à retenir
- Les lignes directrices de l'ANSES permettent la création d'un référentiel en vue de créer une étiquette BEA
- Cette initiative se démarque des autres systèmes d'étiquetage et de labélisation, avec une note globale de bien-être des animaux
- Une évaluation du bien-être qui doit être conduite aux 3 étapes de vie des animaux : élevage, transport, abattage
Missions de l'ANSES
Pouvez-vous nous rappeler ce qu’est l’Anses et ses principales missions et réalisations ?
L’Anses est une agence sanitaire française d’expertise scientifique. C’est un établissement public à caractère administratif, elle relève des ministères chargés de la santé, de l’agriculture, de la transition écologique, du travail et de la consommation. Son rôle est d’apporter les repères scientifiques nécessaires aux décideurs publics pour mieux protéger notre santé, y compris au travail, celle des animaux et celle des plantes, dans le cadre du principe d’une seule santé « One Health ». L’Anses favorise la production de données et de connaissances pour renforcer la sécurité sanitaire globale avec ses homologues européens et internationaux, ses missions sont résumées ci après sur la figure 1.
A titre d’exemple, la Direction d’évaluation des risques à laquelle appartient l’unité d’évaluation des risques liés au bien-être, à la santé, à l’alimentation des animaux et aux vecteurs (UBSA2V) à l’origine de l’expertise sur les lignes directrices (LD) pour des référentiels d’évaluation du bien-être animal, a publié, en 2022, 148 avis et rapports d’expertise et mobilisé 800 experts extérieurs.
Pourquoi travailler sur l'étiquetage ?
Pourquoi se saisir du sujet de l’étiquetage en matière de bien-être animal ?
L’intérêt des citoyens pour les conditions de vie et de mort des animaux d’élevage n’a cessé d’augmenter depuis les années 2000. Cet intérêt a été progressivement pris en compte par les professionnels de l’élevage, ainsi que ceux des secteurs de l’agroalimentaire et de la distribution. Par ailleurs, le bien-être des animaux fait l’objet de régulations croissantes à différents niveaux d’action, notamment celui de l’Union européenne (UE).
D’autre part, la Commission européenne (CE) a inscrit l’opportunité d’un étiquetage du bien-être des animaux (BEA) dans le calendrier de sa stratégie Farm to Fork (« de la ferme à la table ») et indiquera sa position sur ce sujet en 2024. La rédaction des lignes directrices (LD) pour l’élaboration de référentiels d’étiquetage du BEA proposées par l’Anses s’inscrit dans le calendrier de ces actualités politiques. Ces LD visent à définir un cadre commun, à un moment où de nombreuses étiquettes se développent, sans qu’il soit possible de les comparer.
L’Anses s’est donc autosaisie pour proposer ses LD en se fondant sur sa propre définition du bien-être des animaux (Anses, 2018) et en utilisant des données scientifiques pour établir les critères à considérer pour évaluer le BEA, permettant de couvrir toutes les espèces animales vertébrées de production de denrées et leurs systèmes d’élevage. Le rapport et l’avis correspondant ont été publiés sur le site de l’Anses le 2 mai 2024.
Quelles spécificités ?
En quoi la proposition de l’Anses permettrait-elle un étiquetage qui se démarquerait des autres labels (bio, Label Rouge) et étiquettes (étiquette BEA) ?
Il est nécessaire de distinguer étiquette et label. Les lignes directrices permettent la création d’un référentiel en vue de créer une étiquette.
Le label recouvre, au sens juridique du terme, des obligations qui le distinguent nettement de la dénomination d’étiquette. Le label donne lieu à une définition jurisprudentielle, à défaut de définition légale : « marque spéciale, créée par un syndicat professionnel et apposée sur un produit ou un service destiné à la vente pour en certifier l’origine, les conditions de fabrication, etc. ». Pour améliorer les garanties fournies par les labels privés, la loi du 22 août 2021 (dite Climat et résilience) réserve le bénéfice de la dénomination « label » à des démarches collectives reposant sur un cahier des charges précis garantissant une qualité particulière.
L’étiquetage est défini dans le règlement (UE) n°1169/2011 concernant l’information du consommateur sur les denrées alimentaires (dit INCO) : « les mentions, indications, marques de fabrique ou de commerce, images ou signes se rapportant à une denrée alimentaire et figurant sur tout emballage, document, écriteau, étiquette, bague ou collerette accompagnant ou se référant à cette denrée alimentaire » (article 2 j).
Selon notre expertise, plusieurs points permettent de démarquer le processus d’obtention d’une note globale de bien-être des animaux des autres systèmes d’étiquetage ou de labélisation :
- L’obtention d’un score global de bien-être des animaux selon les lignes directrices de l’Anses est permise par la mise en œuvre de mesures d’indicateurs sur les animaux concernés (appelée « Animal Based Measure » ou ABM) ou sur leur environnement (« Resource Based Measure » ou RBM). Les mesures réalisées sur les animaux (ABM) doivent être prises en compte de façon prioritaire par rapport aux mesures sur l’environnement. Cette démarche correspond à la définition du bien-être des animaux : les indicateurs fondés sur l’environnement ne permettent que l’évaluation de la bientraitance animale ou la protection animale. Corrélativement, l’indication du seul mode d’élevage sur une étiquette ne peut être assimilée à un étiquetage du BEA. Bien que le mode d’élevage puisse correspondre à un potentiel de BEA, il doit être validé par les indicateurs de BEA fondés sur les animaux.
- Les denrées alimentaires d’origine animale concernées par l’étiquetage BEA sont issues d’animaux qui appartiennent majoritairement à l’étage production de la filière concernée et dans une moindre mesure à l’étage de sélection-multiplication (c’est-à-dire, les animaux principalement destinés à la reproduction et non à la production directement). Ces deux étages sont pourtant liés et doivent faire l’objet de la mise en œuvre du même protocole d’évaluation conduisant in fine à l’obtention d’un score global de BEA. Jusqu’alors, peu ou pas de référentiel d’étiquetage du BEA ou de labels tiennent compte des animaux de l’étage sélection-multiplication, soumis à des conditions d’élevage particulières.
- L’évaluation du bien-être des animaux doit être conduite pour chacune des trois étapes de vie des animaux : élevage, transport et abattage ; qu’ils appartiennent à l’étage de production ou à l’étage de sélection-multiplication.
- Le référentiel de classement d’un score global de BEA se doit d’être multi-niveaux. La recommandation de l’Anses est d’avoir un référentiel sur quatre ou cinq niveaux de bien-être – selon qu’il s’agit d’un dispositif obligatoire ou volontaire – afin de refléter les situations variées des élevages, de permettre la progressivité du système, et aussi de fournir aux consommateurs des informations fiables, faciles à comprendre et hiérarchisables.
Les critères pris en compte
Quels critères proposez-vous de prendre en compte pour évaluer le bien-être des animaux dans le cadre d’un étiquetage ?
Le bien-être d’un individu correspond à la qualité de vie telle qu’il la perçoit. Ce bien-être est individuel et multi domaine. Chacun des six domaines de BEA inclut un ou plusieurs critères à évaluer. Pour cette approche multicritère, 14 critères de BEA sont identifiés (cf. figure 2). L’évaluation de chaque critère est réalisée par la mesure d’au moins un indicateur, en privilégiant nécessairement les indicateurs mesurés sur les animaux (ABM).
BEA des animaux reproducteurs
Vous proposez de prendre également en compte le bien-être des animaux reproducteurs dans le score final : pouvez-vous expliquer ce choix ?
La prise en compte du niveau de bien-être des animaux à l’échelle de l’étage sélection-multiplication garantit le BEA de tous les apparentés (ascendants et collatéraux) des animaux de l’étage de production. Les animaux élevés pour la sélection génétique ou la multiplication sont issus de choix génétiques réalisés pour et par la filière, ils grandissent et vivent dans des élevages avant d’être transportés puis abattus. L’évaluation de leur niveau de bien-être doit donc suivre la même démarche que pour les animaux de l’étage production.
Quelle que soit la filière, il faut souligner que des risques d’atteinte au BEA des élevages de sélection existent dans la mesure où il s’agit d’animaux adultes, maintenus sur de longues périodes en élevage, dont la croissance et l’alimentation nécessitent une gestion spécifique. Ils sont de plus soumis à des risques particuliers liés à la mise à la reproduction. Par ailleurs, la valeur économique des animaux dans un programme de sélection étant très supérieure à la valeur marchande d’un individu de l’étage de production, les conditions de vie de ces animaux peuvent être affectées par un excès de contrôle de l’environnement. Il s’agit par exemple de la nécessité de maintenir ces animaux en claustration pour des raisons sanitaires, ainsi que toutes les adaptations indispensables à l’élevage d’animaux à très haut niveau de performance (phases de restriction alimentaire, protocoles et traitements hormonaux à visée reproductive, manipulations fréquentes, etc.).
Une attention particulière doit donc être portée à ces animaux, réunissant plusieurs facteurs de risque d’atteinte au BEA, particulièrement marqués au niveau génétique puisque ces animaux constituent un extrême de la génétique pour la filière. Leurs caractères phénotypiques sont exacerbés (animaux homozygotes pour les caractères concernés). Enfin, prendre en compte l’ensemble d’un schéma de sélection implique de considérer, d’une part, la réforme anticipée des individus non retenus lors des étapes de sélection et, à l’étage de production d’autre part, l’élimination des animaux collatéraux, dénommés « non valeurs économiques » (poussins mâles en filière pondeuse, jeunes mâles en filières laitières, etc.).
Quels experts ont été mobilisés ?
Comment l’Anses s’y est-elle prise pour établir cet avis ? Quels experts ont été mobilisés, de quels champs disciplinaires et quel a été le processus de décision ?
L’Anses a confié à un groupe de travail constitué de 10 experts sélectionnés selon les principes de l’agence, l’instruction de cette autosaisine. Ce groupe de travail s’est réuni pendant trois années et était rattaché au comité d’experts spécialisé « Santé et bien-être des animaux (CES SABA) » constitué de 30 experts. Les travaux d’expertise ont été soumis régulièrement au CES, tant sur les aspects méthodologiques que scientifiques. Le rapport produit par le groupe de travail tient compte des observations et éléments complémentaires transmis par les membres du CES. Ces travaux sont ainsi issus d’un collectif d’experts aux compétences pluridisciplinaires et complémentaires. Un chapitre du rapport, réalisé suite à des auditions d’une sociologue du CNRS par une politiste de l’Anses, est consacré aux aspects socio-politiques du sujet. L’expertise a également conduit à l’audition de parties prenantes (23 au total), dont les représentants des filières. L’expertise a été réalisée dans le respect de la norme NF X 50-110 « Qualité en expertise – prescriptions générales de compétence pour une expertise (mai 2003) ».
Ces travaux sont issus d’un collectif d’experts aux compétences pluridisciplinaires et complémentaires.
L’Anses
Et ensuite ?
Dans la pratique, quelle suite pour votre rapport ? A qui adressez-vous cet avis ?
Les LD proposées par les experts s’adressent aux scientifiques et aux parties prenantes ayant pour projet la construction d’un référentiel d’étiquetage incluant des protocoles d’évaluation du BEA pour une filière ou une catégorie d’animaux donnée. Ces LD ne sont pas directement destinées aux consommateurs, même si la démarche d’étiquetage se doit d’être ensuite transparente et accessible à tous. Quant à l’applicabilité de ces lignes directrices, cela pourrait faire l’objet d’une seconde expertise sur le sujet. Le coût d’une telle initiative n’a pas été évalué durant l’expertise conduite qui fut centrée sur des aspects scientifiques.
Ces travaux d’expertise ont fait l’objet de diverses restitutions : aux bureaux de la Direction Générale de l’Alimentation (DGAL) concernés par le sujet ; à la Commission européenne ainsi qu’à l’EFSA ; aux parties prenantes qui ont été auditionnées par le groupe de travail (23 structures issues tant des filières de productions animales que des organisations de protection des animaux, que de groupes à l’origine d’étiquettes [par exemple AEBEA ou Planet-score®]).
à retenir
- Les lignes directrices de l'Anses permettent la création d'un référentiel en vue de créer une étiquette BEA
- Cette initiative se démarque des autres systèmes d'étiquetage et de labélisation, avec une note globale de bien-être des animaux
- Une évaluation du bien-être qui doit être conduite aux 3 étapes de vie des animaux : élevage, transport, abattage
CHIFFRE CLÉ
critères évalués via au moins un indicateur (en privilégiant les indicateurs mesurés sur les animaux)
Ces lignes directrices visent à définir un cadre commun, à un moment où de nombreuses étiquettes se développent, sans qu’il soit possible de les comparer
L’Anses