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Il faut nourrir les oiseaux l’hiver, VRAI ou FAUX ? en partenariat avec la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO)

VRAI...

mais uniquement en période de gel prolongée et en prenant certaines précautions ! 

à retenir

Au cours de la saison hivernale, les oiseaux doivent faire face à une baisse de leurs ressources et adapter leur recherche alimentaire. Se nourrir peut devenir particulièrement difficile pour eux lors de périodes de gel prolongées. Mais alors, faut-il les aider à passer l’hiver en leur apportant de la nourriture supplémentaire ? 

Le saviez-vous ?

Les oiseaux concernés par le nourrissage dans nos jardins consomment essentiellement des insectes, des fruits, des baies et des graines. En hiver, avec le froid, le nombre d'insectes diminue. Les oiseaux adaptent ainsi leur régime en se nourrissant surtout de graines et de fruits (notamment des baies). Ils deviennent alors majoritairement granivores. 

Nourrir les oiseaux pour contrer le déclin de la biodiversité !

En 2021, le couperet tombe : entre 1989 et 2019, la population d’oiseaux dans les campagnes et dans les villes a décliné de 30%[1]. En cause notamment : la diminution des ressources alimentaires liée à la dégradation de l’environnement.

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La principale raison du déclin est la diminution des ressources disponibles, comme la nourriture ou des habitats favorables pour s’abriter, se reproduire ou s’alimenter pendant la saison de reproduction ou durant l’hivernage 

MUSEUM NATIONAL D’HISTOIRE NATURELLE

Partant de ce constat et dans l’optique de contrer cette diminution du nombre d’oiseaux, il peut être intéressant de fournir à ces derniers une nourriture complémentaire pour les aider à passer l’hiver et les mettre dans de bonnes dispositions pour la période de reproduction !

Le saviez-vous ?

Certaines espèces d'oiseaux ont l'habitude de chercheur leur nourriture au sol : merle noir, mouche, rouge-gorge familier. C'est pourquoi une mangeoire disposer à faible hauteur, proche du sol, leur sera utile ! 

De cette façon, les oiseaux nourris au cours de l’hiver auraient une meilleure chance de survivre à la saison[2] et seraient globalement en meilleur état de santé (moins de stress, plus haut taux d’antioxydants, meilleure défense immunitaire, plus joli plumage)[3]. Ils connaîtraient également, selon certains scientifiques – sachant que toutes les études ne s’accordent pas sur ce point – une période de reproduction plus fructueuse (plus d’oisillons et meilleur pourcentage de survie de ces derniers)[4].

📌 Idées

  • Il est intéressant de nourrir les oiseaux toujours aux mêmes horaires ou de s’assurer de remplir les mangeoires régulièrement car alors la prévisibilité de la nourriture tend à diminuer leur stress, ce qui leur permet de mieux stocker la graisse[5].
  • Pensez également à leur fournir de l’eau, difficile d’accès en période de gel prolongée !

Mais plusieurs risques à prendre en compte...

Il s’agit toutefois d’être précautionneux lorsque l’on décide de nourrir les oiseaux car cela peut avoir des effets pervers non négligeables, soit en impactant directement les individus eux-mêmes, soit en affectant des dynamiques écologiques plus complexes. 

Les risques du nourrissage sur les individus eux-mêmes

L’un des principaux risques est sanitaire ! En effet, les oiseaux qui se rassemblent au même endroit sont susceptibles de se transmettre des maladies et d’en mourir[6].
La question de la dépendance des animaux à la nourriture se pose. Les scientifiques ne sont pas tous d’accord à ce sujet[8]. Il est en tout cas fort probable :
  • qu’arrêter de nourrir les oiseaux subitement, surtout en période de gel peut avoir des conséquences dramatiques pour leur survie.
  • que le nourrissage peut, de façon générale, conduire les animaux à faire des choix sous optimaux en favorisant ce que l’on nomme les « pièges écologiques ». Les oiseaux, du fait de l’abondance de nourriture liée au nourrissage, sont encouragés à rester sur place, augmentant leur concentration alors même que les ressources présentes naturellement ne sont en réalité pas suffisantes pour tous les nourrir.
  • que certains oiseaux peuvent dans certains cas devenir entièrement dépendants de la nourriture distribuée par l’humain pour passer l’hiver[9]. Une telle dépendance, constatée localement et de façon ponctuelle par les scientifiques, n’est pas souhaitable. La nourriture distribuée par l’homme doit avant tout constituer une supplémentation sans vocation à remplacer les ressources naturelles disponibles. C’est pourquoi le nourrissage doit être raisonné et se cantonner aux périodes de gel prolongées.
Par ailleurs, rassembler les animaux autour des mêmes points de nourrissage pourrait augmenter les phénomènes de prédation. Une telle augmentation potentielle reste toutefois difficile à évaluer de l’aveu même des scientifiques. Certains ont même estimé que le risque était en réalité inchangé [10].

Le saviez-vous ?

Les principaux prédateurs des oiseaux nourris dans nos jardins sont les rapaces, les chats, les renards, les fouines, les martres. l'épervier est le plus grand prédateur naturel des oiseaux. Avec l'accroissement de la population de chats errants et domestiques, ces derniers exercent une pression de plus en plus importante sur la population d'oiseaux [11].

En outre, l’impact positif du nourrissage sur la saison de reproduction n’est pas établi fermement ! Une étude plus récente a montré que, contrairement aux conclusions formulées par les scientifiques jusqu’ici, nourrir les oiseaux l’hiver aurait en réalité un impact négatif sur la saison de reproduction. La qualité nutritionnelle des aliments apportés semble notamment jouer un rôle sur la réussite ou non de la saison de reproduction [12]… ce qui nous conduit au dernier point ! …. Nourrir les oiseaux avec de mauvais aliments peut être contreproductif ! Il est donc nécessaire de leur apporter la nourriture dont ils ont effectivement besoin !  Privilégiez des graines de qualité sans traitement chimique (tournesol, cacahuète non salée concassée, noisette…) ➡︎ Plus d’infos ici

Nourrir les oiseaux peut avoir des conséquences plus globales sur l'ensemble de la communauté aviaire

Cela peut enrayer le processus de migration. Les migrateurs peuvent rester hiverner sur place puisqu’ils sont nourris, entraînant une certaine dépendance[13]. Nourrir les oiseaux peut également avoir des effets en cascade sur la répartition des différentes espèces d’oiseaux, voire tendre à restructurer localement la population[14]. De façon générale, il s’agit de rappeler que chaque action de l’humain sur le monde sauvage doit être précautionneuse et réfléchie en s’appuyant sur des études scientifiques. Ce point nous a été rappelé par Sophie Hild, directrice de la Fondation Droit Animal, Ethique et Sciences (LFDA) lorsque nous l’avons interviewée à l’occasion du colloque sur les animaux sauvages organisés par la LFDA :
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 De façon générale, l’intervention de l’être humain dans le monde sauvage libre est quelque chose de très dangereux. Cela doit être fait de façon très réfléchie, méticuleuse, selon une démarche scientifique éprouvée. Dans un monde parfait, nous laisserions juste les animaux sauvages évoluer et vivre leur vie. Aujourd’hui nous empiétons vraiment sur leurs espaces de vie. Il faut se demander ce que nous pouvons faire pour ne pas détruire leur monde mais, en même temps, sans devenir l’architecte de tout ce qui s’y passe

SOPHIE HILD

La Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) propose d’ailleurs comme solution de remplacer le nourrissage direct par une gestion écologique de nos jardins et campagnes !  Quelques conseils ci-dessous issus de la fiche « nourrissage » rédigée par la LPO (disponible entièrement ici).

En résumé !

Il est préférable de cantonner le nourrissage des oiseaux aux périodes de gel prolongées, en pensant bien à l’eau et en respectant certaines précautions  ! Pour aider, les oiseaux toute l’année, il vaut mieux privilégier une gestion écologique de nos campagnes et jardins ! 

En guise de résumé, vous pouvez consulter cette vidéo réalisée par la LPO :

🚨Si vous trouvez un animal blessé 🚨

Contactez le centre de faune sauvage le plus proche. Sur Lyon et sa région, il s’agit du centre de soins L’Hirondelle

[1] Selon l’étude pilotée conjointement par la LPO, le Muséum national d’Histoire naturelle et l’OFB en se basant sur un réseau d’observateurs locaux.

Pour voir les conclusions de l’étude : https://www.mnhn.fr/fr/actualites/pres-de-30-d-oiseaux-en-moins-en-30-ans-dans-les-villes-et-les-campagnes-francaises

Pour accéder à l’étude complète : https://www.vigienature.fr/sites/vigienature/files/atoms/files/syntheseoiseauxcommuns2020_final.pdf

[2] Jansson C, Ekman J, and Von Brömssen A, “Winter mortality and food-supply in tits Parus-spp.”, Oikos, Vol. 37, n°3, 1981.

[3] Wilcoxen TE, Horn DJ, Hogan BM, Hubble CN, Huber SJ, Flamm J, Knott M, Lundstrom L, Salik F, Wassenhove SJ, Wrobel ER, « Effects of bird-feeding activities on the health of wild birds », Conservation Phisiology, Vol. 3, 2015.

[4] y compris si l’apport supplémentaire en nourriture s’arrête 6 semaines avant la saison de reproduction : Robb GN, McDonald RA, Chamberlain DE, Reynolds SJ, Harrison TJ, Bearhop S, “Winter feeding of birds increases productivity in the subsequent breeding season”, Biology Letter, Vol. 4, n°2, 2008.

[5] H. Bobby Fokidis, Matthieu Burin des Roziers, Richard Sparr, Christopher Rogowski, Karen Sweazea, Pierre Deviche, “Unpredictable food availability induces metabolic and hormonal changes independent of food intake in a sedentary songbird”, Journal of Experimental Biology, Vol. 215, n°16, 2012.

[6] Lawson B, Robinson RA, Toms MP, Risely K, MacDonald S, Cunningham AA, “Health hazards to wild birds and risk factors associated with anthropogenic food provisioning”, Philosophical Transactions B, Vol. 373, 2018.

Pour accéder à la fiche réalisée par la LPO et dédiée aux maladies, c’est par ici.

[7] Chavatte JM, Giraud P, Esperet D, Place G, Cavalier F, Landau I, “An outbreak of trichomonosis in European greenfinches Chloris chloris and European goldfinches Carduelis carduelis wintering in Northern France”, Parasite, Vol. 26, 2019.

[8] Brittingham MC, Temple SA, « Does Winter Bird Feeding Promote Dependency”, Journal of Field Ornithology, Vol. 63, n°2, 1992 ; Robb GN, Macdonald RA, Chamberlain DE, Bearhop S, “Food for thought: supplementary feeding as a driver of ecological change in avian populations”, Frontiers in Ecology and the Environment, Vol. 6, n°9, 2008.

[9] Orell M, “Population fluctuations and survival of great tits Parus major dependent on food supplied by man in winter”, Ibis, vol 131, 1989.

[10] Dunn EH, Tessaglia DL, « Predation of Birds at Feeders in Winter”, Journal of Field Ornithology, Vol. 65, n°1, 1994.

[11] Si les chats ont un impact non négligeable sur de nombreuses espèces sauvages, toutefois, concernant spécifiquement le nourrissage des oiseaux et, contrairement à ce que l’on pourrait penser de prime abord, plusieurs études ont montré que la prédation par les chats n’augmentait pas forcément là où les oiseaux étaient nourris. L’étude précédemment citée indique ainsi que les chats ne sont « pas plus actifs sur les sites où les espèces constituant leurs proies habituelles étaient plus nombreuses ». Autrement dit le chat ne migre pas forcément vers les zones où les oiseaux sont les plus nombreux mais agissent en prédateurs opportunistes en fonction des espèces présentes. Une autre étude a même démontré que le nombre d’oiseaux tué par les chats tendait à diminuer au niveau des points de nourrissage : Woods M, MacDonald RA, Harris S, « Predation of wildlife by domestic cats Felis catus in Great Britain », Mammal Revue, Vol. 33, n°2, 2003.

Concernant plus globalement l’impact des chats sur la faune sauvage, une étude internationale s’appuyant sur le suivi de 170 espèces d’oiseaux communs sur 20 000 sites dans 28 pays européens, pendant 37 ans, ne pointe pas du doigt les chats mais souligne la cause anthropique du déclin des oiseaux avec 4 causes principales : l’intensification de l’agriculture, le changement de la couverture forestière, l’urbanisation et le changement de température. Voir Rigal S., Dakos V., Alonso H., Devictor V., 2023. Farmland practices are driving bird population decline across Europe. , The Proceedings of the National Academy of Sciences120 (21). https://doi.org/10.1073/pnas.2216573120 

[12] Plummer KE, Bearhop S, Leech DI, Chamberlain DE, Blount JD, “Winter food provisioning reduces future breeding performance in a wild bird », Scientific Reports, 2013.

[13] Jokimäki J, Suhonen J, Inki K, and Jokinen S, « Biogeographical comparison of winter bird assemblages in urban environments in Finland », Journal of Biogeography, Vol. 23, 1996.

[14] Robb GN, Macdonald RA, Chamberlain DE, Bearhop S, “Food for thought: supplementary feeding as a driver of ecological change in avian populations”, Frontiers in Ecology and the Environment, Vol. 6, n°9, 2008; Galbraith JA, Beggs JR, Jones DN, Stanley MC, “Supplementary feeding restructures urban bird communities », Proceedingsof the National Academy of Sciences, Vol. 112, n°20, 2015.

à retenir

CHIFFRE CLÉ

30%

Il s’agit du pourcentage de déclin de la population d’oiseaux dans les campagnes et dans les villes entre 1989 et 2019

Dans un monde parfait, nous laisserions juste les animaux sauvages évoluer et vivre leur vie […] Il faut se demander ce que nous pouvons faire pour ne pas détruire leur monde mais, en même temps, sans devenir l’architecte de tout ce qui s’y passe

SOPHIE HILD, directrice de la Fondation Droit Animal Ethique et Sciences (LFDA)