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Expérimentation animale : le rôle des comités d’éthique et des structures de bien-être animal avec Samuel Vidal

D’après un sondage Ipsos du 14 décembre 2021, 62 % des Français sont sur le principe opposés à l’utilisation des animaux par la recherche scientifique. Toutefois 74% d’entre eux demeurent convaincus que le recours aux animaux est nécessaire lorsqu’il s’agit de la recherche médicale. Ce même sondage indique que 50% des Français n’ont pas confiance dans les scientifiques pour veiller le plus possible au bien-être des animaux et que 52% doutent de leur capacité à éviter le plus possible la douleur et la peur chez l’animal. En parallèle, d’après l’enquête, seul 1 Français sur 10 prétend connaître ce que sont précisément les comités d’éthique en expérimentation animale et les structures de bien-être animal. Enfin, seuls 5% des Français affirment connaître la règle des 3R (remplacer, réduire, raffiner) pourtant obligatoirement applicable depuis 2013 en cas de recours à des animaux vivants à des fins expérimentales. 

Si ces quelques statistiques témoignent de l’attachement indubitable des Français à la problématique du bien-être animal, il montre également une certaine méconnaissance de leur part en la matière dans le domaine de l’expérimentation animale. 

Il est donc temps de faire le point sur le sujet ! 

Pour cela, nous avons interviewé Samuel Vidal, animateur du Comité d’éthique de VetAgro Sup, responsable du bien-être au laboratoire Biovivo er ancien président de l’AFSTAL. Un bon moyen de comprendre le rôle des comités d’éthique et des structures de bien-être animal qui s’assurent non seulement d’une utilisation éthique des animaux dans le domaine scientifique mais aussi de la prise en compte, autant que possible, de leur bien-être, tout en maintenant la pertinence des résultats expérimentaux. 

Quand un chercheur présente un projet au comité d’éthique, il ne repart jamais sans des conseils, des recommandations ou des demandes expresses de modifier son projet

SAMUEL VIDAL

Au programme

  • 0’50 : Qu’est-ce qu’un comité d’éthique ?
  • 1’11 : Depuis quand existent les comités d’éthique ?
  • 1’42 : Le recours aux comités d’éthique ainsi qu’au principe des 3R a été rendu obligatoire depuis la directive européenne de 2010
  • 3’26 : Le comité d’éthique est-il le seul dispositif qui existe destiné à veiller à la protection des animaux de laboratoire ?
  • 4’43 : Concernant le comité d’éthique de VetAgro Sup, pouvez-vous nous indiquer quels sont les types d’intervention du comité et qui peut le saisir ? 
  • 7’22 : Quel profil ont les membres du comité d’éthique ?
  • 9’36 : Quelle force a le comité d’éthique s’il rend un avis négatif ? 
  • 10’33 : Comment arrivez-vous à un accord entre les membres du comité ? 
  • 12’08 : Le comité d’éthique de VetAgro Sup a rendu très peu d’avis défavorables car il s’inscrit dans une logique de co-construction des projets
  • 13’30 : Vous faites partie de ce comité depuis 20 ans, avez-vous constaté des améliorations concrètes ? 
  • 15’41 : Les animaux utilisés à des fins scientifiques sont de plus en plus replacés dans des foyers. Le comité d’éthique a-t-il un rôle dans ce replacement ?

Résumé et complément au podcast

Quels textes encadrent les comités d’éthique ?

Les premiers comités d’éthique ont vu le jour aux États-Unis et sont apparus en France dans les années 90. Suite à la directive européenne de 2010, ils ont été rendus obligatoires en France à partir de 2013 avec la promulgation d’un décret[1] et d’un arrêté d’application. Ces deux textes ont été complétés en 2014 par une Charte nationale sur l’éthique de l’expérimentation animale rédigée par le Comité national de réflexion éthique sur l’expérimentation animale. Cette Charte rappelle l’obligation de recourir à un comité d’éthique ainsi que la nécessité de respecter la sensibilité animale. Elle encourage même à s’efforcer « d’aller au-delà de la seule application de la règlementation sur la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques » dans la prise en compte de leurs capacités cognitives, émotionnelles et de leurs besoins physiologiques et comportementaux.

En 2013, l’arrêté d’application encadrant les comités d’éthique inscrit également dans la réglementation le principe des 3R : remplacer, réduire, raffiner. L’objectif est de remplacer au maximum l’utilisation des animaux à des fins scientifiques par des méthodes alternatives, de réduire le nombre d’individus utilisés et de raffiner en utilisant des techniques qui diminuent au maximum le stress, la souffrance et la contrainte subis par les animaux.

Le point sur le rôle des comités d’éthique et des structures de bien-être animal

Depuis 2013, toute activité de laboratoire ou d’enseignement impliquant des animaux doit donc avoir été validée au préalable par un comité d’éthique. Celui-ci a ainsi un rôle primordial car, sans son aval, il n’est pas possible de conduire les expérimentations, point que rappelle bien Samuel Vidal au cours de notre entretien. Il nous indique que, tous les projets à VetAgro Sup font l’objet d’une analyse et de recommandations de la part du comité d’éthique et que peu reçoivent des avis défavorables. Le rôle du comité dans l’amélioration des projets d’expérimentation est d’ailleurs central pour Samuel Vidal : « Quand un chercheur présente un projet au comité d’éthique, il ne repart jamais sans des conseils, des recommandations ou des demandes expresses de modifier son projet ». Il nous précise au passage que la relecture peut parfois conduire à un changement en profondeur du projet. Une fois que le projet a été évalué et validé, une structure bien-être animal obligatoirement présente dans les laboratoires au même titre que le comité d’éthique[2] se charge « de suivre au jour le jour la mise en application de l’autorisation de projet ».  A noter que dans d’autres pays européens, le comité d’éthique et la structure bien-être animal ne forment qu’une seule et même entité. Samuel Vidal nous indique que la France a fait le choix de séparer les deux.

Qui fait partie des comités d’éthique et comment ses membres prennent les décisions ?

Le décret de 2013 définit également les fonctions et niveaux de compétences qui doivent être représentés au sein des comités d’éthique avec la nécessité de toujours avoir en son sein un regard externe d’une personne « non spécialisée dans les questions relatives à l’utilisation des animaux à des fins scientifiques »[3]. Pour le comité d’éthique de VetAgro Sup, le choix a été fait de prendre les décisions par consensus, avec possibilité d’un vote en cas d’un désaccord profond entre ses membres.

Fonctionnement particulier du comité d’éthique de VetAgro Sup

Le comité d’éthique de VetAgro Sup existait avant l’obligation de 2013. Il a donc historiquement acquis des prérogatives plus larges allant au-delà des dispositions réglementaires. Ainsi, selon Samuel Vidal, le comité d’éthique travaille non seulement sur « l’expérimentation animale mais également [sur] tous les autres sujets qui concernent l’animal au sein de l’établissement ». Cette préoccupation pour le bien-être animal se porte y compris sur la vie des animaux sur le campus, beaucoup d’étudiants amenant leur chien avec eux ainsi que sur la qualité des soins dispensés dans les cliniques et hôpitaux de l’école. 

Toute personne sur le site peut saisir le comité, qu’il s’agisse d’un chercheur, d’un vétérinaire, ou encore d’un étudiant qui pourrait se poser « une question sur la façon dont un animal a été pris en charge ou sur les modalités de vie d’un animal qu’il a vu sur le site ». 

En 2021, le comité d’éthique de VetAgro Sup a étudié 67 demandes dont 20 demandes officielles d’évaluation de projets à des fins scientifiques, les autres étant des dossiers qui concernent la recherche clinique, et l’utilisation d’animaux pour l’enseignement.

Replacement en foyer des animaux utilisés à des fins scientifiques

La question du sort des animaux utilisés à des fins scientifiques ou expérimentales est une question qui préoccupe les citoyens. Samuel Vidal nous précise que chaque projet d’expérimentation présenté au comité d’éthique doit préciser le devenir des animaux utilisés. Des porteurs de projet peuvent ainsi s’engager à replacer les animaux en foyer une fois leurs expérimentations réalisées. Dans ce cas, le comité d’éthique est particulièrement vigilant et vérifie que cet engagement est bien mis en œuvre.  Samuel Vidal nous précise que le replacement est assez courant et concerne aussi bien les chiens les chevaux que les lapins avec la possibilité d’avoir recours à des associations qui se chargent de leur trouver une famille d’accueil puis adoptante. 

[1] Les articles R214-87 à 137 du Code rural sont concernés par ce décret

[2] La structure bien-être animal est rendue obligatoire par l’article R. 214-103 modifié par le décret de 2013

[3] La liste des membres est prévue à l’article R. 214-118 du Code rural.

à retenir

CHIFFRE CLÉ

2013

Date du décret qui définit les fonctions et niveaux de compétences des comités d’éthique en France

Quand un chercheur présente un projet au comité d’éthique, il ne repart jamais sans des conseils, des recommandations ou des demandes expresses de modifier son projet

SAMUEL VIDAL