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Interview- Comment le bien-être des poissons à l’Aquarium de Lyon est-il pris en charge ? avec Jérome Mourin

La question des conditions de vie des animaux en captivité est une des préoccupations de la société et il existe une véritable attente du public pour que les aquariums et les parcs zoologiques garantissent le bien-être de leurs animaux. En interviewant Jérome Mourin, le conservateur et capacitaire de l’Aquarium de Lyon, nous avons voulu savoir quel était le rôle d’un aquarium dans la conservation des animaux et ce qui pouvait être mis en place pour mieux prendre en compte le bien-être des animaux aquatiques en captivité.

à retenir

La question des conditions de vie des animaux en captivité est une des préoccupations de la société et il existe une véritable attente du public pour que les aquariums et les parcs zoologiques garantissent le bien-être de leurs animaux. En interviewant Jérome Mourin, le conservateur et capacitaire de l’Aquarium de Lyon, nous avons voulu savoir quel était le rôle d’un aquarium dans la conservation des animaux et ce qui pouvait être mis en place pour mieux prendre en compte le bien-être des animaux aquatiques en captivité.

Présentation de Jérome Mourin et de l’Aquarium de Lyon

Quel a été votre parcours pour obtenir le certificat de capacité nécessaire à vos fonctions de conservateur de l’Aquarium?

Avez-vous souvent affaire à des propriétaires de chiens ayant recours aux colliers électriques ou étrangleurs ?

J’ai obtenu un baccalauréat scientifique puis j’ai validé un BTS d’aquaculture et une licence en biologie des organismes et des populations. J’ai aussi obtenu le diplôme DESTA (diplôme d’études supérieures en techniques aquacoles) sur 2 ans avec le Conservatoire national des arts et métiers (CNAM). Pour être capacitaire, il faut avoir des mois d’expérience et un certain niveau scolaire. En ce qui concerne mon domaine, 18 mois d’expérience sont nécessaires et il faut demander une liste d’espèces sur lesquelles travailler. Il faut faire un mémoire dans lequel on explique la procédure suivie pour mettre en captivité des animaux qui peuvent être issus d’élevage ou qui peuvent être sauvages, la façon dont on va s’y prendre pour gérer les programmes de conservation, pour sensibiliser le public, etc.

Combien de bassins avez-vous ?

Avez-vous souvent affaire à des propriétaires de chiens ayant recours aux colliers électriques ou étrangleurs ?

L’Aquarium de Lyon est composé de 38 bassins en présentation publique (1 million de litres) et environ 100 bassins en quarantaine (100 000 litres). Cette quarantaine permet de garder à l’écart, pendant un certain temps, des animaux arrivant à l’aquarium ou partant de l’aquarium. A savoir que le volume de la quarantaine dans un parc zoologique aquatique doit théoriquement représenter environ 10% du volume de présentation.

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Combien y a-t-il d’espèces au maximum dans un bassin ?

Avez-vous souvent affaire à des propriétaires de chiens ayant recours aux colliers électriques ou étrangleurs ?

l n’y a pas de règle, il peut y avoir seulement deux espèces comme beaucoup d’espèces. L’organisation des bassins est basée sur la reproduction des écosystèmes naturels.  L’observation du milieu naturel nous donne des informations sur les espèces qui cohabitent ensemble et leurs proportions, les sex ratio (rapport du nombre de mâles et de femelles d’une espèce à reproduction sexuée, ndlr), les décors, le type d’algues et de sable, la puissance lumineuse, etc.

Quels types d’espèces possédez-vous ?

Avez-vous souvent affaire à des propriétaires de chiens ayant recours aux colliers électriques ou étrangleurs ?

Dans notre aquarium, nous trouvons des bassins représentant la Nouvelle Calédonie, le Rhône, etc. Nous avons des poissons d’eau douce, d’eau de mer, des invertébrés et vertébrés, un amphibien (axolotl, Ambystoma mexicanum) et des tortues de Floride. Nous n’avons en revanche aucun mammifère. A savoir que l’Aquarium de Lyon est mandaté par la préfecture pour récupérer les tortues de Floride, classées EEE (espèce envahissante exotique) et dont la commercialisation est interdite en France.

D’où proviennent les différentes espèces ?

Avez-vous souvent affaire à des propriétaires de chiens ayant recours aux colliers électriques ou étrangleurs ?

Tous nos poissons d’eau douce sont issus de structures aquacoles, de même qu’une grande partie de nos poissons d’eau de mer (coraux, hippocampes, poissons clown). Quant à nos requins, ils proviennent de systèmes d’échange. Pour les poissons d’eau de mer tropicaux, il nous arrive encore de prélever quelques animaux dans le milieu naturel car leur cycle de reproduction n’est pas maîtrisé en captivité. En dehors de l’origine des poissons que nous présentons à l’aquarium, un enjeu important réside dans l’approvisionnement en proies vivantes pour nourrir les poissons présents dans les bassins. L’aquaculture classique nécessite deux proies vivantes pour nourrir les larves de poisson : les artémias et les rotifères dont les élevages sont maitrisés depuis des décennies. Cependant, pour les poissons d’aquariums type ange, anthias ou chirurgien par exemple, la larve de poisson est beaucoup plus petite donc les proies vivantes utilisées en aquaculture classique ne sont pas adaptées. Ces poissons ont besoin de copépodes, dont l’élevage est maitrisé seulement depuis 2-3 ans. L’enjeu est ainsi de parvenir à maîtriser des systèmes d’élevage au sein des parcs zoologiques qui permettraient de ne plus prélever les proies destinées aux poissons en milieu naturel. Ceci est le cas à l’Aquarium de Lyon depuis quelques mois avec la réussite du protocole d’élevage des anthias, ce qui in fine permettra de ne plus prélever en milieu naturel. Cette démarche de recherche et développement est un pilier au sein de l’Aquarium de Lyon.

Le bien-être à l’aquarium de Lyon

Existe-t-il des lois à respecter concernant le bien-être animal en aquarium ?

Oui, l’arrêté du 25 mars 2004 du Code de l’environnement cadre les parcs zoologiques (conditions de vie, alimentation…). De plus, en tant que capacitaire, je suis en droit de refuser une espèce si elle ne peut pas être accueillie dans de bonnes conditions. Je peux par exemple refuser à ma direction une espèce attractive pour le public mais non compatible avec les capacités de l’aquarium.  

Vous accueillez des animaux qui sont pour certains peu documentés : comment connaissez-vous leurs besoins ?

Nous manquons malheureusement parfois d’informations. Je fais partie de la Commission du Bien-Être Animal au sein de l’Union des Conservateurs d’Aquariums de France, le but étant d’établir des normes de bien-être, des « guidelines » pour les poissons. Cela va amener des contraintes mais la mise en place de telles normes est nécessaire. Il en existe actuellement pour les mammifères, les reptiles et les oiseaux mais pas encore pour les poissons car leur étude est plus difficile. Nous parvenons de fait mieux à étudier les mammifères qui sont plus proches de nous, les milieux air et eau étant totalement différents. De la sorte, il existe davantage de bibliographies scientifiques disponibles sur les mammifères. En tout cas, à l’Aquarium de Lyon, nous partageons toutes les informations et données que nous collectons. Je vais d’ailleurs présenter lors du congrès européen EUAC (European Union of Aquarium Curators) tout ce que nous avons entrepris pour la reproduction de notre requin léopard. 

Quels sont vos projets pour l’amélioration du bien-être de vos animaux ?

Nous avons enlevé notre grand requin de 3 mètres, Nebrius ferrugineus, qui vit ici depuis 12 ans, parce qu’il commence à être trop à l’étroit. Le choix de retirer cet animal pourtant emblématique de l’aquarium a été fait pour son bien-être en dépit de l’attrait financier qu’il représentait pour notre structure. On pourrait même parler d’un véritable sacrifice financier… Il a été placé en « gardiennage » dans un bassin de 240 m² dans un autre aquarium (au lieu de 55 m² actuellement) où il fera partie d’un programme de reproduction. De fait, il s’agit d’une espèce en danger, classée vulnérable sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN). Il souffre de la pêche non sélective (une pêche est dite « sélective » quand elle permet de ne pêcher que certaines espèces appelées « espèces cibles », ndlr). Ils ne sont d’ailleurs plus que quatre individus en captivité en Europe. Le requin est toutefois voué à revenir dans notre aquarium car nous sommes en train de construire un plus grand bassin de 220 m² pour nos requins. 

Avez-vous déjà renoncé à certaines espèces car leur présence dans votre aquarium ne permettrait pas de respecter leur bien-être ?

Mon certificat de capacité me permettant de présenter au public toutes les espèces, je peux importer tous les poissons et invertébrés d’eau douce et d’eau de mer, mais je ne fais pas n’importe quoi pour autant. Je renonce tout le temps à des espèces. Nous faisons en général deux tentatives d’introduction dans nos bassins. En effet, si la première se solde par la mort de l’animal nous considérons dans un premier temps que cela peut être dû à une fragilité de l’animal ou au transport. En revanche, si la deuxième tentative se conclut encore une fois par une mortalité, nous considérons que notre site n’est pas adapté pour accueillir cette espèce et nous arrêtons d’essayer. 

Existe-t-il des enrichissements dans les bassins ?

Non pas vraiment. Le meilleur enrichissement que nous puissions faire est de réaliser une copie conforme du milieu naturel dans lequel évolue l’animal, ce que nous nous efforçons de mettre en place. L’enrichissement peut parfois aider à manipuler un animal dangereux, mais ici à Lyon nous ne manipulons pas souvent nos animaux. Je préfère laisser faire et perturber le moins possible les animaux. Par ailleurs, les enrichissements peuvent créer ce qu’on appelle de la déviance captive. Il s’agit d’un comportement anormal par rapport à un comportement naturel. Par exemple, dans un bassin avec des distributeurs de granulés tous les poissons vont finir par se regrouper à cet endroit. Cela peut aussi entraîner de la compétition.

Comment contrôlez-vous au quotidien le bien-être animal de vos animaux ?

Nous regardons nos animaux 2 à 3 fois par jour. C’est grâce à cela que nous parvenons à connaître leurs comportements au fil du temps et à détecter les changements. Par exemple, nous regardons s’il y a des rallyes. Un rallye est une poursuite entre deux individus de même espèce ou non. Son observation peut nous donner des indications positives, concernant notamment un site de reproduction, mais aussi des indications négatives concernant les rapports interspécifique et intraspécifique. Nous faisons de la « psychologie animale » quelque part. Pour assurer leur bien-être il faut aussi maîtriser totalement les caractéristiques de l’espèce. Pour éviter trop de promiscuité entre les individus susceptibles d’augmenter les interactions agonistiques (agressivité, morsures, etc.), nous tâchons de réaliser de grands aquariums avec une densité faible en accord avec la densité du milieu naturelle. 

Comment sont réalisés les soins vétérinaires ?

En réalité, nous ne faisons quasiment jamais d’injection ou de geste chirurgical. Le vétérinaire référent vient uniquement quand cela est nécessaire. 

Vos animaux ont-ils une meilleure espérance de vie qu’en milieu sauvage ?

Très clairement oui ! Nos requins à pointes noires vivent 20 ans alors qu’ils présentent une espérance de vie de seulement 13 ans en milieu naturel. Les mener vers une mort naturelle après reproduction c’est réussir notre travail !

Comment faites-vous pour être le moins intrusif possible ?

Nous plongeons le minimum possible et évitons au maximum les manipulations. Par exemple pour les requins à pointes noires, nous avons travaillé pendant 3 ans à observer notre cheptel pour prévoir la mise bas grâce à la pleine lune. Ainsi, nous n’avons pas eu besoin de sortir de l’eau les femelles gestantes pour les échographier ce qui leur évite un stress considérable. Nous n’utilisons aucun produit chimique dans l’eau. Pour le transfert du requin qui a eu lieu récemment, nous ne l’avons pas anesthésié mais nous l’avons mis en catalepsie afin de trouver un compromis entre la sécurité des opérateurs et celle de l’animal

Comment la gestion du stress de vos animaux se passe-t-elle ?

Nous procédons à la suroxygénation des bassins car lorsqu’un poisson est stressé, il augmente ses besoins en oxygène. Cela permet également de pousser l’azote hors de l’eau.

Pour les poissons d’eau de mer qui vont être prélevés en milieu naturel, ils vont dans un premier temps en quarantaine où est reproduit un mini écosystème avec beaucoup de nourriture vivante pour faciliter leur acclimatation.

Forcément, il existe un stress des poissons induit par les visiteurs. Pour le limiter au maximum, ces derniers, particulièrement les enfants, sont sensibilisés dès l’entrée. Dans les bassins, tous les animaux peuvent se soustraire au public à l’aide de cachettes ou de mimétisme. Ceux qui ne peuvent pas se soustraire au public sont des poissons d’aquaculture familiarisés à l’humain et donc peu stressés en leur présence. 

A la fin de la visite de l’Aquarium de Lyon, se trouve un bassin tactile, pourquoi ne pas l’arrêter ?

Le problème de ce bassin tactile est législatif, l’Etat ne considère pas cela comme un spectacle donc c’est encore autorisé. Je milite pour qu’une loi les interdise afin d’imposer sa fermeture à mon directeur. J’ai quand même décidé de retirer 95% des animaux qui s’y trouvaient et j’ai laissé uniquement quelques poissons reproduits en captivité donc habitué à l’Homme.  

Les programmes de conservation

Avez-vous des programmes de conservation ?

Nos programmes de conservation nous ont permis sur les 24 derniers mois d’avoir 12 bébés requins léopards, 3 requins à pointe noire, 1 requin de Port-Jackson. Le ratio de mortalité des reproductions de requins léopard est de 50% à 1 an au niveau européen alors que chez nous avons eu 100% de survie sur nos 12 naissances. Ces requins ont été placés gratuitement un peu partout en France. A force d’alimenter le réseau par nos reproductions captives plus aucun parc zoologique aquatique n’aura besoin de prélever en milieu naturel et c’est ça l’objectif final : l’auto-suffisance !

Avez-vous déjà relâché des individus d’espèce protégée dans leur habitat naturel ?

Nous n’avons jamais relâché des individus dans leur habitat naturel, ce n’est pas le but de notre aquarium. Pour relâcher un animal il faut passer par une commission, car c’est très compliqué, on peut dérégler un écosystème et rendre l’introduction néfaste voire meurtrière pour les espèces locales ! Par exemple, lors de l’ouragan Katrina des animaleries et aquariums ont explosé et le poisson Lion s’est échappé dans une zone des Caraïbes alors qu’il ne vient pas du tout de cette région. Aux Caraïbes il n’a pas de prédateurs donc il est en train de ravager toutes les espèces. De plus, un lâché au mauvais endroit peut dérégler la souche génétique sauvage en place. 

Quelles sont les espèces aquatiques les plus en danger ?

Les requins sont très en danger, on observe en 20 ans une perte d’individus de 90%.  Le récif corallien est lui aussi extrêmement menacé, notamment à cause du blanchissement dû au réchauffement climatique. Or, la perte des récifs c’est la perte des poissons qui y vivent, c’est un écroulement en chaîne car les poissons sont des aliments qui font vivre les populations locales humaines. 

Avoir son propre aquarium à la maison

Quels conseils à donner pour les particuliers qui souhaiteraient avoir un aquarium chez eux ?

Avoir un aquarium à la maison représente un investissement de temps et d’argent. Ce n’est pas une décision à prendre sur un coup de tête. Il faut être bien renseigné, passionné, responsable et aimer ses poissons. L’aquarium récupère beaucoup de poissons de particuliers qui ne veulent plus s’en occuper, c’est un centre d’accueil mais qui ne peut pas toujours tout récupérer. 

Pour conclure, Mr MOURIN insiste sur le fait qu’il faut établir des normes pour le bien-être des animaux aquatiques, ce à quoi il travaille personnellement. Soulignons au passage le rôle éducatif important que représente l’Aquarium de Lyon qui reçoit plus de 20 000 scolaires par an. « Aujourd’hui, l’Aquarium de Lyon représente une véritable arche de Noé ». 

Et pour parler du bien-être des animaux aquatiques dans leur milieu naturel et les problématiques actuelles, vous trouverez ci-dessous des pages d’information complémentaires réalisées par l’Aquarium de Lyon sur la pêche aux ailerons et la pollution plastique marine :

https://www.aquariumlyon.fr/la-pollution-plastique/

https://www.aquariumlyon.fr/la-peche-aux-ailerons/

Article par Claire MISSANA et Garance TRINQUIER, étudiantes vétérinaires à VetAgroSup

Toutes les photos ont été prises à l’Aquarium de Lyon.

à retenir

CHIFFRE CLÉ

2-3

fréquence d’observation quotidienne des poissons à l’Aquarium de Lyon par les professionnels

Aujourd’hui, l’Aquarium de Lyon représente une véritable arche de Noé

JEROME MOURIN