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Comment les vétérinaires équins prennent-ils en compte le bien-être des équidés dans leur pratique ? Focus sur la « Clinéquine » de VetAgro Sup (partie 2/2)

Si la prise en compte du bien-être animal est inhérente à la pratique vétérinaire, il paraît pertinent de s’intéresser dans les faits aux moyens mis en place par les vétérinaires sur le terrain ! Nous avons choisi d’aborder, dans un premier temps, l’exercice vétérinaire équin en effectuant une série d’entretiens destinée à en mettre en lumière les spécificités. 

Après notre première interview consacrée à Bertrand Olonde, vétérinaire équin en ambulatoire, nous nous intéressons à la Clinique des équidés, dite « Clinéquine » de VetAgro Sup. Pour ce faire, nous nous sommes entretenus avec Agnès Benamou Smith, vétérinaire et maître de conférence en médecine équine, et Olivier Lepage, professeur de chirurgie équine et directeur du Pôle de compétences en santé équine.

Interview d’Agnès Benamou-Smith

Comment les étudiants sont-ils formés à une meilleure prise en compte des questions BEA dans le cadre d’une hospitalisation ?

Au fil de leur cursus, les étudiants vétérinaires reçoivent dès la première année, des cours généralistes sur le comportement des animaux de plusieurs espèces animales, essentiellement domestiques, et sur les interactions des animaux avec leur environnement de vie. Ces enseignements sont complétés par des travaux pratiques en immersion avec certaines espèces animales (ruminants, équidés, carnivores, nouveaux animaux de compagnie). L’objectif est de bien comprendre le comportement des animaux, d’empêcher l’anthropomorphisme qui sous-tend malheureusement beaucoup des relations entre humains et animaux, et d’interagir avec respect vis-à-vis des besoins des animaux, dans l’esprit des 5 libertés qui sont au centre de la bientraitance animale.

Cet enseignement est effectué auprès des équidés par le biais d’un troupeau pédagogique habitant sur le site de VetAgro Sup, et qui est également suivi par un groupe d’étudiants volontaires dans le cadre d’une initiative « ADOPT a HORSE » que j’ai initiée en 2017. Cette initiative apporte une interaction bienveillante et positive régulière auprès de ces équidés. Ce groupe d’étudiants est initié à cette interaction par une formation pratique initiale renforçant la notion de pansage, et celle d’interaction positive.

Dans le cadre d’une hospitalisation, les étudiants de 3ème et 4ème année sont déjà formés aux besoins physiologiques et comportementaux des équidés en situation normale. Durant leur immersion en milieu hospitalier, les étudiants sont également initiés à la gestion particulière (pansage, alimentation adaptée) du cheval hospitalisé, ainsi qu’à la détection de la douleur et de ses manifestations (perte d’appétit, digestion anormale, perte des interactions normales, impossibilité de se mouvoir normalement) par l’usage régulier de fiches analysant les scores de douleur (score facial essentiellement). Ces évaluations sont discutées quotidiennement en rondes cliniques et permettent d’ajuster la gestion médicale de l’équidé ainsi que sa gestion alimentaire et ses sorties.  Il est difficile de prendre en compte toutes les particularités individuelles des chevaux hospitalisés, mais nous sommes vigilants par exemple sur la population d’équidés âgés, qui sont assez fréquents dans l’hôpital, et qui d’après mon expérience sont plus fragiles et donc plus impactés par le stress de l’hospitalisation.   

Comment accompagner les propriétaires vers une meilleure prise en compte du BEA ?

Depuis plus de 10 ans, il est clair que nous sommes de plus en plus sollicités par les détenteurs de chevaux sur des problématiques liées à la qualité de vie de leur équidé et sur les moyens humains ou matériels qu’ils peuvent adapter à leurs chevaux pour résoudre des problèmes de santé. Précédemment, un certain mode de vie était imposé de facto aux chevaux. Actuellement, beaucoup de propriétaires cherchent à offrir un environnement plus adapté à leurs besoins comportementaux.  Pourtant, avec une certaine démocratisation de l’équitation, il est clair qu’il existe aussi un vrai déficit de connaissances même parmi les initiés. Il est nécessaire de mieux leur expliquer les facteurs à l’origine de peurs et de stress chez les chevaux, ainsi que ce qui constitue les piliers de l’équilibre de vie des équidés, mais également les bonnes conditions de son apprentissage. C’est en apportant ces compétences larges aux propriétaires que l’on pourra pérenniser une prise en compte satisfaisante du bien-être animal des équidés. Une formation initiale puis régulière des propriétaires, délivrée par des structures de formation telles que la Fédération Française Equine (FFE), l’Institut Français du Cheval et de l’Equitation (IFCE) ou les écoles vétérinaires, pourrait ainsi apporter une vraie montée en compétences des propriétaires sur tous les aspects relatifs au bien-être des équidés.

Quels sont les points d’attention spécifiques aux chevaux en matière de bien-être ?

En se basant sur les besoins physiologiques et comportementaux propres à cette espèce animale, il semble impératif de veiller à apporter dans tous les cas quelques fondamentaux constitutifs du bien-être des chevaux : 

  • un accès constant à un aliment fourrager en petite quantité et pas trop riche nutritionnellement,
  • un accès à un milieu extérieur varié leur permettant de bouger et d’interagir directement avec des congénères, 
  • des zones abritées permettant de se protéger des aléas climatiques. 

Chez les chevaux utilisés pour le sport, malgré les contraintes imposées par les compétitions et les transports, il devrait être possible, comme c’est assez souvent le cas en endurance équestre, de proposer un environnement similaire même si cela n’est réalisable que de façon plus intermittente. 

En tant qu’animal grégaire et social, c’est bien d’interaction régulière avec ses congénères dont a besoin avant tout un équidé – les contacts avec des êtres humains ne constituant pas des interactions indispensables ni suffisantes.

Il existe également des points plus spécifiques à apporter chez les poulains et jeunes chevaux qui ont besoin par exemple d’interagir avec un animal de référence leur servant de modèle d’apprentissage (cela peut être la poulinière ou un encore un autre équidé adulte).

Pourriez-vous nous donner un exemple d’action conduite pour prendre en compte le bien-être d’un cheval hospitalisé à VetAgro Sup ?

Une de nos actions cruciales sur le cheval hospitalisé se concentre beaucoup sur le fait de limiter la douleur qu’il peut ressentir en relation avec sa maladie. Durant les différentes phases de sa prise en charge médicale ou d’une chirurgie, nous élaborons à plusieurs et en incluant les cliniciens anesthésistes, une action dite « multimodale » qui allie différentes familles de molécules : antiinflammatoires, antalgiques, anesthésiques, et différentes formes d’administrations qui peuvent être systémiques, topiques ou loco-régionales. Par ailleurs, le confort du cheval hospitalisé est un point important qui passe aussi par l’utilisation systématique de sols confortables en caoutchouc adapté à cette utilisation, facilitant le relevé du cheval et évitant les traumatismes et glissades en cas de chutes.

Interview d’Oliver Lepage

Comment l’organisation des hospitalisations et du service permet de prendre en compte le bien-être des équidés au sein de la clinique équine ?

Dès l’arrivée du cheval à la Clinéquine, nous sommes directement attentifs à son bien-être. Avant même qu’il soit descendu du camion, un interne avec son étudiant vient faire les premières constatations pour déterminer le box le plus adapté pour lui.

Exemple de portique

Par exemple s’il est très boiteux, nous faisons en sorte de l’amener à un box tout proche.  S’il arrive en urgence vitale comme une forte hémorragie, nous l’amenons avec le camion directement au box d’induction d’anesthésie en regard de la salle où il sera opéré. S’il ne peut se déplacer par lui-même, nous pouvons recourir à un portique[1] pour l’aider à avancer. S’il ne peut pas se tenir debout ou qu’il se trouve en décubitus, nous utilisons une civière-luge[2] pour le transporter dans un de nos quatre box équipé d’un treuil pour pouvoir ensuite le suspendre dans un harnais. D’autres urgences comme des coliques, des équidés neurologiques ou des nouveau-nés seront amenés directement vers un box dédié dans le Centre d’Urgence Soins Intensifs (CUSI) de la Clinéquine. Le portique et la civière sont fournis par Horse Emergency, un service d’ambulance privé pour chevaux, avec lequel nous collaborons étroitement. Tout est, en tout cas, vraiment prévu dès le début pour éviter au cheval des souffrances évitables. En ce sens, ce service d’ambulance est vraiment essentiel ! De fait, le taux de succès d’un certain nombre de traitements vétérinaires est basé soit sur la rapidité de la prise en charge de l’animal (notamment dans le cadre de colique) soit sur sa bonne immobilisation, notamment pendant le transport, en cas de problème locomoteur, ce qu’assure ce système de portique et de civière. Nous avons ainsi souhaité travailler avec cette entreprise pour diminuer les souffrances de l’animal et assurer un bon taux de succès dans la prise en charge. 

Cheval tenu à l’aide d’un treuil

Ensuite, pour préserver le bien-être des chevaux au cours de leur hospitalisation, pour ceux qui sont en soins intensifs, ils sont placés dans un environnement à 20°C, plus ou moins 5°C en fonction de l’été ou l’hiver, avec donc un système de climatisation et de chauffage. Chaque box est pourvu d’une caméra, ce qui assure une surveillance et une réactivité optimales de la part des soignants. Ces derniers ont également accès aux images via leur téléphone, ce qui permet aux cliniciens Sénior de les consulter de chez eux et de guider les internes sur place. Il faut noter également que si un cheval est contagieux ou suspecté de contagion lors de la consultation d’admission il est amené directement dans un bâtiment spécifique entièrement dédié à ce type de pathologie. Une sorte d’hôpital dans l’hôpital avec également un suivi individuel de chaque patient par vidéosurveillance et avec un salle dédiée à la désinfection du camion ayant servi au transport afin que celui-ci ne propage pas l’infection à d’autres animaux du propriétaire ou du transporteur. 

Donc il existe à la Clinéquine plusieurs dispositifs prévus pour assurer la meilleure prise en charge possible des animaux. 

salle de réveil après anesthésie

Pour aider les chevaux à supporter leur hospitalisation et diminuer leur stress, pour ceux qui le peuvent, ils sont promenés par les étudiants et l’équipe soignante sur le site de l’école qui propose beaucoup d’espace. Nous avons également un box pourvu de musique pour les animaux qui sont immobilisés très longtemps sans possibilité de sortir ou de voir leurs congénères. Pour les autres box, si les chevaux ne peuvent pas être en contact direct (pour des soucis de contagion), ils peuvent en revanche se voir.  Enfin, si la pathologie le permet et que c’est un animal qui a l’habitude de vivre à l’extérieur on lui propose au maximum d’être au pré ou dans des paddocks individuels sur sable pour mieux gérer son alimentation.  

A noter enfin qu’au cours des hospitalisations nous utilisons des récompenses pour aider les chevaux à supporter les soins. 

Enfin, je pense qu’il est important de mentionner que nous avons reçu une labellisation de la part de la filière cheval Rhône Alpes qui montre notre engagement pour le bien-être des chevaux. La plaque se trouve à l’entrée de la Clinéquine et liste les points sur lesquels nous nous sommes engagés. 

Comment l’organisation des hospitalisations et du service permet de prendre en compte le bien-être des équidés au sein de la clinique équine ?

Il faut déjà savoir que la Clinéquine comporte 25 vétérinaires en exercice pour 5 techniciens en santé animale (TSA).  Sauf pour les plus anciens, les vétérinaires ont tous étudié le bien-être animal au cours de leur cursus. Quant aux TSA nous essayons de les recruter avec une licence pro, cursus qui assure également d’avoir engrangé des connaissances en matière de bien-être animal. 

Existe-t-il des initiatives de la Clinéquine pour une meilleure prise en compte du bien-être animal ?

Il est certain que l’on peut toujours faire mieux en matière de bien-être et il faut être ouvert aux nouvelles choses. Un label « Equures » a été mis au point et nous souhaiterions y adhérer. Il s’agit d’un label qualité qui prend en compte l’environnement et le bien-être. Nous avons déjà entamé avec le Pôle Qualité de VetAgro Sup des démarches en ce sens. 

Comme nous avons des missions de recherche et de pédagogie (avec des chevaux dédiés à ces deux missions), nous discutons à l’occasion de la réunion de la Structure bien-être animal (SBEA) prévue par la loi, des améliorations concrètes quotidiennes à apporter (locaux, abris à construire, des clôtures, etc.).

Concernant la partie clinique, il serait bien d’augmenter l’équipe de TSA et d’une manière générale de mieux valoriser l’équipe de soins pour assurer un meilleur bien-être au travail et donc une meilleure disponibilité et prise en compte du bien-être des équidés, dans une optique « One Welfare ». Il est également souhaitable d’investir dans un centre de rééducation incluant marcheur[3],  outils de balnéothérapie et de soins divers. Un tel centre permettrait d’adapter un planning de soins personnalisé qui tient compte de la grande variété d’affections (locomotrices ou autres) que nous recevons à la Clinéquine.  


[1] Le portique est doté d’un harnais et d’un moteur par membre pour permettre au cheval d’être transporté en le soulageant de son poids.

[2] Il s’agit d’un moyen de transporter un cheval couché qui se montre incapable de se tenir debout. La civière est déplacée par un treuil qui amène le cheval dans l’ambulance. Puis le cheval est transporté au box dédié au sein du Centre d’Urgence Soins Intensifs (CUSI) via un autre treuil qui tire l’animal jusqu’au box. 

[3] Il s’agit d’une installation qui permet de promener 5 à 6 chevaux en même temps en cercle. 

Interview- Comment le bien-être des poissons à l’Aquarium de Lyon est-il pris en charge ? avec Jérome Mourin

La question des conditions de vie des animaux en captivité est une des préoccupations de la société et il existe une véritable attente du public pour que les aquariums et les parcs zoologiques garantissent le bien-être de leurs animaux. En interviewant Jérome Mourin, le conservateur et capacitaire de l’Aquarium de Lyon, nous avons voulu savoir quel était le rôle d’un aquarium dans la conservation des animaux et ce qui pouvait être mis en place pour mieux prendre en compte le bien-être des animaux aquatiques en captivité

PARTIE 1 : Présentation de Jérome Mourin et de l’Aquarium de Lyon

Quel a été votre parcours pour obtenir le certificat de capacité nécessaire à vos fonctions de conservateur de l’Aquarium?

J’ai obtenu un baccalauréat scientifique puis j’ai validé un BTS d’aquaculture et une licence en biologie des organismes et des populations. J’ai aussi obtenu le diplôme DESTA (diplôme d’études supérieures en techniques aquacoles) sur 2 ans avec le Conservatoire national des arts et métiers (CNAM). Pour être capacitaire, il faut avoir des mois d’expérience et un certain niveau scolaire. En ce qui concerne mon domaine, 18 mois d’expérience sont nécessaires et il faut demander une liste d’espèces sur lesquelles travailler. Il faut faire un mémoire dans lequel on explique la procédure suivie pour mettre en captivité des animaux qui peuvent être issus d’élevage ou qui peuvent être sauvages, la façon dont on va s’y prendre pour gérer les programmes de conservation, pour sensibiliser le public, etc.. 

 

Combien de bassins avez-vous ?

L’Aquarium de Lyon est composé de 38 bassins en présentation publique (1 million de litres) et environ 100 bassins en quarantaine (100 000 litres). Cette quarantaine permet de garder à l’écart, pendant un certain temps, des animaux arrivant à l’aquarium ou partant de l’aquarium. A savoir que le volume de la quarantaine dans un parc zoologique aquatique doit théoriquement représenter environ 10% du volume de présentation.

Combien y a-t-il d’espèces au maximum dans un bassin ? 

Il n’y a pas de règle, il peut y avoir seulement deux espèces comme beaucoup d’espèces. L’organisation des bassins est basée sur la reproduction des écosystèmes naturels.  L’observation du milieu naturel nous donne des informations sur les espèces qui cohabitent ensemble et leurs proportions, les sex ratio (rapport du nombre de mâles et de femelles d’une espèce à reproduction sexuée, ndlr), les décors, le type d’algues et de sable, la puissance lumineuse, etc.

Quels types d’espèces possédez-vous ?

Dans notre aquarium, nous trouvons des bassins représentant la Nouvelle Calédonie, le Rhône, etc. Nous avons des poissons d’eau douce, d’eau de mer, des invertébrés et vertébrés, un amphibien (axolotl, Ambystoma mexicanum) et des tortues de Floride. Nous n’avons en revanche aucun mammifère. A savoir que l’Aquarium de Lyon est mandaté par la préfecture pour récupérer les tortues de Floride, classées EEE (espèce envahissante exotique) et dont la commercialisation est interdite en France. 

D’où proviennent les différentes espèces ?

Tous nos poissons d’eau douce sont issus de structures aquacoles, de même qu’une grande partie de nos poissons d’eau de mer (coraux, hippocampes, poissons clown). Quant à nos requins, ils proviennent de systèmes d’échange. Pour les poissons d’eau de mer tropicaux, il nous arrive encore de prélever quelques animaux dans le milieu naturel car leur cycle de reproduction n’est pas maîtrisé en captivité. En dehors de l’origine des poissons que nous présentons à l’aquarium, un enjeu important réside dans l’approvisionnement en proies vivantes pour nourrir les poissons présents dans les bassins. L’aquaculture classique nécessite deux proies vivantes pour nourrir les larves de poisson : les artémias et les rotifères dont les élevages sont maitrisés depuis des décennies. Cependant, pour les poissons d’aquariums type ange, anthias ou chirurgien par exemple, la larve de poisson est beaucoup plus petite donc les proies vivantes utilisées en aquaculture classique ne sont pas adaptées. Ces poissons ont besoin de copépodes, dont l’élevage est maitrisé seulement depuis 2-3 ans. L’enjeu est ainsi de parvenir à maîtriser des systèmes d’élevage au sein des parcs zoologiques qui permettraient de ne plus prélever les proies destinées aux poissons en milieu naturel. Ceci est le cas à l’Aquarium de Lyon depuis quelques mois avec la réussite du protocole d’élevage des anthias, ce qui in fine permettra de ne plus prélever en milieu naturel. Cette démarche de recherche et développement est un pilier au sein de l’Aquarium de Lyon.

PARTIE 2 : Le bien-être à l’aquarium de Lyon

Existe-t-il des lois à respecter concernant le bien-être animal en aquarium ?

Oui, l’arrêté du 25 mars 2004 du Code de l’environnement cadre les parcs zoologiques (conditions de vie, alimentation…). De plus, en tant que capacitaire, je suis en droit de refuser une espèce si elle ne peut pas être accueillie dans de bonnes conditions. Je peux par exemple refuser à ma direction une espèce attractive pour le public mais non compatible avec les capacités de l’aquarium.  

Vous accueillez des animaux qui sont pour certains peu documentés : comment connaissez-vous leurs besoins ? 

Nous manquons malheureusement parfois d’informations. Je fais partie de la Commission du Bien-Être Animal au sein de l’Union des Conservateurs d’Aquariums de France, le but étant d’établir des normes de bien-être, des « guidelines » pour les poissons. Cela va amener des contraintes mais la mise en place de telles normes est nécessaire. Il en existe actuellement pour les mammifères, les reptiles et les oiseaux mais pas encore pour les poissons car leur étude est plus difficile. Nous parvenons de fait mieux à étudier les mammifères qui sont plus proches de nous, les milieux air et eau étant totalement différents. De la sorte, il existe davantage de bibliographies scientifiques disponibles sur les mammifères. En tout cas, à l’Aquarium de Lyon, nous partageons toutes les informations et données que nous collectons. Je vais d’ailleurs présenter lors du congrès européen EUAC (European Union of Aquarium Curators) tout ce que nous avons entrepris pour la reproduction de notre requin léopard. 

Quels sont vos projets pour l’amélioration du bien-être de vos animaux ?

Nous avons enlevé notre grand requin de 3 mètres, Nebrius ferrugineus, qui vit ici depuis 12 ans, parce qu’il commence à être trop à l’étroit. Le choix de retirer cet animal pourtant emblématique de l’aquarium a été fait pour son bien-être en dépit de l’attrait financier qu’il représentait pour notre structure. On pourrait même parler d’un véritable sacrifice financier… Il a été placé en « gardiennage » dans un bassin de 240 m² dans un autre aquarium (au lieu de 55 m² actuellement) où il fera partie d’un programme de reproduction. De fait, il s’agit d’une espèce en danger, classée vulnérable sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN). Il souffre de la pêche non sélective (une pêche est dite « sélective » quand elle permet de ne pêcher que certaines espèces appelées « espèces cibles », ndlr). Ils ne sont d’ailleurs plus que quatre individus en captivité en Europe. Le requin est toutefois voué à revenir dans notre aquarium car nous sommes en train de construire un plus grand bassin de 220 m² pour nos requins. 

Avez-vous déjà renoncé à certaines espèces car leur présence dans votre aquarium ne permettrait pas de respecter leur bien-être ?

Mon certificat de capacité me permettant de présenter au public toutes les espèces, je peux importer tous les poissons et invertébrés d’eau douce et d’eau de mer, mais je ne fais pas n’importe quoi pour autant. Je renonce tout le temps à des espèces. Nous faisons en général deux tentatives d’introduction dans nos bassins. En effet, si la première se solde par la mort de l’animal nous considérons dans un premier temps que cela peut être dû à une fragilité de l’animal ou au transport. En revanche, si la deuxième tentative se conclut encore une fois par une mortalité, nous considérons que notre site n’est pas adapté pour accueillir cette espèce et nous arrêtons d’essayer. 

Existe-t-il des enrichissements dans les bassins ?

Non pas vraiment. Le meilleur enrichissement que nous puissions faire est de réaliser une copie conforme du milieu naturel dans lequel évolue l’animal, ce que nous nous efforçons de mettre en place. L’enrichissement peut parfois aider à manipuler un animal dangereux, mais ici à Lyon nous ne manipulons pas souvent nos animaux. Je préfère laisser faire et perturber le moins possible les animaux. Par ailleurs, les enrichissements peuvent créer ce qu’on appelle de la déviance captive. Il s’agit d’un comportement anormal par rapport à un comportement naturel. Par exemple, dans un bassin avec des distributeurs de granulés tous les poissons vont finir par se regrouper à cet endroit. Cela peut aussi entraîner de la compétition.

Comment contrôlez-vous au quotidien le bien-être animal de vos animaux ?

Nous regardons nos animaux 2 à 3 fois par jour. C’est grâce à cela que nous parvenons à connaître leurs comportements au fil du temps et à détecter les changements. Par exemple, nous regardons s’il y a des rallyes. Un rallye est une poursuite entre deux individus de même espèce ou non. Son observation peut nous donner des indications positives, concernant notamment un site de reproduction, mais aussi des indications négatives concernant les rapports interspécifique et intraspécifique. Nous faisons de la « psychologie animale » quelque part. Pour assurer leur bien-être il faut aussi maîtriser totalement les caractéristiques de l’espèce. Pour éviter trop de promiscuité entre les individus susceptibles d’augmenter les interactions agonistiques (agressivité, morsures, etc.), nous tâchons de réaliser de grands aquariums avec une densité faible en accord avec la densité du milieu naturelle. 

Comment sont réalisés les soins vétérinaires ?

En réalité, nous ne faisons quasiment jamais d’injection ou de geste chirurgical. Le vétérinaire référent vient uniquement quand cela est nécessaire. 

Vos animaux ont-ils une meilleure espérance de vie qu’en milieu sauvage ? 

Très clairement oui ! Nos requins à pointes noires vivent 20 ans alors qu’ils présentent une espérance de vie de seulement 13 ans en milieu naturel. Les mener vers une mort naturelle après reproduction c’est réussir notre travail !

Comment faites-vous pour être le moins intrusif possible ?

Nous plongeons le minimum possible et évitons au maximum les manipulations. Par exemple pour les requins à pointes noires, nous avons travaillé pendant 3 ans à observer notre cheptel pour prévoir la mise bas grâce à la pleine lune. Ainsi, nous n’avons pas eu besoin de sortir de l’eau les femelles gestantes pour les échographier ce qui leur évite un stress considérable. Nous n’utilisons aucun produit chimique dans l’eau. Pour le transfert du requin qui a eu lieu récemment, nous ne l’avons pas anesthésié mais nous l’avons mis en catalepsie afin de trouver un compromis entre la sécurité des opérateurs et celle de l’animal

Comment la gestion du stress de vos animaux se passe-t-elle ?

Nous procédons à la suroxygénation des bassins car lorsqu’un poisson est stressé, il augmente ses besoins en oxygène. Cela permet également de pousser l’azote hors de l’eau.

Pour les poissons d’eau de mer qui vont être prélevés en milieu naturel, ils vont dans un premier temps en quarantaine où est reproduit un mini écosystème avec beaucoup de nourriture vivante pour faciliter leur acclimatation.

Forcément, il existe un stress des poissons induit par les visiteurs. Pour le limiter au maximum, ces derniers, particulièrement les enfants, sont sensibilisés dès l’entrée. Dans les bassins, tous les animaux peuvent se soustraire au public à l’aide de cachettes ou de mimétisme. Ceux qui ne peuvent pas se soustraire au public sont des poissons d’aquaculture familiarisés à l’humain et donc peu stressés en leur présence. 

A la fin de la visite de l’Aquarium de Lyon, se trouve un bassin tactile, pourquoi ne pas l’arrêter ? 

Le problème de ce bassin tactile est législatif, l’Etat ne considère pas cela comme un spectacle donc c’est encore autorisé. Je milite pour qu’une loi les interdise afin d’imposer sa fermeture à mon directeur. J’ai quand même décidé de retirer 95% des animaux qui s’y trouvaient et j’ai laissé uniquement quelques poissons reproduits en captivité donc habitué à l’Homme.  

PARTIE 3 : Les programmes de conservation

Avez-vous des programmes de conservation ? 

Nos programmes de conservation nous ont permis sur les 24 derniers mois d’avoir 12 bébés requins léopards, 3 requins à pointe noire, 1 requin de Port-Jackson. Le ratio de mortalité des reproductions de requins léopard est de 50% à 1 an au niveau européen alors que chez nous avons eu 100% de survie sur nos 12 naissances. Ces requins ont été placés gratuitement un peu partout en France. A force d’alimenter le réseau par nos reproductions captives plus aucun parc zoologique aquatique n’aura besoin de prélever en milieu naturel et c’est ça l’objectif final : l’auto-suffisance !

Avez-vous déjà relâché des individus d’espèce protégée dans leur habitat naturel ?

Nous n’avons jamais relâché des individus dans leur habitat naturel, ce n’est pas le but de notre aquarium. Pour relâcher un animal il faut passer par une commission, car c’est très compliqué, on peut dérégler un écosystème et rendre l’introduction néfaste voire meurtrière pour les espèces locales ! Par exemple, lors de l’ouragan Katrina des animaleries et aquariums ont explosé et le poisson Lion s’est échappé dans une zone des Caraïbes alors qu’il ne vient pas du tout de cette région. Aux Caraïbes il n’a pas de prédateurs donc il est en train de ravager toutes les espèces. De plus, un lâché au mauvais endroit peut dérégler la souche génétique sauvage en place. 

Quelles sont les espèces aquatiques les plus en danger ? 

Les requins sont très en danger, on observe en 20 ans une perte d’individus de 90%.  Le récif corallien est lui aussi extrêmement menacé, notamment à cause du blanchissement dû au réchauffement climatique. Or, la perte des récifs c’est la perte des poissons qui y vivent, c’est un écroulement en chaîne car les poissons sont des aliments qui font vivre les populations locales humaines. 

PARTIE 4 : Avoir son propre aquarium à la maison

Quels conseils à donner pour les particuliers qui souhaiteraient avoir un aquarium chez eux ?

Avoir un aquarium à la maison représente un investissement de temps et d’argent. Ce n’est pas une décision à prendre sur un coup de tête. Il faut être bien renseigné, passionné, responsable et aimer ses poissons. L’aquarium récupère beaucoup de poissons de particuliers qui ne veulent plus s’en occuper, c’est un centre d’accueil mais qui ne peut pas toujours tout récupérer. 

Pour conclure, Mr MOURIN insiste sur le fait qu’il faut établir des normes pour le bien-être des animaux aquatiques, ce à quoi il travaille personnellement. Soulignons au passage le rôle éducatif important que représente l’Aquarium de Lyon qui reçoit plus de 20 000 scolaires par an. « Aujourd’hui, l’Aquarium de Lyon représente une véritable arche de Noé ». 

Et pour parler du bien-être des animaux aquatiques dans leur milieu naturel et les problématiques actuelles, vous trouverez ci-dessous des pages d’information complémentaires réalisées par l’Aquarium de Lyon sur la pêche aux ailerons et la pollution plastique marine :

https://www.aquariumlyon.fr/la-pollution-plastique/

https://www.aquariumlyon.fr/la-peche-aux-ailerons/

Par Claire MISSANA et Garance TRINQUIER, étudiantes vétérinaires à VetAgroSup

Toutes les photos ont été prises à l’Aquarium de Lyon.

Interview- « Le CNR BEA souhaite être un espace d’échanges et de réflexions privilégié sur la question du bien-être animal »

L’équipe de coordination du CNR BEA

Alain Boissy
Directeur

Directeur du CNR BEA, il mène des recherches à l'INRAE au sein de l'UMR Herbivores sur les capacités émotionnelles et cognitives des herbivores contribuant à leur bien-être et sur les effets de l’adaptation comportementale des animaux sur l’efficacité de production. 

Camille Bezançon
Coordinatrice d'expertises scientifiques et techniques

Ingénieure agronome et éthologue de formation, elle a choisi de mettre ses connaissances en analyse du comportement animal au profit de l’amélioration du bien-être et des conditions d’hébergement des animaux.

Agnès Tiret
Responsable communication

Spécialiste en communication et stratégie, elle possède une solide expérience en France et à l’international. Formée à l’éthologie, elle développe au sein du CNR BEA la valorisation et la diffusion des connaissances scientifiques et techniques consolidées sur le bien-être animal, dans une démarche d’accessibilité, d’ouverture et de considération sociétale et éthique.

 

Geneviève Aubin-Houzelstein
Chargée de mission information et formation

Vétérinaire, chercheur en génétique animale, manager et formatrice, la continuité de sa carrière s'est faite sur son intérêt pour les animaux et leurs relations avec les hommes. Son implication au CNR BEA est basée sur la conviction qu'une meilleure prise en compte du bien-être des animaux est un impératif sociétal, environnemental et éthique.

Interview

Nous avions déjà réalisé une interview vidéo d’Alain Boissy, directeur du Centre national de référence pour le bien-être animal, en septembre 2019 pour présenter le CNR BEA , mais pouvez-vous nous rappeler qui sont ses membres et quelles sont ses missions ?

Alain Boissy

Le CNR BEA est une organisation publique indépendante qui rassemble plusieurs organismes reconnus pour leurs compétences et leur expertise dans le domaine de la recherche, du transfert de la connaissance et de la formation sur les questions de respect, de protection et de bien-être des animaux. Le CNR BEA a été créé en 2017 par le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation dans le cadre de la Stratégie de la France pour le bien-être animal initiée en 2016. La création d’un centre national de référence pour le BEA correspondait notamment à une recommandation de la Commission européenne avec le souhait d’aider les Etats membres de l’UE à mieux s’approprier la réglementation et à conduire des démarches de progrès dans les pratiques d’élevage et d’utilisation plus respectueuses des besoins des animaux..

Le CNR BEA regroupe, en dehors d’INRAE, l’Anses, quatre instituts techniques (Idele, IFIP, ITAVI, IFCE)  et les quatre écoles vétérinaires dont VetAgro Sup. Autour de ce premier cercle qui constitue le Comité de direction, se rassemble un Comité consultatif constitué d’une quarantaine de représentants des parties prenantes concernées par la question de la protection animale et du bien-être animal, que ce soit le Ministère mais également toutes les organisations professionnelles et toutes les associations concernées par les questions de bien-être animal. 

Agnès Tiret

Pour compléter le propos d’Alain, le CNR BEA est actuellement le seul centre national de référence (CNR) en France dédié aux animaux. Son organisation pluri-organismes qui regroupe des acteurs variés de référence en BEA est ce qui fait sa force.  Le CNR BEA a trois missions principales. Parmi elles, il a bien sûr, en tant qu’organisme de référence une mission de communication, de diffusion des connaissances auprès de toutes les parties prenantes pour faciliter le dialogue et permettre l’évolution des pratiques. A ce titre, pour assurer cette mission de diffusion, un site internet  a été créé, sur lequel l’ensemble des ressources est en accès libre et également disponibles en anglais. On y compte notamment une importante base documentaire scientifique technique et réglementaire. Nous y diffusons également notre travail d’expertise, c’est une autre de nos missions. Enfin, nous réalisons un travail de veille des actualités techniques, scientifiques réglementaires et sociétales. Cette veille est rassemblée dans une newsletter mensuelle accessible à tous sur inscription.

Camille Bezançon

Le CNR BEA fournit une expertise scientifique et technique auprès de professionnels, mais aussi et surtout des pouvoirs publics. Nous menons plusieurs types de travaux d’expertise. Tout d’abord, des avis d’expertise à proprement parler qui sont des synthèses basées notamment sur une analyse bibliographique de la thématique donnée et sur les compétences des experts sollicités. Nous menons ensuite des travaux d’accompagnement auprès des autorités compétentes ou des organismes signataires du CNR BEA pour répondre à un besoin ponctuel d’apport de  connaissances scientifiques ou techniques sur une thématique précise en lien avec le BEA. Enfin, une dernière activité d’expertise consiste à réaliser des autosaisines : le CNR BEA se saisit lui-même sur des sujets qu’il juge d’intérêt majeur. Pour toutes ces expertises, nous fonctionnons avec plus de 110 experts qui travaillent sur différentes espèces, allant des carnivores domestiques aux animaux d’élevage, en passant par la faune sauvage captive, et représentent plus d’une quinzaine de disciplines, allant de la biologie à l’éthologie, en passant par les sciences humaines et sociales (philosophe, sociologie).

Geneviève Aubin-Houzelstein

Concernant plus spécifiquement la veille scientifique, technique et réglementaire – dont je suis la coordinatrice –, celle-ci implique une quinzaine de personnes issues de tous les organismes signataires du CNR BEA et qui participent à collecter ou valider les documents. Le processus de validation est là pour garantir qu’il s’agisse bien de documents scientifiques et techniques de valeur. Les documents disponibles dans la newsletter, dans les actualités et dans la plateforme de ressources documentaires sont issus de ce processus de veille. 

Par ailleurs, je participe également à la coordination de la mission d’appui aux formations. Le CNR BEA n’est pas un organisme de formation à proprement parler puisque nous ne concevons pas de formations. En revanche nous avons un rôle de relai, d’agrégation, de diffusion de ressources et d’informations sur la formation relative au BEA. Nous relayons ainsi les formations dispensées par les organismes signataires du CNR BEA. Nous sommes également en train de bâtir un centre de ressources dédié à la formation, qui pourra à terme être interrogé par espèce, thématique et par niveau de formation. Ainsi les personnes qui voudront construire des formations pourront y trouver des ressources pédagogiques (audio, vidéo, etc.) et celles qui souhaitent se former pourront y trouver des contenus adaptés à leur niveau.  

Quels sont les liens et les différences entre le CNR BEA et la Chaire Bien-être animal ? 

Geneviève
Aubin-Houzelstein

Par exemple, typiquement la Chaire bien-être animal a pour rôle de concevoir des formations et de les délivrer, ce qui est différent de la mission du CNR BEA. Le CNR BEA relaie les formations mais n’en dispense pas. En revanche, le CNR BEA et la Chaire BEA ont tous les deux une mission de diffusion d’information mais les publics visés ne sont pas tout à fait les mêmes. La Chaire vise un plus large public, avec des formats de diffusion variés et didactiques. Nos contenus peuvent ainsi peut-être apparaître plus académiques avec la diffusion d’articles scientifiques, de documents écrits à destination de tous les professionnels concernés par le BEA, que ce soit des éleveurs, des techniciens, des vétérinaires. Bien sûr le site internet est ouvert au grand public mais il ne s’agit pas là de notre public cible préférentiel, le site internet s’adresse en premier lieu aux professionnels concernés par le bien-être animal. 

Agnès Tiret

Pour compléter, il me paraît important de préciser que les liens entre le CNR BEA et la Chaire BEA existent depuis le début. La Chaire a été créée l’année suivant la création du CNR BEA et les liens ont toujours été étroits dans la mesure où les deux structures ont été pensées pour être complémentaires et interagir entre elles. De fait, Luc Mounier, responsable de la Chaire BEA, représente également les écoles nationales vétérinaires au sein du Comité de direction du CNR BEA et, inversement, Alain Boissy, en tant que directeur du CNR BEA fait partie du comité de pilotage de la Chaire BEA. Il existe ainsi une imbrication étroite entre les deux structures. 

Alain Boissy

La complémentarité du CNR BEA et de la Chaire était à la base voulue par le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation. La Chaire a été justement créée à la suite du CNR BEA pour mettre l’accent sur la formation en matière de bien-être animal et la sensibilisation du grand public. Par ailleurs, le CNR BEA est un organe de diffusion des travaux et des activités de la Chaire. Il existe une véritable volonté commune d’avancer ensemble afin de concevoir des productions qui répondent aux missions des deux structures. 

Le CNR BEA a été créé en 2017, où en êtes-vous, pourriez-vous nous faire un bilan ?  

Agnès Tiret

Le CNR BEA est progressivement monté en puissance depuis sa création en 2017. L’équipe s’est accrue et cela a rendu possible de nombreuses réalisations au sein du CNR BEA. 

Camille Bezançon

Depuis la création du CNR BEA, nous avons réalisé 31 travaux d’expertise, dont 20 accompagnements  et 2 autosaisines (thèses vétérinaires). Initialement, les avis rendus par le CNR BEA au commanditaire avaient pour vocation systématique d’être confidentiels. Afin de permettre la diffusion des avis et des informations y figurant, le CNR BEA a souhaité s’inscrire dans une démarche consistant à rendre ses avis publics et facilement accessibles, sur son site internet notamment. Certains avis anciennement produits par le CNR BEA vont être rendus publics au printemps, avec l’accord de leurs commanditaires. Les avis réalisés à l’avenir seront également publiés, sauf demande expresse de confidentialité de la part du commanditaire. 

Quant aux travaux d’accompagnement, ils prennent le plus souvent la forme d’un document de travail et n’ont pas vocation à être rendus publics. Cependant, le sujet des accompagnements réalisés sera également rendu public au printemps sur le site internet du CNR BEA. Nous avons par exemple participé au choix de la méthodologie et des indicateurs dédiés à l’évaluation du Plan d’action national en faveur du BEA. Nous avons aussi évalué plusieurs protocoles de recherche appliquée en lien avec le BEA, révisé le questionnaire d’évaluation pour la délivrance du certificat de compétence « protection animale » en abattoir ainsi que ceux pour la délivrance de l’attestation de connaissances concernant les animaux de compagnie

Geneviève
Aubin-Houzelstein

Concernant le travail de veille, en deux ans, près de 1 500 articles ont été publiés sur le site du CNR BEA.. La base de ressources documentaires comporte plus de 600 documents interrogeables par espèce, thématique et auteur. Nous avons actuellement plus de  1 100 abonnés qui reçoivent la newsletter mensuelle. Tous ces documents sont disponibles en français et en anglais. Cette veille est très appréciée des membres du CNR BEA et de tous ceux qui la suivent de près. Elle est régulièrement reprise et relayée par les professionnels.

Agnès Tiret

Pour compléter, le site internet du CNR BEA fait référence en matière de BEA avec une très bonne visibilité et un très bon référencement. En deux ans d’existence, on compte déjà au total plus de 50 000 pages vues sur le site et près de 12 000 visiteurs uniques. Concernant les réalisations plus globales du CNR BEA, il y a une véritable volonté de positionner le CNR BEA dans le paysage français mais aussi dans le paysage européen. Le CNR BEA a travaillé à développer son intégration dans le paysage européen du BEA qui est par ailleurs très changeant et dynamique. Ainsi le CNR BEA travaille en étroite collaboration avec les centres de référence européens en BEA (CRUE). D’ailleurs, la France est représentée au sein du CRUE dédié à la volaille et aux petits animaux de ferme, mais aussi à celui dédié aux ruminants et aux équins. Le CNR BEA est aussi à l’initiative de la création d’un groupe réunissant les structures homologues existantes ailleurs en Europe (Finlande, Grèce, Italie, Suède) dans le but de faciliter les échanges de pratiques et de connaissances. 

Alain Boissy

Le CNR BEA est intégré en tant que structure d’expertise dans le Comité national d’éthique pour les abattoirs (CNEAb), dépendant du Conseil national de l’alimentation (CNA). Il participe également au comité bien-être animal du Conseil national d’orientation de la politique sanitaire animale et végétale (CNOPSAV). 

Quelles sont les nouvelles perspectives pour le CNR BEA ?

Agnès Tiret

2022 est un temps fort pour le CNR BEA car il entame sa nouvelle mandature, avec un nouveau plan d’action et de nouvelles réalisations à mener, sachant que le bien-être animal est un sujet de plus en plus incontournable tant au niveau scientifique, politique, économique que sociétal. Le CNR BEA souhaite être un espace d’échanges et de réflexions privilégié sur la question du BEA.

Camille Bezançon

Depuis sa création, le CNR BEA a surtout  été sollicité par la DGAL (Direction générale de l’Alimentation, rattachée au ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation) sur des questions relatives à la protection animale et au bien-être animal en élevage. Pour les années à venir, nous souhaitons renforcer nos travaux sur les autres espèces entrant dans le périmètre du CNR BEA dont les animaux de compagnie et la faune sauvage captive. Ce souhait est en accord avec les préoccupations actuelles concernant les animaux de compagnie. Le gouvernement a notamment annoncé la création d’un Observatoire de la protection des carnivores domestiques (OCAD) dans lequel nous allons avoir un rôle important à jouer puisque nous en sommes la structure d’expertise. La mission première de cet observatoire est de mieux caractériser le phénomène de l’abandon des animaux de compagnie pour contribuer à améliorer les politiques publiques en matière de lutte contre celui-ci. Nous allons ainsi apporter les connaissances scientifiques et l’expertise technique pour la réalisation de travaux en lien avec cette thématique.   

Geneviève
Aubin-Houzelstein

Nous souhaiterions aussi développer des productions propres sur des thématiques qui nous semblent importantes à relayer. Nous envisageons ainsi de réaliser, en concertation avec la Chaire BEA, des  fiches synthétiques sur les besoins physiologiques et comportementaux des animaux par espèce. 

Alain Boissy

Le CNR BEA entend également faire valoir ses compétences scientifiques et techniques pour accompagner en 2022 le Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation dans l’élaboration de sa nouvelle stratégie pour le bien-être animal. Le CNR BEA participe notamment à des travaux visant à produire des propositions et des recommandations pour inspirer les lignes directrices de cette nouvelle stratégie.