FAUX
Le cheval a la particularité de pouvoir se reposer en partie debout. En revanche, le sommeil paradoxal, indispensable à sa santé et son bien-être, ne peut survenir que s’il est couché de tout son long !
à retenir
- Le cheval peut se reposer debout et couché, en décubitus sternal et latéral.
- Debout, la somnolence est prédominante.
- Le sommeil intervient majoritairement en position couchée.
- Le sommeil est composé de cycles, consécutifs ou non. Un cycle de sommeil débute par une phase de sommeil profond. La seconde phase du cycle, le sommeil paradoxal, ne survient qu’en décubitus latéral.
- Le cheval ne dort pas 4h consécutives : 5 à 7 sessions sont réparties sur 24h, avec une préférence pour la nuit.
Nous l’avions vu dans une précédente idée reçue, chez le cheval en conditions naturelles, le repos constitue la seconde activité la plus représentée à l’échelle d’une journée. Le cheval y consacre ainsi 25% de son temps, soit un total de 6h environ par 24h[1][2][3][4].
Lorsqu’il se repose, le cheval peut être[5][6] :
- Debout (15 à 21% du budget-temps). Plusieurs indices permettent de différencier un cheval debout qui se repose d’un cheval debout qui observe : les yeux mi-clos, l’encolure proche de l’horizontale, les muscles détendus à l’image de la lèvre inférieure pendante, et les oreilles orientées plutôt sur les côtés ou vers l’arrière (mais non plaquées). Autre signe important caractéristique du repos debout : un des membres postérieurs peut être fléchi. Le sabot ne touche alors plus le sol que via sa pointe.
- Couché en position de décubitus sternal (6 à 10% du budget-temps) sur son ventre et son sternum, ses membres repliés sous lui. L’encolure et la tête présentent les mêmes caractéristiques que lors du repos debout. Parfois la tête touche le sol. On dit aussi que le cheval est couché « en vache ».
Couché en position de décubitus latéral (1 à 4% du budget-temps) : le cheval est étendu de tout son long sur le flanc. Il ne présente plus aucune tonicité musculaire.
Le temps passé dans chacune de ces postures est influencé par de nombreux facteurs[8][9] : le type d’hébergement (qui peut favoriser le repos « forcé » en cas d’ennui par exemple), l’alimentation, la nature du sol, la surface disponible, la météo, l’âge (les poulains se reposent d’avantage que les adultes), le sexe, le rang hiérarchique ou encore le degré de familiarité avec l’environnement. Ainsi, un cheval stressé privilégiera le repos debout au repos couché.
Le saviez-vous ?
Le cheval peut se reposer sur trois membres, pratiquement sans effort, grâce à une particularité anatomique appelée stay apparatus. Il s’agit d’un ensemble de muscles, ligaments et tendons qui lui permettent de « verrouiller » la rotule de son membre postérieur, empêchant ainsi la flexion des articulations de la jambe (grasset et jarret)[7] opposée à celle qui est fléchie. Le cheval alterne et repose ainsi tantôt le postérieur gauche, tantôt le droit.
Au total, que ce soit en décubitus sternal ou latéral, les études estiment que le temps passé au repos couché est compris entre 30 min et 2h par 24h. Pourtant, le cheval ne reste jamais couché très longtemps, une vingtaine de minutes consécutives en moyenne[6], et ce pour deux raisons. La première a trait à son statut de proie : prendre la fuite en cas de danger alors qu’il est ainsi couché au sol est plus long que lorsqu’il est debout, prêt à fuir. Au sein des groupes de chevaux en conditions naturelles, les chevaux se relaient ainsi pour assurer la vigilance des membres du groupe qui se reposent couchés[9][10]. La seconde raison est liée à la masse importante du cheval qui, en position couchée prolongée, induit une compression des organes internes et peut ainsi générer des désordres circulatoires, respiratoires, etc. [6][9]
Malgré cela, nous venons de voir que, sauf en cas de maladie, d’affection, ou d’environnement trop stressant[11], les chevaux se couchent malgré tout au moins une fois au cours de la journée. Cela s’explique par le fait que ces trois postures ne permettent pas le même niveau de repos.
Le repos dans tous ses états
Somnolence
La somnolence est un état intermédiaire entre l’éveil et le sommeil. Elle survient majoritairement lors du repos debout mais intervient également lorsque le cheval est couché, en décubitus sternal et latéral, avant de tomber dans le sommeil. Le cheval reste partiellement alerte à ce qui se passe autour de lui : la somnolence peut donc être entrecoupée de phases d’éveil. Cet état représenterait un tiers du temps quotidien (6h) du cheval consacré au repos, soit environ 2h. La somnolence à elle seule n’est pas suffisante pour garantir un repos efficace du cheval.
Sommeil
Le sommeil fait lui référence à un niveau de sensibilité à l’environnement inférieur. On dit que le cheval dort. Le sommeil intervient sous forme de cycles, d’une durée de 15 minutes en moyenne, chaque cycle comportant deux phases :
- La phase de sommeil profond, à ondes cérébrales lentes, survient la première. Elle peut se produire en position debout ou couchée (décubitus sternal et latéral). La durée moyenne de cette phase est estimée à 6 min. C’est la seule forme de sommeil qui peut intervenir lorsque le cheval est debout car un léger tonus musculaire est conservé au cours de cette phase. A ce stade, le cheval est 10 fois moins réactif à son environnement qu’en phase de somnolence. Une phase de sommeil profond précède chaque phase de sommeil paradoxal.
- La seconde phase est le sommeil paradoxal. Il s’agit de la phase où le cheval est le moins réactif à son environnement. Sa durée moyenne est estimée à 4 min. C’est au cours du sommeil paradoxal que sont consolidés les apprentissages. Il n’est possible que lorsque le cheval est couché, en décubitus latéral !
Le saviez-vous ?
Le sommeil paradoxal est appelé ainsi car il caractérisé par une absence totale de tonus musculaire et, par le même temps, une intense activité cérébrale comparable à celle de la phase d’éveil ! On peut notamment observer des mouvements involontaires des yeux mais aussi des membres, des oreilles et des muscles faciaux ce qui lui vaut en anglais le nom de « REM (Rapid Eye Movement) sleep ». C’est au cours de cette phase du sommeil que surviennent les rêves chez l’humain.
Au total, le sommeil paradoxal représente moins d’une heure par jour[12]. Pourtant, son expression est primordiale pour le cheval : elle ne peut être compensée par d’autres formes de repos, ni même du sommeil profond à ondes lentes. Ainsi, si le cheval est dans l’impossibilité de se coucher pendant une période donnée, on observera à la suite de cette période de privation une surexpression du sommeil paradoxal en position couchée latérale[8]. Ce phénomène, valable pour de nombreux comportements, est appelé « effet rebond ».
Répartition des cycles de sommeil
Le sommeil intervient majoritairement la nuit, entre 20h et 5h du matin, mais aussi en journée, souvent entre 12h et 14h[8]. Le cheval effectue alors plusieurs cycles de sommeil (une phase de sommeil profond puis une phase de sommeil paradoxal) qui peuvent s’enchaîner directement ou être séparés par une phase de somnolence alors appelée « phase intermédiaire ». Comme nous ?! Pas tout à fait !
A la différence de l’humain – et comme toutes les proies – le cheval segmente son sommeil en plusieurs sessions : les 6h quotidiennes consacrées au sommeil ne sont donc pas consécutives. Chaque session de sommeil, au cours de laquelle peuvent se succéder plusieurs cycles, dure en moyenne de 30 à 40 min. On en compte environ 5 à 7 sur 24h[8], entrecoupées de phases de réveil où le cheval se relève et se consacre à d’autres activités.
Conclusion
Nombreux sont les propriétaires de chevaux qui affirment que leur cheval ne se couche jamais. S’ils n’observent pas directement le cheval en position couchée, certains indices peuvent être utiles : les saletés sur le corps et surtout dans les crins de la queue : brins de paille, feuilles, tiges, etc.
Nous venons de le voir, si le cheval se couche peu, et souvent à l’abri des regards, cela lui est indispensable pour dormir profondément (sommeil profond et paradoxal) et donc se reposer efficacement. Il convient donc d’aménager au mieux un lieu de vie propice à l’expression de ce comportement : lieu calme, groupe stable, surface sèche, confortable et surtout suffisante. Dans le cadre d’un hébergement collectif, les chevaux pouvant se déranger les uns les autres, il ne faut pas prendre comme référence la surface d’un box individuel par cheval et il est recommandé de doubler cette surface pour garantir un repos efficace de tous les individus[14].
La nuit, lorsqu’il ne dort pas, le cheval en conditions naturelles s’alimente ! Un point à prendre en compte dans la gestion des chevaux : s’il nous est déconseillé de nous lever la nuit pour grignoter, cela n’est pas vrai pour le cheval qui doit pouvoir grignoter tout au long de la journée et de la nuit.
Pour résumer
Merci à Hélène Roche, éthologiste et vulgarisatrice scientifique, pour sa relecture attentive.
[1] Duncan, P., Time-Budgets of Camargue Horses Ii. Time-Budgets of Adult Horses and Weaned Sub-Adults. Behaviour 72, 26–48 (1980).
[2] Boyd, L. E., Time budgets of adult Przewalski horses: Effects of sex, reproductive status and enclosure. Appl. Anim. Behav. Sci. 21, 19–39 (1988).
[3] Boyd, L. E., Carbonaro, D. A. & Houpt, K. A., The 24-hour time budget of Przewalski horses. Appl. Anim. Behav. Sci. 21, 5–17 (1988).
[4] Kaseda, Y., Seasonal Changes in Time Spent Grazing and Resting of Misaki Horses. Jpn. J. Zootech. Sci., 464–469 (1983).
[5] Institut français du cheval et de l’équitation. Bien Dans Son Corps, Bien Dans Sa Tête : Qu’est-Ce Que Le Bien-Être Du Cheval ? (Editions Ifce, 2017).
[6] Waring, G., Horse Behaviour. (2003).
[7] van Weeren, P. R., Jansen, M. O., van den Bogert, A. J. & Barneveld, A. A kinematic and strain gauge study of the reciprocal apparatus in the equine hind limb. J. Biomech. 25, 1291–1301 (1992).
[8] Dallaire, A., Rest Behavior. Vet. Clin. North Am. Equine Pract. 2, 591–607 (1986).
[9] McGreevy, P., Equine Behavior, A Guide for Veterinarians and Equine Scientists. (Editions Saunders Elsevier, 2012).
[10] Roche, H. Comportements et Postures. (Vigot, 2019).
[11] Bachmann, I., Pourquoi ne veux-tu pas dormir ? Mag. Agroscope n°234, 22–23 (2021).
[12] Ruckebusch, Y., The relevance of drowsiness in the circadian cycle of farm animals. Anim. Behav. 20, 637–643 (1972).
[13] McDonnell, S. M., Understanding Horse Behaviour. (The Blood-Horse, Inc., 1999).
[14] Kjellberg, L., Sassner, H. & Yngvesson, J., Horses’ resting behaviour in shelters of varying size compared with single boxes. Appl. Anim. Behav. Sci. 254, 105715 (2022).
à retenir
- Le cheval peut se reposer debout et couché, en décubitus sternal et latéral.
- Debout, la somnolence est prédominante.
- Le sommeil intervient majoritairement en position couchée.
- Le sommeil est composé de cycles, consécutifs ou non. Un cycle de sommeil débute par une phase de sommeil profond. La seconde phase du cycle, le sommeil paradoxal, ne survient qu’en décubitus latéral.
- Le cheval ne dort pas 4h consécutives : 5 à 7 sessions sont réparties sur 24h, avec une préférence pour la nuit.
CHIFFRE CLÉ
Le cheval consacre en moyenne 6h/j au repos : 2h de somnolence et 4h de sommeil.