
Probablement vrai !
Il a longtemps été admis que les crustacés, dépourvus d’un système nerveux organisé comme le nôtre, ne ressentaient pas la douleur. Pourtant, des études scientifiques récentes remettent cette idée en question. Bien que les preuves ne soient pas encore suffisantes, ces études suggèrent que certains crustacés pourraient avoir des réponses comportementales et émotionnelles comparables à la douleur. Les recherches se poursuivent pour confirmer cette hypothèse et affiner notre compréhension de ces animaux.
à retenir
- Les Français consomment de nombreux crustacés (crevettes, crabes, langoustes, homards, etc.), majoritairement importés de l’étranger.
- À ce jour, il n’existe pas de recommandations précises concernant les méthodes d’abattage des crustacés.
- L’asphyxie à l’air libre, l’ébullition, l’électrocution ou le démembrement sont quelques exemples des techniques employées.
- Certaines études suggèrent que les crustacés peuvent présenter des signes compatibles avec la douleur, avec des niveaux de preuve variables selon les espèces.
Les fêtes de fin d’années sont parfois l’occasion de déguster des crustacés sous toutes les formes : vivants, frais, surgelés, cuits, décortiqués, … mais souvent, les méthodes d’abattage restent méconnues du grand public. Il n’existe pas de réglementation européenne uniforme, imposant une méthode spécifique pour les tuer à la maison ou en restauration.
Longtemps limitée aux mammifères et aux oiseaux, la réflexion sur le bien-être animal s’étend désormais à d’autres espèces, comme les insectes[1], les céphalopodes (poulpes, calmars) ou encore les crustacés décapodes (homards, crabes, crevettes). Bien que certaines réglementations protègent déjà les céphalopodes, cette prise de conscience croissante invite à interroger nos pratiques vis-à-vis des crustacés décapodes.

Le saviez-vous ?
Les vertébrés sont les animaux possédant une colonne vertébrale et des os soutenant leur corps, comme les mammifères, les oiseaux, les poissons ou les reptiles. Les invertébrés sont les animaux ne possédant pas de colonne vertébrale et d’os en général, comme les crustacés, les mollusques ou encore les insectes mais certains d’entre eux ont une structure de soutien externe comme les carapaces des crustacés.
Pourquoi s'intéresser aux crustacés ?
Pourquoi s’intéresser aux crustacés décapodes ?
Les Français consomment en moyenne 30,8 kg de produits de la mer par an, dont 27 % de coquillages et de crustacés issus de la pêche et de l’élevage[2]. Pendant les fêtes de fin d’année, cette consommation explose : par exemple, la consommation française de tourteaux est d’environ 100 tonnes par mois en moyenne sur l’année 2024, mais atteint environ 450 tonnes en décembre. Les crevettes réfrigérées cuites suivent la même tendance : la consommation mensuelle moyenne est d’environ 1 000 tonnes par mois sur l’année 2024, contre environ 2 000 tonnes en moyenne en décembre[3].
Principales espèces de crustacés consommés
Les principales espèces de crustacés consommées par les Français
En France, la majorité des crustacés consommés provient de pays étrangers (Royaume-Uni, Chine, Equateur, …), qu’ils soient pêchés ou issus d’élevages[4], [5].
L’araignée de mer (Maja brachydactyla, Maja squinado) est le crustacé frais le plus apprécié par les Français, suivie de la crevette (Penaeus vannamei, Penaeus monodon). La langoustine (Nephrops norvegicus) arrive en 3e, et le tourteau (Cancer pagurus) en 4e position[6].
Les crustacés décapodes
Qui sont les crustacés décapodes ?
Les crustacés sont des animaux invertébrés appartenant à la grande famille des arthropodes (comme les insectes et les araignées). Leur corps est protégé par une carapace plus ou moins dure, et ils possèdent des pattes articulées et deux paires d’antennes. Ils peuvent vivre en mer, en eau douce ou sur terre[7]. Les « décapodes » (du grec « deka » pour dix et « podos » pour pieds) regroupent des espèces que nous consommons comme les crevettes, les homards, les écrevisses, les crabes, … Parmi les 15 000 espèces de décapodes connues[8], de nombreuses sont consommées dans le monde entier.
Quelques exemples de décapodes[9]

Les crevettes sont pêchées (Palaemon serratus) ou élevées (Penaeus vannamei) dans le monde entier. Depuis les années 1980, c’est principalement l’élevage qui s’est développé au détriment de la pêche, notamment en Amérique (Equateur, Brésil) et en Asie (Inde, Vietnam, Chine), d’où provient la majorité des crevettes consommées en France.

Le saviez-vous ?
La crevette rose (Palaemon serratus) et la crevette grise (Crangon crangon) sont toutes les deux des espèces sauvages. Elles ne doivent pas être confondues avec la crevette à pattes blanches (Penaeus vannamei), principale espèce consommée par les Français, ni avec la crevette géante tigrée (Penaeus monodon) ; ces deux dernières étant principalement élevées.

Très prisées, les langoustes sont produites dans différentes régions du monde : la langouste des Caraïbes (Panulirus argus) dans l’Atlantique Ouest, ainsi que la langouste rouge (Palinurus elephas) et la langouste rose (Palinurus mauritanicus) en Europe. La majorité des langoustes consommées en France est importée directement de ces régions de production.

La langoustine (Nephrops norvegicus), principalement pêchée en Atlantique Nord-Est par le Royaume-Uni, est très appréciée en France. La grande partie de la consommation française provient de cette zone de pêche.

Le homard se décline en deux espèces principales : le homard européen (Homarus gammarus), pêché surtout au Royaume-Uni et en France, et le homard américain (Homarus americanus), dont la France importe une grande partie depuis le Canada, principal producteur mondial.

Les écrevisses sont majoritairement issues de l’élevage, en particulier l’écrevisse rouge de Louisiane (Procambarus clarkii), largement produite en Chine et aux Etats-Unis, pays dont provient l’essentiel des écrevisses consommées en France.
Enfin, la France élève quelques écrevisses (principalement Astacus leptodactylus). Les conditions d’élevage sont strictement encadrées depuis une épidémie survenue à la fin du XIXe siècle, causée par l’introduction d’espèces d’écrevisses exotiques porteuses d’un champignon. Ces réglementations peuvent aller jusqu’à l’interdiction dans certains départements. Des programmes sont également en cours pour permettre la réintroduction des espèces en danger comme Astacus astacus.

La France consomme du tourteau (Cancer pagurus) pêché principalement en Atlantique Nord-Est, surtout par le Royaume-Uni.

La France est en revanche le premier pays pêcheur de l’araignée de mer (Maja brachydactyla, Maja squinado) en Atlantique Nord-Est et alimente sa propre consommation.

Le crabe royal (Paralithodes camtschaticus), originaire du Pacifique Nord, a été introduit dans l’Atlantique Nord dans les années 1960. Il est aujourd’hui pêché principalement par la Russie. La majorité du crabe royal consommé par les Français provient de cette région. Considérée comme une espèce envahissante dans les régions de l’Atlantique où elle a été introduite, son implantation y est strictement réglementée en raison des risques qu’elle fait peser sur les écosystèmes locaux.
Attention, le crabe royal (Anomura) se rapproche plus des bernard l’hermites que des crabes (Brachyura) car il ne possède que 4 paires pattes, contre 5 chez le crabe.
Quelle est la différence entre ces espèces ?[10] 📌
Méthodes d'abattage
Les différentes méthodes existantes pour l’abattage des crustacés
À ce jour, il n’existe pas de recommandations précises au niveau de la réglementation européenne concernant les méthodes d’abattage des crustacés. Plusieurs techniques sont connues, mais leur utilisation peut être différente selon l’espèce, le mode de production (élevage ou pêche), le pays d’origine et les opérateurs réalisant l’abattage.
En effet, l’abattage peut être réalisé par des pêcheurs, des éleveurs, des vendeurs, des restaurateurs ou des particuliers. Il reste difficile de connaître les pratiques réellement employées et d’établir un état des lieux fiable, en France comme à l’international.
Chez les vertébrés, les processus de mise à mort sont bien documentés et strictement encadrés par la législation : le passage de la conscience à l’inconscience doit être le plus rapide possible et la mise à mort doit intervenir, sauf en cas de dérogation[11] lorsque l’animal est inconscient. Chez les crustacés, cette approche est bien plus complexe car les mécanismes liés à la douleur, à la conscience, et à l’inconscience ne sont pas établis.
Les crustacés possèdent un système nerveux centralisé organisé différemment de ceux des mammifères. Les crustacés possèdent une chaine nerveuse ventrale de ganglions répartis sur le long de leur corps, par analogie avec la moelle épinière chez l’humain et un ganglion cérébroïde faisant référence au cerveau des vertébrés.
Les crustacés ne possèdent pas la complexité d’organisation du système nerveux humain ni la richesse des fonctions cognitives qui lui sont associées. Cependant certaines de ces fonctions comme la perception ou encore l’apprentissage sont connues pour être localisées dans ces ganglions cérébroïdes. Ces différences anatomiques sont à prendre en compte dans l’adaptation des méthodes d’abattage.
Voici une présentation non exhaustive des techniques d’abattage existantes, sans hiérarchie ni classement par ordre de fréquence ou d’utilisation[12].
Une étude menée en 2024[13] a montré que certaines méthodes d’abattage utilisées pour les crustacés (l’ébullition, l’électrocution ou les techniques mécaniques) n’ont pas la même efficacité selon les espèces et leur taille.
Par exemple, pour les petites espèces comme les crevettes, l’ébullition peut être aussi rapide que l’électrocution. En revanche, pour des animaux plus volumineux, comme les homards ou les crabes, atteindre une température mortelle nécessite davantage de temps en raison de leur masse corporelle plus importante. Ces résultats soulignent que chaque espèce présente des particularités physiologiques et qu’il n’est pas possible d’appliquer une méthode unique à l’ensemble des crustacés : les pratiques doivent être adaptées au cas par cas.

Le saviez-vous ?
Un appareil a été mis sur le marché au Royaume-Uni au début des années 2000 dans le but d’étourdir certains crustacés destinés à la consommation (crabes, écrevisses, homards, langoustines, langoustes) grâce à une impulsion électrique de quelques secondes. Il est actuellement utilisé par certains restaurants, poissonneries et transformateurs, principalement au Royaume-Uni, mais plus rarement en Europe continentale.
Peut-on parler de douleur ?
Peut-on parler de douleur chez les crustacés ?
La douleur est bien plus qu’une simple réaction physique. Selon l’International Association for the Study of Pain, il s’agit d’une « expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée ou ressemblant à celle liée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle ». Cette expérience implique une forme de conscience subjective.
Attention, il ne faut pas la confondre avec la nociception, un mécanisme neural sensoriel qui code un stimulus nocif et le transmet au système nerveux central. Un organisme peut avoir de la nociception sans en avoir un ressenti conscient et exprimer une réponse comportementale reflexe, ou au contraire en avoir une expérience consciente et donc ressentir de la douleur.
Chez les vertébrés, la capacité à ressentir la douleur est largement reconnue[14]. Chez les invertébrés, les preuves sont plus récentes et encore parfois sujettes à débat.
Depuis 2005, l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) reconnaît que certains crustacés décapodes sont capables de ressentir de la douleur et de la détresse.
En 2021, une étude menée par Jonathan Birch et son équipe de la London School of Economics[15] a évalué la capacité des céphalopodes et des crustacés décapodes à ressentir la douleur, en s’appuyant sur 8 critères scientifiques. Cette étude se base sur l’analyse des données de plus de 300 études.
Les résultats (voir Tableau ci-dessous) suggèrent que ces animaux présentent des signes compatibles avec la douleur, bien que les niveaux de preuve varient selon les espèces (plus le nombre de critères validés pour un groupe est élevé, plus le niveau de preuve de sa capacité à ressentir la douleur est jugé élevé).
L’animal est capable de détecter un stimulus nocif via des récepteurs spécialisés avec ou sans expérience conscience de douleur.
L’animal possède des centres nerveux capables d’intégrer les informations provenant de différentes sources sensorielles (vue, toucher, etc.) pour réagir à son environnement.
L’animal possède des circuits nerveux reliant les nocicepteurs (récepteurs des stimuli nocifs) à des centres nerveux supérieurs, permettant une réponse coordonnée et modulable (pas seulement réflexe).
L’animal réagit aux analgésiques ; son comportement change lorsqu’ils lui sont administrés, ce qui suggère qu’il ressent la douleur et qu’il ne s’agit pas seulement d’un réflexe automatique.
L’animal peut « choisir » entre éviter une source de douleur ou l’accepter pour obtenir quelque chose d’important. Il peut tolérer une situation désagréable si une récompense importante est accessible (nourriture, abri), ou au contraire l’éviter si le « coût » est trop élevé. Cette flexibilité comportementale indique un traitement de l’information qui va au-delà du simple réflexe.
L’animal adopte des comportements pour se protéger ou soulager une douleur (par exemple, soins des plaies, garde, toilettage, frottement).
L’animal associe un stimulus douloureux face à une situation ou un objet neutre, et apprend à l’éviter, au-delà de la simple réaction de réflexe.
Lorsqu’il est blessé, l’animal peut activement chercher des substances ou des situations qui soulagent sa douleur (par exemple en choisissant un endroit où un analgésique est disponible, même au détriment d’autres besoins comme la nourriture).
Il convient de souligner que l’absence de preuve scientifique sur certains critères testés ne permet pas de conclure à une absence de réponse de la part de ces animaux. Dans de nombreux cas, cela s’explique par un manque d’études ou de recherches approfondies sur le sujet.
Pour illustrer les critères n°1, 2, 3 et 6, une étude récente (2024)[16] a montré les effets d’un produit chimique nocif, l’hydroxyde de sodium, appliqué sur le pédoncule oculaire d’une crevette (Palaemon elegans). L’animal réagi immédiatement par un mouvement de fuite (mouvement de la queue), suivi d’un comportement de toilettage ciblé (mordillement et de picage avec les pinces) sur le pédoncule traité. L’observation de ce comportement a été beaucoup moins marqué sur l’autre pédoncule.
Cette étude montre que les réactions observées sont compatibles avec l’idée d’une sensibilité à la douleur chez les crustacés décapodes.
Etudes des effets de l’immersion dans l’eau bouillante et de l’étourdissement électrique sur le comportement des crustacés
Une étude de 2019[17] portant sur l’écrevisse rouge de Louisiane (Procambarus clarkii) a observé que, lors d’une montée en température progressive, les écrevisses tentaient de fuir lorsque l’eau atteignait 36 à 38 °C. Ce comportement suggère qu’elles réagissent à un stimulus nocif. Au-delà de cette température, le rythme cardiaque et les ganglions des écrevisses fonctionnent de moins en moins, ce qui peut suggérer une paralysie temporaire. Si l’eau atteint au moins 44 °C pendant deux minutes, les connexions entre les ganglions ne se rétablissent plus, même après un refroidissement rapide.
Les résultats indiquent qu’un chauffage lent de l’eau prolonge le stress chez les crustacés. Lorsque la montée en température est très rapide, l’arrêt cardiaque survient en moyenne en 8,5 secondes, ce qui traduit une réaction physiologique immédiate à la chaleur. Ce temps est le temps minimum trouvé dans cette étude pour mettre à mort une écrevisse tout en réduisant sa durée d’exposition à la chaleur.
Par principe de précaution, et en l’absence de connaissances établies sur les mécanismes de la douleur, de la conscience et de l’inconscience chez les crustacés, cette étude recommande de privilégier des méthodes qui réduisent au maximum la durée d’exposition à des stimuli nocifs susceptibles de causer de la douleur.
Plus récemment, en 2025[18], une étude, encore en processus de relecture, sur le homard américain (Homarus americanus) a évalué les effets de l’étourdissement électrique.
Les chercheurs ont observé que les homards soumis à un étourdissement de 10 secondes mettaient plus de temps à se redresser que ceux étourdis à 5 secondes et montraient une activité accrue pendant la phase de récupération. Ces réactions s’accompagnent d’une perturbation de leur métabolisme dans les deux cas. L’étude souligne également que l’étourdissement est réversible : il nécessite donc un abattage rapide après son application, idéalement entre 10 et 40 minutes.
Cette étude questionne sur l’importance de mieux comprendre la réversibilité de l’étourdissement. Elle insiste sur la nécessité de définir clairement des indicateurs fiables pour identifier le moment où l’animal est réellement inconscient, afin que la mise à mort puisse être réalisée au bon moment et tout en réduisant au maximum la durée d’exposition à des stimuli nocifs.
Cadre législatif et évolutions
Cadre législatif et évolutions
En Europe, la reconnaissance de la sensibilité des crustacés est la suivante :
- Le traité de Lisbonne (2007) a reconnu tous les animaux comme des « êtres sensibles » mais les directives européennes sur la protection des animaux d’élevage (98/58/CE) ou la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques (2010/63/UE) excluent les crustacés élevés à des fins de consommation.
- Le règlement européen (CE) n° 1099/2009, qui encadre la protection des animaux au moment de l’abattage, les exclut également, « en raison de l’absence de preuves scientifiques sur leur capacité à ressentir la douleur ».
Certains pays ont néanmoins pris des mesures pour protéger les décapodes[19] :
- La Nouvelle-Zélande offre un exemple pionnier : depuis 1999, l’Animal Welfare Act reconnaît officiellement les crustacés décapodes comme des êtres sensibles, capables de ressentir la douleur. Cependant, cette reconnaissance ne s’accompagne pas de règles précises pour leur abattage. Les pratiques restent encadrées par des principes généraux (interdiction de cruauté, devoir de soin), mais sans protocole obligatoire.
- La Suisse, dont l’ordonnance du 23 avril 2008 sur la protection des animaux mentionne explicitement les décapodes marcheurs. Certaines dispositions encadrent les conditions d’abattage des homards, langoustes et crabes, en autorisant par exemple le bain glacé ou l’étourdissement électrique.
- Le Royaume-Uni constitue un exemple proche de celui de la Nouvelle-Zélande : la loi de 2022 sur le bien-être animal (Animal Welfare Sentience Act) reconnaît les décapodes comme des êtres sensibles, sans pour autant imposer de mesures spécifiques pour leur abattage.

Le saviez-vous ?
Plusieurs associations et projets œuvrent pour améliorer le bien-être des crustacés à différentes échelles :
• Crustacean compassion (Royaume-Uni) ou encore Rethink priorities (États-Unis) militent pour une meilleure protection légale des crustacés dans le monde et une évolution des pratiques d’élevage et d’abattage.
• The Shrimp Welfare Project (international) travaille avec les producteurs et les industriels de crevettes, principalement en Asie et en Amérique latine, pour améliorer les pratiques d’élevage, de récolte et d’abattage de ces crustacés.
Vers une évolution européenne ?
En 2024, la création du Centre de référence de l’UE pour le bien-être des animaux aquatiques (European Union Reference Centre for Animal Welfare – EURCAW – Aqua) a marqué une étape importante sur la reconnaissance de la sensibilité des espèces aquatiques. Ce centre concentre ses travaux sur l’ensemble de la chaîne de production, de l’élevage à l’abattage en passant par le transport, et vise à promouvoir l’expertise scientifique et technique sur le bien-être des animaux aquatiques. A terme, l’un de ses rôles consiste à faire évoluer la réglementation européenne sur les crustacés.
Conclusion
Les recherches récentes suggèrent que les crustacés pourraient ressentir la douleur, mais les preuves restent incomplètes et ne permettent pas encore de se positionner avec certitude[20]. Dans un contexte où leur consommation est élevée et leurs méthodes d’abattage encore peu encadrées, cette question soulève des enjeux scientifiques et pratiques importants. Les études montrent que les réactions à la chaleur varient selon les espèces, ce qui rend difficile l’application d’une méthode unique. En attendant des connaissances plus solides et un cadre européen clair, le principe de précaution reste recommandé. La question « Les crustacés ressentent-ils la douleur lorsqu’on les plonge vivants dans l’eau bouillante ? » reste donc ouverte et certainement largement dépendante des espèces étudiées.
Pour résumer
Merci à Julien Bacqué-Cazenave, maitre de conférences et membre du laboratoire Ethologie Animale et Humaine (EthoS) à l’Université de Caen et Lola Reverchon-Billot, éthologue et chargée de mission en bien-être animal au sein du bureau d’étude Bankiva pour leur relecture de l’article.
- Actuellement, des études menées à l’Université de Caen et financé par l’agence nationale de la recherche s’intéressent aux bien-être de ces crustacés. L’équipe de recherche vise à déterminer l’impact d’un stress répété sur les comportements et le système nerveux de ces animaux. https://anr.fr/Projet-ANR-23-CE37-0003
- Des études d’apprentissage associatif notamment en lien avec la prise d’opioïde. La morphine n’est pas utilisée comme anti-douleur mais comme récompense (en cours de relecture : Crayfish Learning: Addiction and the Ganglionic Brain 2018. Moira J. van Staaden & Robert Huber –https://doi.org/10.1007/s40614-018-00181-z)
- Des études en cours en sur les crevettes à pattes blanches mettent en évidence que des stimuli nocifs entrainent des changements comportementaux, qui ne s’expriment pas lorsqu’un analgésique leurs est administré. Des activités cérébrales caractéristiques de ces stimuli nocifs sont également enregistrées dans le cerveau de ces crevettes : https://bankiva.fr/wp-content/uploads/2025/06/Poster_SFECA_Bugeat_Marie.pdf
- Site internet sur la formation / sensibilisation au bien-être des crevettes : https://www.camaronescare.com/
- Premiers pas vers de nouveaux indicateurs d’inconscience lors de la récolte de crevettes en élevage ? https://bankiva.fr/wp-content/uploads/2025/07/poster_inconscious_shrimp_EN.pdf
[1] La Chaire BEA a rédigé une idée reçue « Les insectes sont-ils capables de ressentir de la douleur et des émotions ? VRAI ou FAUX ? » à ce sujet l’année dernière.
[2] Gutton, Martin. 2025. « Chiffres-clés des filières pêche et aquaculture en France en 2024 ». FranceAgriMer.
[3] Gutton, Martin. 2025. « Consommation des produits de la pêche et de l’aquaculture – 2024 ». FranceAgriMer.
[4] Agreste, 2024. « Pêche et aquaculture. Commerce extérieur de la France ».
[5] Agreste. 2024. « Pêche et aquaculture. Aquaculture ».
[6] Gutton, Martin. 2025. « Consommation des produits de la pêche et de l’aquaculture – 2024 ». FranceAgriMer.
[8] De Vienne, DM. 2016. Lifemap: Exploring the Entire Tree of Life. PLOS Biology 14(12): e2001624. doi: 10.1371/journal.pbio.2001624
[9] Ethic Ocean. 2024. « Guide des espèces à l’usage professionnels »
[10] Données d’Observations pour la Reconnaissance et l’Identification de la faune et la flore Subaquatique. https://doris.ffessm.fr/.
[11] Décret n° 2011-2006 du 28 décembre 2011 fixant les conditions d’autorisation des établissements d’abattage à déroger à l’obligation d’étourdissement des animaux
[12] Crustacean Compassion. 2023. « Code of Practice for the Welfare of Decapod Crustaceans in the Food Chain: from Capture to Killing ».
[13] Lauridsen, Henrik, et Aage Kristian Olsen Alstrup. 2024. « Boiling Time to Estimated Stunning and Death of Decapod Crustaceans of Different Sizes and Shapes ». Animals 14 (22): 3277. https://doi.org/10.3390/ani14223277.
[14] Neindre, Pierre Le. 2009. « Douleurs animales : les identifier, les comprendre, les limiter chez les animaux d’élevage – Synthèse ».
[15] Birch Jonathan, Charlotte Burn, Alexandra Schnell, Heather Browning, et Andrew Crimp. 2021. « Review of the Evidence of Sentience in Cephalopod Molluscs and Decapod Crustaceans ». The London School of Economics and Political Science 31 (1): 155-56.
[16] Barr, Stuart, et Robert W. Elwood. 2024. « The Effects of Caustic Soda and Benzocaine on Directed Grooming to the Eyestalk in the Glass Prawn, Palaemon elegans, Are Consistent with the Idea of Pain in Decapods ». Animals 14 (3): 364. https://doi.org/10.3390/ani14030364.
[17] Adams, Rebecca, Catherine E. Stanley, Elena Piana, et Robin L. Cooper. 2019. « Physiological and Behavioral Indicators to Measure Crustacean Welfare ». Animals 9 (11): 914. https://doi.org/10.3390/ani9110914.
[18] Lorenzo, Rodrigo, Pol Llonch, Joel González, José Garcia, Maria Font-i-Furnols, et Guiomar Rotllant. 2025. « Evaluating the Impact of Electrical Stunning on the Welfare and Meat Quality of the American Lobster, Homarus Americanus ». https://doi.org/10.2139/ssrn.5580493.
[19] Crustacean Compassion. 2021. « The Case for the Legal Protection of Decapod Crustacean ». https://www.crustaceancompassion.org/legal-protection.
[20] Browning, Heather, Charlotte Burn, Alexandra K Schnell, Andrew Crump, et Jonathan Birch. 2025. « Animal Welfare Risks from Commercial Practices Involving Cephalopod Molluscs and Decapod Crustaceans ». Animal Welfare 34 (24): 1‑17. https://doi.org/10.1017/awf.2025.25.
à retenir
- Les Français consomment de nombreux crustacés (crevettes, crabes, langoustes, homards, etc.), majoritairement importés de l’étranger.
- À ce jour, il n’existe pas de recommandations précises concernant les méthodes d’abattage des crustacés.
- L’asphyxie à l’air libre, l’ébullition, l’électrocution ou le démembrement sont quelques exemples des techniques employées.
- Certaines études suggèrent que les crustacés peuvent présenter des signes compatibles avec la douleur, avec des niveaux de preuve variables selon les espèces.
CHIFFRE CLÉ
Consommation française de tourteaux au mois de décembre













