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La coupe des oreilles et de la queue du chien

La coupe des oreilles et de la queue du chien

L’otectomie (ablation partielle ou totale des oreilles) et la caudectomie (amputation partielle ou totale de la queue) sont des pratiques chirurgicales réalisées depuis des siècles sur certaines races de chiens. L’otectomie est aujourd’hui une pratique interdite en France, sauf avis médical.

 

Ces interventions soulèvent des questions éthiques et de bien-être animal. Nous revenons dans cet article sur ce que dit la loi sur ces procédures et sur leurs conséquences pour le bien-être et la santé des chiens concernés.

à retenir

Certaines races de chiens sont particulièrement concernées par les opérations d’otectomie et/ou de caudectomie. Les races chiens utilisées historiquement pour le combat ou utilisées pour la garde, comme le Dobermann, le Cane Corso, le Bouledogue américain, le Mastiff, le Rottweiler ou l’American Staffordshire Terrier sont par exemple souvent sujets à ces pratiques[1]. De même, la caudectomie est couramment pratiquée chez les chiens de chasse tels que le Braque Allemand, l’Épagneul Breton ou le Cocker Anglais.

Otectomie

Qu’est-ce que l’otectomie ?

Chez le chien, l’otectomie consiste à modifier l’apparence du pavillon externe de l’oreille, généralement en en retirant jusqu’à la moitié. Après cette ablation, les oreilles sont bandées et maintenues à l’aide d’attelles pour favoriser une cicatrisation dans la forme souhaitée. Cette intervention est généralement pratiquée lorsque le chiot a entre 9 et 12 semaines. Le plus souvent, le chien est anesthésié avant l’intervention, et des antalgiques peuvent lui être administrés par la suite, sans obligation.

Historiquement, l’otectomie était pratiquée en France pour limiter les blessures aux oreilles durant la chasse ou le combat. Elle pouvait également être pratiquée pour des raisons dites esthétiques et afin de répondre aux standards de certaines races. En effet, une fois coupées, les oreilles restent dressées, donnant au chien une apparence considérée comme plus imposante. Cette intervention était donc particulièrement répandue chez les chiens de garde et de travail pour accentuer leur allure dissuasive. Il a également été suggéré que la coupe des oreilles réduirait le risque d’infections en limitant l’humidité et les saletés dans le conduit auditif.

L’efficacité de l’otectomie pour prévenir des blessures ou des infections n’a toutefois pas été démontrée à ce jour. La prévalence d’otites par exemple, chez certaines races de chiens aux oreilles pendantes, serait plutôt liée à des prédispositions génétiques de la race et non à la position des oreilles[2].

Caudectomie

Qu’est-ce que la caudectomie ?

La caudectomie est l’ablation chirurgicale de la partie distale (l’extrémité) de la queue. Elle est le plus souvent réalisée au maximum cinq jours après la naissance du chiot afin de limiter la douleur, les tissus nerveux n’étant alors pas complètement développés. La partie distale de la queue est retirée avec des ciseaux ou un scalpel, la plaie est ensuite refermée avec un ou plusieurs points de suture.

Une autre méthode consiste à placer un élastique autour de la queue, ce qui coupe la circulation dans les tissus et entraîne une nécrose et la chute de la queue.

Historiquement, cette pratique était réalisée sur les chiens de chasse et de combat afin de réduire les risques de blessures à la queue[3]. Pour les chiens de chasse évoluant en forêt ou dans les broussailles, une queue non écourtée pourrait s’écorcher sur des ronces ou des barbelés, entraînant des plaies qui seraient longues à cicatriser. Elle est encore pratiquée aujourd’hui sur diverses races de chiens de chasse, de travail et de terriers. Pour les autres races, la caudectomie est principalement réalisée pour répondre à des critères esthétiques.

Aujourd’hui, ces pratiques sont encadrées par des réglementations visant à limiter les interventions non justifiées médicalement.

Du point de vue de la loi

Aujourd’hui, l’otectomie à des fins non médicales est interdite en France. Cette interdiction découle de la ratification, en 2004, de la Convention européenne pour la protection des animaux de compagnie du 13 novembre 1987[4].

L’article 10 de cette convention indique que les interventions chirurgicales destinées à modifier l’apparence d’un animal de compagnie ou à d’autres fins non curatives doivent être interdites et en particulier :

  • la coupe de la queue ;
  • la coupe des oreilles ;
  • la section des cordes vocales ;
  • l’ablation des griffes et des dents.


Les exceptions à cet article concernent les interventions jugées nécessaires par un vétérinaire pour des raisons médicales ou pour le bien-être de l’animal.

L’otectomie est interdite dans l’ensemble des pays de l’Union européenne, ainsi qu’en Suisse depuis 1981 et au Royaume-Uni depuis 2006[5]. En revanche, elle est autorisée ou tolérée dans d’autres pays et reste pratiquée, notamment aux États-Unis.

En ce qui concerne la caudectomie, la France n’a pas ratifié l’alinéa de la convention citée précédemment, qui lui est consacré. Elle est donc encore autorisée[6].

Cependant, certains standards de race interdisent désormais cette pratique et ne considèrent plus l’amputation de la queue comme un critère de conformité. C’est le cas pour les Rottweilers et les Cane Corso nés après 2019, pour lesquels la Société Centrale Canine ne reconnaît plus cette intervention pour l’examen de confirmation de race et les expositions. Sept autres races, dont le Boxer et le Dobermann, ont suivi cette évolution en 2020.

Le saviez-vous ?

Un examen de confirmation de race est une évaluation officielle réalisée par un juge spécialisé, dans le cadre d'une compétition ou d'une inscription au livre généalogique des chiens, pour vérifier qu'un chien correspond bien aux critères de sa race. Cet examen se fait généralement sur des chiens de pure race et permet de confirmer qu'ils respectent les standards établis par les clubs de race (taille, poids, caractéristiques physiques, comportement, etc.). Pour en savoir plus, consultez notre idée reçue sur les hypertypes !

Une opération de caudectomie doit être réalisée par un vétérinaire, car elle ne figure pas dans la liste des actes de médecine ou de chirurgie des animaux qui peuvent être réalisés par certaines personnes n’ayant pas la qualité de vétérinaire (Arrêté du 5 octobre 2011).

📌 Une opération douloureuse ?

La douleur ressentie par le chiot lors de la caudectomie est encore un sujet de débat. Bien qu’il soit difficile de quantifier objectivement le stress ressenti par les chiots lors de cette opération, les observations réalisées au cours d’une étude[7] suggèrent qu’ils ressentiraient de la douleur lors de celle-ci.

Cependant, une autre étude[8] conclut que, chez les chiots de moins de 7 jours, le cerveau n’est pas encore assez développé pour qu’ils ressentent consciemment la douleur lors de l’opération. Leurs réactions, comme les vocalisations, seraient plutôt dues à des réflexes automatiques plutôt qu’à une véritable perception de la douleur. Cette même étude indique néanmoins que couper la queue d’un chiot dans sa première semaine de vie pourrait le rendre plus sensible à la douleur tout au long de sa vie, pourrait provoquer des douleurs chroniques et créer une hypersensibilité au niveau du bout de la queue.

Du point de vue de la santé

Concernant l’otectomie, les principales conséquences sur la santé sont liées à l’intervention chirurgicale en elle-même. La coupe des oreilles nécessite une anesthésie générale, ce qui peut comporter des risques. Après l’opération, la cicatrisation et les manipulations comme le bandage ou le redressement des oreilles peuvent être douloureux pendant plusieurs mois. Des complications, comme des infections ou des déformations, peuvent survenir et nécessiter d’autres interventions chirurgicales[9].

Pour la caudectomie, certaines études suggèrent que les chiens ayant la queue coupée pourraient présenter une musculature pelvienne moins développée mais les preuves restent limitées. Certaines races sur lesquelles la caudectomie est régulièrement réalisée montrent une incidence plus élevée d’incontinence mais cela pourrait également être influencé par d’autres facteurs (sexe, stérilisation, facteurs génétiques)[10]. Chez certaines de ces races, le muscle élévateur de l’anus et le muscle coccygien (muscle qui permet au chien de rabattre sa queue entre ses pattes arrière) seraient également moins développés[11]. Enfin, la queue jouant un rôle dans l’équilibre du chien, son amputation pourrait avoir un impact sur sa mobilité.

Du point de vue comportemental

Entre chiens

Une partie de la communication chez le chien passe par le positionnement de ses oreilles. En effet, les chiens peuvent exprimer leur état émotionnel, leur statut social ou leur volonté de se battre en utilisant leurs oreilles[12]. Un peu comme les sourcils chez les humains !

Avec les oreilles coupées et dressées, le chien est donc privé d’une partie de sa communication de ses émotions.

Les chiens peuvent replier leurs oreilles plus ou moins en arrière selon leur niveau d’excitation. Les oreilles peuvent être tournées vers l’arrière pour exprimer une intention d’apaisement, ou bien être complètement aplaties ou plaquées en arrière (“oreilles de phoque”) chez un chien effrayé ou en réponse à une situation de conflit. À l’inverse, des oreilles tournées vers l’avant sont associées à l’intérêt, l’attention et une intention d’approche, tandis qu’une position latérale des oreilles traduit un état de conflit intérieur[13].

En ce qui concerne la caudectomie, les mouvements de la queue sont essentiels dans la communication canine. Ils expriment non seulement l’état émotionnel et les intentions du chien, mais jouent aussi un rôle clé dans ses interactions avec les autres chiens.

Des recherches ont montré que l’orientation du balancement de la queue apporte des informations précises. Un chien qui aperçoit son propriétaire, considéré comme un stimulus positif, aura tendance à remuer la queue davantage vers la droite, signe d’une envie d’approcher. À l’inverse, face à un chien inconnu perçu comme une menace potentielle, il balancera sa queue plutôt vers la gauche, indiquant un retrait ou une hésitation. Les chiens eux-mêmes réagissent à ces différences. Lorsqu’un chien observe un congénère remuant la queue principalement vers la gauche, il manifeste davantage de signaux de stress, qui s’accompagnent aussi d’une augmentation de son rythme cardiaque. Certaines positions de la queue permettraient d’envoyer des signaux d’apaisement aux congénères. De plus, certains types de battements de queue pourraient aider le chien à s’apaiser lui-même.

Ces éléments soulignent l’importance de la queue dans le langage corporel des chiens et mettent en évidence les conséquences que la coupe de la queue peut avoir sur leurs interactions intraspécifiques et leur bien-être. La caudectomie peut donc altérer la communication d’émotions positives et négatives, et des intentions entre les chiens, alors que cette communication est essentielle pour leur bien-être[14].

Avec les humains

L’otectomie et la caudectomie n’affectent pas seulement la communication entre les chiens, mais influencent également la manière dont les humains perçoivent ces chiens avec les oreilles et/ou la queue coupées. Une étude menée auprès d’environ 400 personnes a révélé que les chiens avec les oreilles et/ou la queue coupées étaient perçus par ces dernières comme plus agressifs, plus dominants, moins joueurs et moins attirants que les chiens n’ayant pas été opérés. Cette différence de perception pourrait entraîner une différence de traitement des chiens présentant ces interventions par les humains[15].

Conclusion

En conclusion, bien que respectivement interdite et réglementée, l’otectomie et la caudectomie restent parfois réalisées au détriment de la santé et du bien-être des chiens. Ces interventions affectent non seulement la communication entre eux, mais risqueraient également de modifier la perception que les humains en ont. L’interdiction de la caudectomie figure d’ailleurs parmi les mesures fortes listées par le gouvernement dans le Plan national pour améliorer le bien-être des animaux de compagnie, lancé le 22 mai 2024.

[1] Norris, L. J., Pinchbeck, G. L., Noble, P. J. M., & Radford, A. D. (2023). Dogs with cropped ears in the UK: a population‐based study using electronic health records. Veterinary Record, 192(5), no-no.

[2] Mills, K. E., von Keyserlingk, M. A., & Niel, L. (2016). A review of medically unnecessary surgeries in dogs and cats. Journal of the American Veterinary Medical Association, 248(2), 162-171.

[3] Houlton, J. E. F. (2008). A survey of gundog lameness and injuries in Great Britain in the shooting seasons 2005/2006 and 2006/2007. Veterinary and comparative Orthopaedics and Traumatology, 21(03), 231-237.

[4] Décret n° 2004-416 du 11 mai 2004 portant publication de la convention européenne pour la protection des animaux de compagnie

[5] Animal Welfare Act 2006

[6]  Article R214-21 du Code rural et de la pêche maritime.

[7] Noonan, G. J., Rand, J. S., Blackshaw, J. K., & Priest, J. (1996). Behavioural observations of puppies undergoing tail docking. Applied Animal Behaviour Science, 49(4), 335-342.

[8] Mellor, D. J. (2018). Tail docking of canine puppies: Reassessment of the tail’s role in communication, the acute pain caused by docking and interpretation of behavioural responses. Animals, 8(6), 82.

[9] AVMA – Literature review on the welfare implications of ear cropping in dogs

[10] Holt, P. E., & Thrusfield, M. V. (1993). Association in bitches between breed, size, neutering and docking, and acquired urinary incontinence due to incompetence of the urethral sphincter mechanism. The Veterinary Record, 133(8), 177-180.

[11] AVMA – Literature review on the welfare implications of tail docking of dogs

[12] Packová, A., & Takáčová, D. (2020). Dogs health related to ear cropping. Folia Vet, 64(1), 77-82.

[13] Siniscalchi, M., d’Ingeo, S., Minunno, M., & Quaranta, A. (2018). Communication in dogs. Animals, 8(8), 131

[14] Mellor, D. J. (2018). Tail docking of canine puppies: Reassessment of the tail’s role in communication, the acute pain caused by docking and interpretation of behavioural responses. Animals, 8(6), 82.

[15] Mills, K. E., Robbins, J., & von Keyserlingk, M. A. (2016). Tail docking and ear cropping dogs: Public awareness and perceptions. PloS one, 11(6), e0158131.

à retenir

CHIFFRE CLÉ

2004

Date de ratification de la Convention européenne pour la protection des animaux de compagnie par la France.