|   La chaire bien-être animal
  1. Home
  2. Actualités
  3. L’écurie ouverte : petits aménagements, gros bénéfices !

Sommaire

L’écurie ouverte : petits aménagements, gros bénéfices !

Les 14 et 15 février 2024 se sont tenues à Rennes deux journées de conférences organisées par les Réseaux Mixtes Technologiques (RMT) BATICE et ONE WELFARE sur le thème « Le bâtiment d’élevage, point de rencontre entre l’homme et l’animal ».

A cette occasion, Alice Ruet, éthologiste et ingénieure de recherche et développement à l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE) et à l’INRAe, accompagnée de Ambre Sélébard, apprentie à l’IFCE, ont présenté les résultats et enseignements tirés d’une étude de cas menée au sein du lycée AgriCampus Laval.

à retenir

Les 14 et 15 février 2024 se sont tenues à Rennes deux journées de conférences organisées par les Réseaux Mixtes Technologiques (RMT) BATICE et ONE WELFARE sur le thème « Le bâtiment d’élevage, point de rencontre entre l’homme et l’animal ».

A cette occasion, Alice Ruet, éthologiste et ingénieure de recherche et développement à l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE) et à l’INRAe, accompagnée de Ambre Sélébard, apprentie à l’IFCE, ont présenté les résultats et enseignements tirés d’une étude de cas menée au sein du lycée AgriCampus Laval.

L’AgriCampus Laval : une organisation initiale classique

Cet établissement d’enseignement agricole dispose d’un Atelier Technologique Hippique qui assure les formations équestres avec 28 chevaux d’instruction présents au sein de l’écurie. Jusqu’alors, ils étaient hébergés en boxes individuels avec des sorties hebdomadaires au paddock.

Les chevaux accédaient à l’extérieur seulement en dehors des périodes de formation des élèves (week-ends et congés), ce qui nécessitait de les conduire par petits groupes, en main, du box au paddock et inversement.

Le reste du temps, les chevaux étaient soit montés, soit restaient au box où ils ne bénéficiaient pas d’une locomotion libre, de relations sociales avec leurs congénères ni d’un affouragement à volonté, les 3 besoins fondamentaux du cheval, indispensables pour assurer son bien-être.

En plus de constituer une tâche chronophage et source de risques pour les salariés, cette organisation représentait un risque d’atteinte au bien-être des équidés.

Les conséquences négatives de la vie permanente au box

Le box individuel demeure à l’heure actuelle le mode d’hébergement le plus utilisé pour les chevaux en France. Il induit des restrictions plus ou moins importantes en fonction des pratiques de gestion des sorties et de l’alimentation[1].

Pourtant, héberger les chevaux principalement en box individuel est un facteur de risque majeur pour le bien-être du cheval. Les résultats d’une méta-analyse[2] publiée en 2021 montrent que la combinaison de restrictions sociales, spatiales et alimentaires conduit au développement significatif de réponses passives (i.e., diminution de la réactivité aux stimulations externes, diminution de l’expression de comportements naturels comme le repos couché, expression de comportements dépressifs) et de comportements anormaux (i.e., stéréotypies ou « tics », auto-mutilation, agressivité envers les humains, consommation de bois, de litière et de crottins)[3].

Cette détérioration du niveau de bien-être a une incidence directe sur l’état affectif du cheval : des chevaux hébergés uniquement au box se révèlent ainsi beaucoup plus pessimistes[4].

Cet état affectif négatif impacte jusqu’à la pratique de l’équitation puisque le mal-être au box a été associé à des modifications du comportement et de la locomotion des chevaux lorsqu’ils sont montés[5].

guillements-vert-debut

Pour préserver le bien-être des chevaux et favoriser une équitation plus éthique, il faut envisager de modifier profondément et durablement les conditions de vie actuelles du cheval en box individuel

ALICE RUET

Pour cela, il semble donc nécessaire de favoriser autant que possible la satisfaction de leurs besoins fondamentaux grâce à des sorties libres, des interactions sociales et la consommation de fibres.

Par exemple, l’accès à un espace extérieur en liberté (avec eau et foin/herbe), même pour une durée réduite (1h maximum pendant 5 jours par semaine dans l’étude en question) permet une amélioration significative de l’état de bien-être des chevaux, qui expriment moins de stéréotypies lorsqu’ils sont au box. Mais cet effet positif est de courte durée : pour qu’il perdure, la régularité des sorties en liberté est donc primordiale[6].

📌 Vacances au pré[7] !

Une pratique courante consiste à offrir des « vacances » au pâturage aux chevaux hébergés le reste de l’année en box individuel. La mise au vert a plusieurs impacts positifs sur l’état de bien-être des chevaux (diminution des stéréotypies, diminution de l’agressivité envers l’humain et diminution de l’hypervigilance, augmentation des interactions sociales).

Cependant, il est important de noter que :

  • Une période d’adaptation d’une vingtaine de jours est nécessaire à certains chevaux pour s’adapter à ce brusque changement d’environnement. Elle se manifeste par l’insensibilité exacerbée du cheval à son environnement s’il s’agissait d’un indicateur déjà observable au box avant la mise au pré en groupe.
  • Le retour en box individuel est perçu de manière très négative.
  • Les bénéfices de la vie au pré ne perdurent pas et on observe un retour à l’état initial (avant les vacances) en 3 mois environ.

La mise au pré ne s’improvise pas : pour connaître les grands principes à respecter, consultez notre idée reçue « Cheval au pré, cheval heureux ? ».

Des aménagements simples et peu coûteux…

L’Atelier Technologique Hippique de l’AgriCampus Laval a donc souhaité modifier son organisation dans un double objectif de sécurité et confort au travail et d’amélioration des conditions de vie des équidés, les deux étant étroitement liés. Ce concept est appelé One Welfare.

Pour éviter de lourds investissements, le choix a été fait de simplement ouvrir les portes des boxes en fin de journée. Les chevaux ont alors le choix : rester dans l’écurie ou bien sortir et circuler librement dans l’espace commun extérieur. Celui-ci comprend la cour des écuries, fermée à l’aide de fils amovibles, un espace stabilisé équipé de plusieurs râteliers et, lorsque la météo le permet, une parcelle de 1,2 hectare.

Ils évoluent ainsi à leur convenance jusqu’à 7h du matin, heure à laquelle ils rentrent à l’écurie pour être nourris sur appel vocal du soigneur.  

Aperçu du site de l’ATH de Laval : 

Credits : A.Sélébard/IFCE

… pour de réels bénéfices !

Les avantages : 

  • Amélioration de la relation humain-animal
  • Foin à volonté sur une période de 12h/j minimum, en complément du foin et de la paille disponible lorsque le cheval est au box
  • Mouvement libre sur une période de 12h/j minimum
  • Surface disponible de 50 à 900m² par cheval en fonction de la météo et de la saison
  • Diminution de la pénibilité et des risques pour les salariés qui n’effectuent plus les entrées/sorties des chevaux
  • Faible investissement financier (stabilisation du sol, râteliers, fils et poignées de clôtures) : 34 777€.
  • Consommation d’aliments concentrés divisée par 3
  • Consommation de paille (litière) divisée par 2

Les inconvénients

  •  Présence d’alopécies (zones dépourvues de poils) et petites blessures liées à la vie en groupe,
  •  Crottins, foin et paille disséminés sur l’ensemble de l’écurie ouverte nécessitant un nettoyage adapté
  •  Temps de pansage supérieur
  •  Rangement quotidien des espaces intérieurs et extérieurs accessibles aux chevaux 
  •  Nécessité d’avoir un lot de chevaux stable dans le temps afin de limiter les interactions agressives entre les individus
  •   Couloirs larges pour éviter qu’un cheval ne se retrouve coincé par un autre
  •  Surfaces intérieures et extérieures non glissantes
  • Changement de morphologie chez certains chevaux, certains présenteraient un ventre plus rond, d’autres perdraient un peu d’état (perception des élèves et enseignants, pas d’éléments objectifs sur ce point).

Pour en savoir plus sur ce projet

Ouverture des box en fin de journée : 

Déambulation libre dans la cours de l’écurie : 

Remerciements pour la relecture : Alice Ruet et Françoise Lumale (IFCE)

[1] https://www.ifce.fr/wp-content/uploads/2020/10/Le-bien-%C3%AAtre-du-cheval-de-l%E2%80%99h%C3%A9bergement-%C3%A0-l%E2%80%99%C3%A9quitation.pdf 

[2] Croisement des résultats obtenus dans 38 études indépendantes portant sur la même question de recherche),

[3] Krueger, K., Esch, L., Farmer, K., Marr, I., 2021. Basic needs in horses?—a literature review. Animals 11, 1–16. https://doi.org/10.3390/ani11061798

Ruet, Alice & Lemarchand, Julie & Parias, Céline & Mach, Nuria & Moisan, Marie-Pierre & Foury, Aline & Briant, Christine & Lansade, Lea. (2019). Housing Horses in Individual Boxes Is a Challenge with Regard to Welfare. Animals. 9. 621. https://doi.org/10.3390/ani9090621

[4] Sandra Löckener, Sven Reese, Michael Erhard, Anna-Caroline Wöhr. Pasturing in herds following housing in horseboxes induces a positive cognitive bias in horses. Journal of Veterinary Behavior, January–February, 2016, Volume 11, Pages 50–55

[5] Ruet, Alice & Biau, Sophie & Arnould, Cécile & Galloux, Patrick & Destrez, Alexandra & Pycik, Elena & Boichot, Laetitia & Lansade, Lea. (2020). Horses could perceive riding differently according to the way they express poor welfare in the stable. Journal of Equine Veterinary Science. 94.  https://doi.org/10.1016/j.jevs.2020.103206

[6] La mise au paddock des chevaux de sport : faisabilité et impact sur le bien-être. Journées sciences et innovations équines 2019, Ifce. Martine Hausberger, Lola Reverchon-Billot, Clémence Lesimple, Caroline Coste, Laetitia Boichot, Patrick Galloux, Séverine Henry.

[7] RUET A., ARNOULD C., LEVRAY J., LEMARCHAND J., MACH N., MOISAN M.P., FOURY A., BRIANT C. et LANSADE L. (2020). Effects of a temporary period on pasture on the welfare state of horses housed in individual boxes. Appl. Anim. Behav. Sci., 228, 105027.

à retenir

Pour préserver le bien-être des chevaux et favoriser une équitation plus éthique, il faut envisager de modifier profondément et durablement les conditions de vie actuelles du cheval en box individuel

ALICE RUET