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Le bien-être est meilleur dans les élevages de petite taille ! VRAI ou FAUX ?

FAUX

Les publications scientifiques ne montrent pas de lien direct entre le bien-être des animaux et la taille de l’élevage, ni dans un sens, ni dans l’autre… et expliquent que d’autres facteurs sont à prendre en compte !

à retenir

Pour beaucoup de consommateurs, une augmentation de la taille des élevages est souvent associée à une dégradation du bien-être des animaux. Pourtant, les publications scientifiques ne montrent pas de lien direct entre le bien-être des animaux et la taille de l’élevage, ni dans un sens, ni dans l’autre… et expliquent que d’autres facteurs sont à prendre en compte !

⚠️ Quelques précautions en exergue :

  • dans cette idée reçue, seule la taille de l’élevage a été considérée. Les autres facteurs, comme le système d’élevage ou le niveau d’intensification par exemple, n’ont pas été étudiés. La plupart des exemples sont issus de publications réalisées en élevages bovins laitiers, qui sont les plus fréquentes, mais restent transposables aux autres élevages.

  • Les études scientifiques présentées ont étudié l’effet de la taille de l’élevage sur le bien-être des animaux… elles n’ont bien entendu pas analysé toutes les situations. De plus, dans certaines études, une taille considérée comme grande pouvait être considérée comme petite dans une autre… l’important était pour une même étude de comparer des élevages de tailles différentes. Les éléments présentés ici, comme tous résultats scientifiques, sont donc à considérer avec précaution.

Un élevage de grande taille, un élevage de petite taille : de quoi parle-t-on exactement ?

Historiquement, les élevages étaient de petite taille, avec seulement quelques animaux gérés par une famille. Ce mode d’élevage reste encore présent dans de nombreux pays du monde et notamment en Afrique. 

Toutefois, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’agriculture de beaucoup de pays s’est transformée. Le nombre d’élevages a diminué… mais comme la demande alimentaire a continué à croître, la taille des élevages a augmenté en parallèle. Cette augmentation a été une volonté politique pour augmenter la productivité et diminuer les coûts de production et a été possible par les évolutions de la mécanisation agricole et de la médecine vétérinaire.

Pour prendre quelques exemples d’augmentation :

🇳🇱Aux Pays-Bas, la taille moyenne des élevages de vaches laitières ou de volailles a doublé entre 1995 et 2008 et celle des porcs a triplé[1].

🇺🇸Aux Etats-Unis, le nombre moyen de vaches laitières par élevage est passé de 50 à 144 entre 1987 et 2012 mais surtout mais surtout, en 2012, plus de 50% des élevages avaient plus de 900 vaches laitières

🇫🇷En France, le nombre moyen de vaches laitières par élevage est passé de 17 en 1983 à 46 en 2020[2].

🔎 Pour comprendre le graphique : En France en 2020, 50% des élevages ont moins de 40 vaches (ce qui correspond à environ 15% des vaches) et 15% des élevages ont plus de 100 vaches (ce qui correspond à presque 40% des vaches).

🐄Un rapport EFSA (2015) considérait qu’un élevage de bovins laitiers était de petite taille si le nombre total de vaches adultes était inférieur à 75 et si plus de 80% de la main d’œuvre était familiale[3].

 

🐖En production porcine, entre 2000 et 2018, la taille moyenne des élevages de truies est passée en France de 140 à 226 truies (+60 %) et au Danemark de 170 à 769 truies (+350 %). En Espagne en 2018, il y a en moyenne 1158 truies par élevage[4][5].

On trouve même des élevages avec plus de 10 000 truies en Amérique du Nord et la construction d’une nouvelle ferme en Chine prévue pour héberger plus de 80 000 truies[6].

Concernant les volailles, en 2016, 9% des élevages en France avaient plus de 50 000 poulets de chair et 12% des élevages plus de 50 000 poules pondeuses[7]. En Australie, la taille des élevages varie de 1000 à 500 000 poules[8].

En résumé !

On observe bien une augmentation de la taille des élevages mais avec une très grande diversité selon les espèces et selon les pays ! Bien souvent, lorsque le nombre d’animaux devient important, ces derniers sont élevés dans des lots indépendants, parfois dans des bâtiments différents.

L’amélioration du bien-être animal par des changements profonds des pratiques d’élevage

Perception de l'animal

Le bien-être est individuel et propre à chaque animal. Pour un animal, ce qui est important est de pouvoir exprimer son comportement, d’avoir suffisamment à manger et un confort satisfaisant… pas le nombre d’animaux dans l’élevage, du moment que cela n’impacte pas son propre bien-être ! 

Toutefois, les capacités de reconnaissance des animaux entre eux sont limitées et à partir d’une certaine taille du groupe, les animaux ne sont plus capables de reconnaître tous les individus, ce qui peut entraîner des problèmes dans la mise en place et le maintien de la hiérarchie et de la cohésion sociale.

Ceci étant dit, les animaux dans les élevages de grande taille sont souvent conduits en plus petits lots (pour faciliter la conduite alimentaire par exemple). Dans ce cas, pour l’animal, la taille de l’élevage et le nombre de lots présents ne sont donc pas problématiques pour son bien-être.

Score global de bien-être

Peu d’études se sont intéressées à l’impact de la taille de l’élevage sur le score global de bien-être… et les résultats ne permettent pas de conclure.

Ainsi, une étude sur des bovins allaitants en Irlande[9] a trouvé un score global qui diminuait lorsque la taille de l’élevage augmentait et une étude sur des porcs en Croatie[10] a montré l’inverse. Une étude sur des moutons en Angleterre et une autre sur les vaches laitières en France n’ont trouvé aucune relation[11].

Un autre critère intéressant est le nombre de « non conformités » à la réglementation. Les différentes études (vaches, porcs) ne montrent pas de différence en fonction de la taille de l’élevage[12].

Critères de bien-être

La majorité des publications ne trouvent pas de lien entre le score des différents critères et la taille de l’élevage. Lorsque des liens ont été trouvés, ils sont souvent divergents d’une publication à l’autre, ne permettant pas de conclure.

A titre d’exemple, dans l’enquête épidémiologique[13] menée par Alice de Boyer des Roches, sur 131 élevages de bovins laitiers (taille comprise entre 21 et 120 vaches laitières), aucun lien n’a été trouvé entre les 12 critères de bien-être de Welfare Quality® et la taille de l’élevage. 

Santé

Une revue de la bibliographie indique que sur 23 articles scientifiques ayant étudié la prévalence des boiteries chez les bovins laitiers en fonction de la taille de l’élevage, 9 ont trouvé une prévalence plus élevée dans les élevages de grande taille, 8 aucune différence et 6 une prévalence plus faible, ne permettant pas de conclure à un lien entre la taille de l’élevage et la prévalence de boiteries[14].

Toujours chez les bovins laitiers, la relation entre les autres critères de santé (lésions, santé de la mamelle, …) et la taille de l’élevage n’est pas établie.

La mortalité chez les adultes semble par contre plus élevée dans les élevages de grande taille, qu’il s’agisse d’élevages de bovins ou d’élevages de porcs. Par contre, une telle relation n’est pas trouvée avec la mortalité des veaux. Les auteurs de ces études évoquent une gestion différente des animaux non transportables : dans les élevages de grande taille, ils sont plus souvent euthanasiés sur l’exploitation avant d’être envoyés à l’équarrissage (augmentant alors le taux de mortalité) alors que dans les élevages de petite taille, ils sont plus souvent envoyés à l’abattoir. 

Concernant la prise en charge de la douleur, certaines études montrent que l’utilisation d’anesthésiques ou d’analgésiques est plus fréquente dans les élevages bovins de grande taille alors que d’autres études n’ont pas trouvé de relation avec la taille de l’élevage[15].

Accès à l'eau

Dans l’étude de Beggs et al., 2019, les fermes laitières de plus grande taille avaient plus de points d’eau, notamment à l’extérieur, et plus souvent de l’eau potable que les fermes de petite taille[16].

Relation humain-animal

C’est un des points les plus souvent mis en avant lorsque la taille de l’élevage augmente. En effet, plus la taille de l’élevage augmente, plus le nombre d’animaux par personne augmente également. Le nombre d’interactions directes entre les animaux et les humains a donc tendance à diminuer. En effet, certains auteurs ont montré que le nombre d’interactions positives diminuait (vaches, veaux) et d’autres ont montré que c’était également le cas pour le nombre d’interactions négatives (porcs). Si l’on regarde la distance de fuite des animaux, certains auteurs ont montré qu’elle était plus importante dans les élevages de bovins de petite taille, ce qu’ils expliquent par une moindre habituation à des humains différents[17], alors que d’autres ont trouvé qu’elle n’était pas modifiée par la taille de l’élevage[18].

Tous les auteurs s’accordent pour dire que les représentations et le comportement de l’éleveur sont plus importants que la taille de l’élevage pour une bonne relation humain-animal.

Accès à l'extérieur et expression du comportement naturel

L’accès à l’extérieur, à condition qu’il soit bien géré, est un point important pour le bien-être des animaux. Les différentes études sur le sujet montrent que globalement, lorsque la taille de l’élevage augmente, l’accès à l’extérieur diminue. C’est par exemple le cas chez les vaches à partir d’une certaine taille d’élevage (supérieure à 100 vaches aux Etats-Unis par exemple). Cela peut notamment s’expliquer par un temps de traite plus important ou une difficulté d’avoir suffisamment de parcelles à proximité des bâtiments.

De même, la densité de vaches par hectare semble plus importante dans les élevages de grande taille.

Enfin, les pâtures des fermes laitières ont plus souvent de l’ombre disponible dans les élevages de petite taille que dans les élevages de grande taille, même s’il a été observé que dans ces derniers, les éleveurs faisaient attention à privilégier les pâtures avec de l’ombre les jours les plus chauds [19].

L’accès à l’extérieur dans de bonnes conditions est donc difficile à gérer lorsque la taille de l’élevage augmente.

Les éléments explicatifs

Le bien-être comporte de nombreux critères, certains pouvant a priori être plus faciles à satisfaire dans les élevages de petite taille, d’autres dans les élevages de grande taille. De plus, de nombreux critères de bien-être sont multifactoriels, c’est-à-dire dépendants de plusieurs facteurs qui sont indépendants de la taille de l’élevage. Ainsi, les boiteries chez les vaches laitières sont influencées par la race, la production, la gestion de l’élevage… qui sont plus importants que la taille de l’élevage pour expliquer leur prévalence. 

Les élevages de grande taille présentent potentiellement plus de risques pour le bien-être des animaux que les élevages de petite taille. Cela vient notamment du fait d’un moindre accès à l’extérieur et d’un nombre de personnels moins important par animal. Ce dernier point peut diminuer le temps passé par animal et donc l’attention portée aux animaux gage d’une bonne relation humain-animal.

Face aux différents risques, les élevages de grande taille peuvent, selon les cas, disposer de certains atouts :

  • La main d’œuvre est plus nombreuse. Cela permet une division du travail, souvent associée à une spécialisation plus grande du personnel pour ses activités. L’éleveur dans les élevages de petite taille est souvent responsable d’une multitude de tâches très variées et ne peut pas être spécialiste de tout.
  • Les procédures standardisées ainsi que les formations du personnel sont plus nombreuses et permettent de limiter des approches différentes et minimiser les erreurs humaines.
  • Les élevages de grande taille font plus souvent appel à des spécialistes extérieurs (vétérinaires, nutritionnistes, ….)[20].
  • L’utilisation d’outils de monitoring est plus fréquente, ce qui facilite le suivi individuel des animaux, que ce soit pour vérifier leur état de santé, mais aussi leur comportement, leur rumination, ….
  • Ils ont parfois plus de moyens financiers permettant des investissements favorables aux animaux. 

En résumé !

Le bien-être des animaux est complexe. Il dépend de nombreux critères, eux-mêmes dépendant de nombreux facteurs de risque. Ces facteurs de risque peuvent se retrouver dans les élevages qu’ils soient de petite ou de grande taille. Ils dépendent plus de la gestion et de la personnalité de l’éleveur, de l’organisation spécifique de chaque élevage, des animaux eux-mêmes (expérience, perception, …). Il n’est pas possible de généraliser et il est nécessaire d’évaluer objectivement le bien-être spécifiquement dans chaque élevage, indépendamment de sa taille.

Pour aller plus loin

Farm size and animal welfare. J.A. Robbins et al., 2016. Journal of animal science 94. https://doi:10.2527/jas2016-0805  

Animal welfare: is the intensification the problem? J.A. Mench. 2019. The Routledge Handbook of Animal Ethics. P141-154. https://doi.org/10.4324/9781315105840 

The effects of herd size on the welfare of dairy cows in a pasture-based system using animal- and resource-based indicators. D.S. Beggs et al. 2019. Journal of Dairy Science. 102:3406-3420. https://doi.org/10.3168/jds.2018-14850

Assessing the welfare level of intensive fattening pig farms in Germany with the Welfare Quality® protocol: does farm size matter? S. Meyer-Hamme et al. 2018. Animal Welfare 27(3): 275-286. https://doi.org/10.7120/09627286.27.3.275

Influence of herd size on human-cow relationships. S. Waiblinger and C. Menke. 1999. Anthrozoös, 12(4) : 240-247,https://doi.org/10.2752/089279399787000156

Is Animal Welfare Better on Smaller Farms? D.M. Weary et al. 2019. In: Hild S. & Schweitzer L. (Eds), Animal Welfare: From Science to Law, pp.133-139. https://www.fondation-droit-animal.org/proceedings-aw/is-animal-welfare-better-on-smaller-farms/

The major welfare problems of dairy cows in French commercial farms: an epidemiological approach. A. de Boyer des Roches et al. 2014. Animal Welfare 23: 467-478. https://doi.org/10.7120/09627286.23.4.467

Le bien-être des vaches laitières françaises passé au crible : approche épidémiologique. A. de Boyer des Roches et al. 2014. Le Point Vétérinaire 347 : 50-56

à retenir

CHIFFRE CLÉ

46

Il s’agit du nombre moyen de vaches laitières par élevage en France en 2020