de ses vivres) d’une agriculture vivrière et paysanne, d’où une faible consommation de viande.

Puis, à la Révolution industrielle et particulièrement à la fin de la Seconde Guerre mondiale, s’est mis en place un processus d’intensification de la production alimentaire qui a conduit à la mise sur le marché d’une grande quantité de viande, associée à une forte augmentation de sa consommation moyenne (voir le graphique  ci-contre). Celle-ci explose à partir du XIXème siècle : d’environ 20 kilogrammes équivalent carcasse par habitant et par an à la fin du XVIIIème siècle, elle atteint un pic en 1980 à 105 kilogrammes par habitant et par an, avant de se stabiliser de nos jours autour de 85 kilogrammes par habitant et par an.

Evolution de la consommation de viande en France (en kg éq. carcasse / habitant / an) entre 1790 et 2022 (sources : Lepage, 2002[1] ; Agreste, 2020[2] ; Agreste, 2023[3])

Cette augmentation est principalement due à une forte hausse de la consommation de viande de porc et surtout de volaille : 

Evolution de la consommation totale de viande en France (en vert) et de la consommation par espèce, en kilogramme équivalent carcasse par habitant et par année, entre 1960 et 2018 (source : Agreste, 2020[4]).

Un "boom carnivore" qui n'est pas sans conséquence

Ce « boom carnivore » n’est pas sans conséquence, tant sur l’être humain, l’environnement ou les animaux d’élevage. Par exemple, en 2007, le World Cancer Research Fund (WCRF) met en évidence le fait que la surconsommation de viande rouge et de viande transformée augmente le risque de cancer colorectal avec un niveau de preuve convaincant[5]. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a quant à lui identifié les activités d’élevage comme étant les premières sources d’émission de gaz à effet de serre (notamment le méthane) du secteur agricole[6].

Enfin, depuis plusieurs années, à la faveur de divers scandales médiatiques, l’action de consommer de la viande est parfois suspectée d’engendrer de la souffrance animale : au-delà d’une quête d’amélioration du bien-être animal, ce qui est ici implicitement questionné est notre légitimité à élever, tuer, et manger des êtres sensibles. Ce questionnement se mure parfois dans le déni, c’est-à-dire dans le refus de reconnaître dans la viande une origine animale pour ne pas se retrouver dans une position de dissonance cognitive : c’est ce que l’on appelle la sarcophagie[7].

Si la population française se montre de plus en plus attachée au respect de la protection et du bien-être animal, la consommation de viande ne diminue pas de manière significative. Dans une étude datant de 2021 menée par FranceAgriMer, seuls 2% des Français ont exclu la viande de leur régime alimentaire[8]. Les chiffres sont assez similaires du côté du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC) puisque, dans une publication datant de 2018, 99% des Français sondés consomment des produits carnés. De plus, si la consommation de viande rouge et de charcuterie des Français a bien reculé entre 2007 et 2013, celle de produits carnés intégrés dans des plats préparés augmente[9]. On voit ainsi apparaitre un fossé entre les intentions déclarées et les actes dans l’assiette.

L’ensemble des résultats de cette thèse à l’adresse suivante : https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-04378893v1.

Par le biais de son stage à la Chaire Bien-être animal, Cloé poursuivra son analyse en étendant la question aux pouvoirs publics. Elle s’attachera à analyser la manière dont est traité le sujet de la consommation de viande au sein de différents ministères (Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Ministère de la Santé et de la Prévention, Ministère de la transition écologique). L’objectif est de rendre compte des enjeux d’influence qui peuvent exister entre ces institutions publiques et en leur sein, ainsi qu’avec les acteurs du secteur privé (entreprises de l’agroalimentaire, distributeurs, …).

Cloé Fauveau, stagiaire à la Chaire bien-être animal

[1] Lepage Yvan G., « Evolution de la consommation d’aliments carnés aux XIXe et XXe siècles en Europe occidentale », Revue belge de Philologie et d’Histoire, no 4, vol. 80, 2002, p. 1459‑1468, [https//doi.org/10.3406/rbph.2002.4680].

[2] Lemarquis Danielle et Beaufils Françoise, En France, la consommation de viande se modifie fortement entre 1960 et 2018, Agreste Primeur, 2020, p. 4.

[3] FranceAgriMer, La consommation de viandes en France en 2022, 2023, p. 9

[4] Lemarquis Danielle et Beaufils Françoise, En France, la consommation de viande se modifie fortement entre 1960 et 2018, Agreste Primeur, 2020, p. 4.

[5] World Cancer Research Fund/American Institute for Cancer Research, Food, Nutrition, Physical Activity and the Prevention of Cancer : a Global Perspective, Washington DC : AICR, 2007.

[6] Nabuurs G. J., Mrabet R., Abu Hatab A., Bustamante M., Clark H., Havlik P., House J., Mbow C., Ninan K. N., Popp S. Roe, Sohngen B. et Towprayoon S., « 2022 : Agriculture, Forestry and Other Land Uses (AFOLU) », IPCC, 2022 : Climate Change 2022: Mitigation of Climate Change. Contribution of Working Group III to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change, Cambridge University Press, Cambridge, UK and New York, NY, USA, 2023, p. 747‑859.

[7] Vialles Noélie, « La viande ou la bête », Terrain. Anthropologie & sciences humaines, no 10, 1988, p. 86‑96.

[8] FranceAgriMer, Végétariens et flexitariens en France en 2020, Ministère de l’Agriculture et la Souveraineté Alimentaire, 2021.

[9] Tavoularis Gabriel et Sauvage Eléna, Les nouvelles générations transforment la consommation de viande, Crédoc, Paris, coll. « Consommation et modes de vie », 2018.

à retenir

CHIFFRE CLÉ

85kg

Il s’agit de la consommation moyenne en France de viande (équivalent carcasse) par an et par habitant