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Impacts des différents types de sols sur le bien-être et le comportement des porcs

Bien-être et comportement des porcs en fonction des types de sols

Le Centre National de Référence pour le Bien-Etre Animal (CNR BEA) a publié en novembre 2024 une synthèse bibliographique sur les impacts des sols pleins, partiels ou totaux sur le bien-être et le comportement des porcs. Nous vous proposons un résumé de ce travail.

En France, la très grande majorité de l’élevage de porcs se fait en bâtiment. Les sols utilisés dans ces bâtiments peuvent varier en fonction du type d’élevage ou de la phase d’élevage (naissance, post sevrage, engraissement). Chaque type de sol présente des avantages et des inconvénients, que ce soit sur le plan économique ou pour le bien-être des porcs et des éleveurs. Pour le bien-être des porcs, on attache une attention particulière à l’impact des sols sur l’hygiène, leur santé et l’expression de leurs comportements.

à retenir

Comportements des porcs

Les comportements des porcs

Les porcs élevés en bâtiment passent la majorité de leur temps couchés, puis, à s’alimenter. Les interactions avec l’environnement, et notamment les comportements d’exploration, de manipulation et de recherche de nourriture, sont souvent limitées par le type de sol utilisé alors que très communes lorsque les porcs sont en semi-liberté.

Voici quelques exemples des comportements principaux des porcs :

Élimination (déjections)

Repos

Confort

Alimentaire

Thermorégulation

Nidification

Interactions avec les congénères

Manipulation, investigation, exploration

📌 Exemples de matériaux manipulables par le porc :
  • Matériaux constituant la litière : paille, sciure/copeaux de bois, tourbe
  • Matériaux de nidification : litière, paille à longue tige, paille hachée, foin de luzerne, foin, toile de jute
  • Matériaux de type fourrage : pain, foin/fourrages
  • Objets déformables : tuyaux en caoutchouc, bâtons en bois, cordes, toiles de jute
  • Objets indéformables : balles, ballons en plastique ou chaînes métalliques

Si les porcs ne peuvent pas exprimer ces comportements, cela peut générer de la frustration et être source de mal-être, mais également favoriser des comportements redirigés, et notamment la caudophagie.

Redirigés

Le saviez-vous ?

La caudophagie est définie par l’EFSA comme des « morsures de queue infligées par des congénères, entraînant des lésions de la peau, des muscles, des os, des cartilages, des vaisseaux sanguins et des tissus nerveux »[1]. Ce comportement anormal est multifactoriel, avec des facteurs de risque comme le manque d’enrichissement ou le pourcentage de sol en caillebotis. La prévention passe actuellement le plus souvent par la caudectomie (coupe de la queue), une pratique douloureuse qui ne traite pas les causes du problème. Bien que la législation européenne interdise cette intervention en routine, elle reste largement pratiquée en France, sur la base de dérogations.

Avantages et inconvénients des types de sol pour les porcs et les éleveurs

Caillebotis intégral

Caillebotis intégral

Le caillebotis intégral est un sol entièrement composé de lattes pleines alternant avec des ouvertures qui permettent l’évacuation des déjections. Il est fabriqué à partir de matériaux variés comme le béton, le métal ou le plastique, le plus souvent en lien avec la phase d’élevage (maternité, naissance, post sevrage, engraissement).

Ce type de sol est majoritairement utilisé dans l’élevage porcin en Europe et en France, il représentait environ 85 à 90 % des bâtiments d’élevage français en 2018 (estimation).

Avantages identifiés par le CNR BEA

Bon drainage des déjections : l’enclos et les animaux sont plus propres.

Bonne hygiène des animaux et de l’environnement : moins de risques de maladies infectieuses causées notamment par les salmonelles.

Favorable à la thermorégulation des porcs en période chaude car plus frais que les autres types de sols.

Inconvénients identifiés par le CNR BEA

En hiver, rend la thermorégulation des porcs moins efficace et peut entrainer un stress thermique.

Le manque d’enrichissement de ce type de sol, souvent combinés à une forte densité d’animaux constitue un risque élevé de comportements redirigés vers les congénères, dont la caudophagie.

Les matériaux d’enrichissement (e.g litière et fourrage) permettant d’exprimer des comportements d’exploration et de nidification sont pour la plupart peu compatibles avec ce type de sol car ils peuvent se coincer dans les ouvertures et bloquer l’évacuation du lisier.

Augmente le risque de blessures aux pattes, de boiteries, de plaies aux queues et aux oreilles et de bursites (inflammations autour des articulations).

Les émissions d’ammoniac provenant de la préfosse (fosse sous les animaux où tombent les déjections) peuvent aussi entraîner une mauvaise qualité de l’air et causer des problèmes respiratoires et oculaires pour les porcs et les humains. Une forte concentration d’ammoniac dans l’air constitue un des facteurs de risque de caudophagie.

Avantages identifiés par le CNR BEA

Peu de coûts liés à l’ajout de substrats ou de main d’œuvre pour le nettoyage et le traitement des déchets.

Possibilité de valoriser le lisier récupéré. 

Inconvénients identifiés par le CNR BEA

La caudophagie va entraîner des pertes économiques avec le déclassement des carcasses à l’abattoir (la carcasse est rétrogradée à une catégorie de qualité inférieure) et demander plus d’interventions sur les animaux.

Les émissions d’ammoniac depuis la fosse à lisier vont polluer l’environnement et peuvent causer des problèmes de voisinage.

Caillebotis partiel

Caillebotis partiel

Le caillebotis partiel combine une partie en caillebotis (30 à 50 % de la surface) et une zone en sol plein, appelée gisoir. Le sol plein est souvent en béton, parfois avec de la litière. Les porcs préfèrent se coucher sur le gisoir, tandis que la partie en caillebotis est utilisée pour l’élimination des déjections.

Ce type de sol vise à équilibrer hygiène et confort : la partie caillebotis maintient l’enclos propre, tandis que le sol plein offre un espace de repos plus confortable.

En France, il a été estimé qu’en 2015, le caillebotis partiel représentait 9% des bâtiments d’élevage.

Avantages identifiés par le CNR BEA

La partie pleine offre plus de confort que le sol en caillebotis pour les porcs lorsqu’ils sont couchés.

Possibilité pour l’animal de séparer l’espace en plusieurs aires de vie (aire de couchage, aire d’élimination) : permet de garder l’aire de couchage propre.

Favorable à la thermorégulation des porcs, qui peuvent se coucher sur caillebotis en période chaude et sur sol plein en période froide.

Génère moins de lésions aux pattes et de boiteries que le caillebotis intégral.

Inconvénients identifiés par le CNR BEA

Si la densité et/ou la température sont trop élevées, les porcs vont éliminer sur la partie en sol plein (fouling) ce qui va nuire à l’hygiène des animaux et de l’enclos.

Le fouling entraine une perturbation du repos des porcs et une augmentation des interactions négatives entre eux.

Sans matériaux de fouissage et sans ajouts de paille, peu de possibilité d’expression des comportements d’exploration et de nidification augmentant le risque de caudophagie.

Favorise l’apparition de blessures aux pattes par rapport à un sol intégralement plein.

Les effets du caillebotis partiel sur les émissions d’ammoniac sont encore débattus.

Avantages identifiés par le CNR BEA

Peu de coûts liés à l’ajout de substrats ou de main d’œuvre pour le nettoyage et le traitement des déchets.

Les émissions d’odeurs sont moins fortes qu’avec le caillebotis intégral. 

Inconvénients identifiés par le CNR BEA

Mêmes inconvénients que le caillebotis intégral.

Sol plein

Le sol plein est une surface non perforée, qui est souvent en béton. Les déjections sont évacuées régulièrement, à la main ou avec des racleurs mécaniques, l’urine est souvent drainée séparément. 

Ce type de sol peut être utilisé sans litière, avec une fine couche de paille raclée, ou en litière profonde (> 10 – 15 cm d’épaisseur de paille ou de sciure de bois sur le sol).

Sol plein nu

En 2015, environ 5 % des bâtiments porcins français utilisaient de la litière profonde, tandis que moins de 0,5 % étaient en sol plein nu ou avec litière raclée.

Sol plein nu

Avantages identifiés par le CNR BEA

Meilleur confort au repos que sur les sols en caillebotis.

Interactions sociales négatives entre les porcs plus rares que sur sols en caillebotis.

Les porcs présentent moins de blessures aux pattes et de boiteries que sur les sols en caillebotis.

Inconvénients identifiés par le CNR BEA

Mauvais confort de couchage pour les animaux les plus lourds.

Si le nettoyage du sol plein n’est pas suffisant, les déjections peuvent s’accumuler et nuire à l’hygiène des porcs. L’hygiène du sol est plus difficile à maintenir : le risque de gastroentérites est augmenté.

Sur sol plein nu glissant, à cause des excréments par exemple, les porcs sont plus susceptibles de glisser, tomber et se blesser.

Les sols en béton en mauvais état ou trop abrasifs provoquent plus de lésions aux pattes.

Avantages identifiés par le CNR BEA

Moins de frais d’énergie qu’avec les sols en caillebotis intégral ou partiel.

Inconvénients identifiés par le CNR BEA

Plus de travail pour le nettoyage du sol qu’avec les sols en caillebotis.

Sol plein avec litière raclée

Avantages identifiés par le CNR BEA

Bonne séparation des aires de vie : avec l’aire de repos paillée, diminution des risques de fouling.

Meilleur confort thermique : les porcs préfèrent se coucher sur la paille lorsque les températures sont basses ou neutres et sur le sol nu lorsque les températures sont hautes.

Meilleure expression des comportements d’exploration et de nidification que sur sol plein nu, dépendant de la quantité de paille fournie : les risques de caudophagie sont fortement diminués.

Les interactions sociales négatives sont moins présentes que sur caillebotis.

Meilleure adhérence au sol par rapport aux sols en caillebotis et au sol plein nu, limite les risques de chutes.

Moins d’émissions d’ammoniac que sur sol nu grâce à l’absorption par la litière.

Inconvénients identifiés par le CNR BEA

Si la paille est distribuée en trop petite quantité : les risques de caudophagie et de boiteries persistent.

Si la paille est humide : risques de développement de moisissures produisant des mycotoxines (toxines produites par certains champignons). Ces risques entrainent un risque d’atteinte à la santé des animaux et un risque de baisse de fertilité des truies.

Avantages identifiés par le CNR BEA

Moins de déclassements des carcasses à l’abattoir qu’avec les sols en caillebotis ou le sol plein nu.

Moins de blessures donc moins de soins aux animaux.

Possibilité de valoriser le fumier.

Moins de frais d’énergie par rapport aux sols en caillebotis et au sol plein nu.

Les émissions d’ammoniac sont plus faibles grâce à la litière et il y a moins d’odeur qu’avec le caillebotis intégral.

Inconvénients identifiés par le CNR BEA

Coût de la paille.

Davantage de travail pour le paillage du sol.

Hygiène du sol plus difficile à maintenir que pour les sols en caillebotis.

Sol plein avec litière profonde

Avantages identifiés par le CNR BEA

Garantit un enclos propre et sec.

Confort thermique assuré en période froide par la litière profonde.

Très favorable au comportement exploratoire : les porcs présentent une plus forte activité dirigée vers la litière comme les comportements d’investigation et de fouissage.

Plus la litière est épaisse, plus les comportements sociaux positifs sont fréquents et les comportements négatifs sont rares, notamment la caudophagie.

Meilleur comportement d’allaitement des truies et meilleure survie des porcelets par rapport aux autres types de sols.

Moins de lésions du carpe et du tarse, absence de risque de glissade par rapport aux autres types de sols.

Plus d’espace par animal : le nombre de porcs au m2 doit être inférieur à celui des autres systèmes pour garantir une bonne hygiène.

Inconvénients identifiés par le CNR BEA

Si les températures sont élevées, la litière fermente plus et produit de la chaleur qui peut provoquer des problèmes de thermorégulation chez les porcs.

La paille de mauvaise qualité, les copeaux ou la sciure de bois augmentent le nombre de particules en suspension dans l’air (e.g. poussières, moisissures, champignons) qui sont associées à des troubles respiratoires chez le porc et l’humain.

Par rapport à la litière raclée, la litière profonde augmente les émissions de gaz dont l’ammoniac, le protoxyde d’azote et le méthane dans le bâtiment. Si l’évacuation et le renouvellement des litières ne sont pas correctement gérés, les litières profondes peuvent accumuler des agents viraux, bactériens et parasitaires.

Avantages identifiés par le CNR BEA

Moins de déclassements des carcasses à l’abattoir que pour les autres types de sols.

Moins de blessures donc moins de soins aux animaux que pour les autres types de sols.

Possibilité de valoriser le fumier.

Moins de frais d’énergie par rapport aux autres types de sols.

Les émissions d’ammoniac sont moins élevées grâce à la litière.

Inconvénients identifiés par le CNR BEA

Coût de la paille et problèmes d’approvisionnement possibles.

Le coût d’investissement est élevé car les bâtiments doivent être spécifiquement conçus pour ce type de sol.

Plus de travail pour le paillage et le nettoyage en fin de cycle.

Les émissions d’ammoniac et de gaz à effet de serre sont toujours présentes.

Recommandations du CNR BEA

Les recommandations du CNR BEA

Pour chaque type de sol, le CNR BEA propose, au vu de l’analyse bibliographique, une série de recommandations visant à améliorer le bien-être des porcs. Ces recommandations n’impliquent pas nécessairement de modifier le type de sol utilisé ou de changer le bâtiment, mais plutôt d’optimiser les conditions pour favoriser le bien-être des animaux, quel que soit le sol.

Voici quelques recommandations ne nécessitant pas de changer le bâtiment :

Caillebotis intégral
  • Fournir de la litière en petites quantités, par exemple de la paille hachée.
  • Distribuer plusieurs types d’objets manipulables à la fois, renouvelés régulièrement, et conformes à la Recommandation (UE) 2016/336[2].
  • Installer des tapis en caoutchouc, régulièrement nettoyés.
  • Assurer une ventilation efficace du bâtiment
  • Evacuer le lisier régulièrement.
  • Privilégier les caillebotis :
    • en plastique/plastifiés pour les porcelets.
    • en matériaux non abrasifs.
    • avec des tailles de lattes et des ouvertures respectant la Directive 2008/120/CE[3] et convenant à l’âge des porcs hébergés.
  • Vérifier le bon état des caillebotis.
Caillebotis partiel
  • Distribuer plusieurs types d’objets manipulables à la fois, renouvelés régulièrement, et conformes à la Recommandation (UE) 2016/336.
  • Installer des tapis en caoutchouc, régulièrement nettoyés.
  • Privilégier les caillebotis :
    • en plastique/plastifiés pour les porcelets.
    • en matériaux non abrasifs.
Sol plein nu
  • Recouvrir les sols en béton d’un matériau amortissant ou réduisant la friction.
  • Installer des tapis en caoutchouc, régulièrement nettoyés.
  • Nettoyer le sol régulièrement.

Identique au sol plein, avec en plus :

  • Fournir de la paille en quantité adaptée pour l’exploration maximale des porcs.
  • Fournir au moins 20 g de paille par porc et par jour pour le confort de couchage et pour limiter les boiteries.
  • Remplacer la litière salie.
  • Effectuer un paillage d’entretien tous les 7 à 10 jours, en priorisant les zones d’élimination.
  • Donner accès à un autre type de sol pendant les épisodes de fortes chaleurs.
  • Anticiper l’accumulation de litière en fin de cycle (+ 40 à 50 cm) en surélevant par exemple les zones d’alimentation.

En conclusion

Les sols alternatifs au caillebotis intégral améliorent le bien-être des porcs en favorisant leurs comportements naturels (exploration, nidification), en réduisant les risques de caudophagie et de blessures, et en offrant plus de confort et d’espace. Leur efficacité augmente avec la quantité de paille, en suivant un gradient du caillebotis intégral à la litière profonde.

Les sols alternatifs au caillebotis intégral nécessitent une meilleure gestion de la ventilation du bâtiment et une plus grande surface pour garantir la propreté des animaux et des enclos, le confort thermique en période chaude et diminuer le risque de maladies infectieuses.

Au-delà du bien-être animal, il est important de considérer celui de l’éleveur. Pour les sols avec litière, la paille mise à disposition entraîne un travail à fournir plus conséquent, ainsi qu’un coût supplémentaire pour l’approvisionnement. Cependant, ces coûts supplémentaires peuvent être compensés par une amélioration de la santé générale des porcs, qui nécessiteraient moins de soins et dont les carcasses seraient mieux valorisées lors de l’abattage. Les bâtiments avec des sols recouverts par des litières seraient également moins énergivores que les bâtiments avec d’autres types de sols.

à retenir

CHIFFRE CLÉ

85 à 90%

Pourcentage des bâtiments d’élevage de porcs en France avec un sol en caillebotis.