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Expérimentation animale- Quelle utilisation des animaux en 2022 ?

Début 2024, le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche a publié son enquête annuelle sur l’utilisation des animaux à des fins scientifiques. Cette dernière répond à une obligation réglementaire imposée par l’Union européenne depuis 2013[1]. L’occasion pour nous d’un décryptage.

à retenir

Début 2024, le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche a publié son enquête annuelle sur l’utilisation des animaux à des fins scientifiques. Cette dernière répond à une obligation réglementaire imposée par l’Union européenne depuis 2013[1]. L’occasion pour nous d’un décryptage.

Combien d’animaux sont utilisés chaque année à des fins scientifiques ?

En 2022, on dénombre 1 802 025 utilisations d’animaux à des fins scientifiques (hors animaux servant à l’élevage pour maintenir des colonies d’animaux génétiquement altérés), soit 4,9% de moins qu’en 2021.

Parmi eux, les animaux les plus concernés sont les souris pour 66%, suivis des lapins (9%) et… des poissons (9%). Viennent ensuite les rats pour 8%. Les chiens (0,2%), chats (0,1%) et primates non humains (0,2%) sont quant à eux peu utilisés.

A noter que le périmètre de comptabilisation des animaux a évolué entre 2021 et 2022 amenant à inclure environ 300 000 animaux servant à l’élevage dans le but de maintenir certaines colonies d’animaux génétiquement modifiées, dont l’élevage est considéré comme une procédure expérimentale[2]. Enfin, l’enquête statistique n’inclut pas les animaux invertébrés, en dehors des céphalopodes, dont certains constituent pourtant des modèles importants pour la recherche.

Le saviez-vous ?

Depuis 1986, il est interdit dans l’Union européenne, d’utiliser des espèces protégées, et des animaux capturés dans la nature[3]. En 2010, la Directive Européenne a renforcé cette interdiction pour les grands singes (chimpanzés, gorilles, orang-outangs) à des fins scientifiques. Elle précise les situations d’exception qui justifieraient cette utilisation pour « les recherches visant à la préservation de ces espèces » ou « lorsque des actions concernant une affection potentiellement mortelle ou invalidante frappant l’homme s’imposent, et qu’aucune autre espèce ni méthode alternative ne suffirait pour répondre aux besoins de la procédure ». D’ailleurs, aucun de ces grands singes n’a été utilisé en France depuis les années 90. 

Pourquoi utilise-t-on des animaux ?

Les animaux sont avant tout (pour 62%) utilisés pour la recherche fondamentale mais aussi pour la recherche appliquée, que l’on nomme également « translationnelle »[4].

24% des utilisations d’animaux servent à la mise au point, la production ou les essais de qualité et d’innocuité de médicaments ou d’aliments (destinés à l’homme ou l’animal). Cette utilisation permet de vérifier entre autres que les aliments ou médicaments ne sont pas toxiques pour les humains, les animaux, voire l’environnement. Ces études toxicologiques ou réglementaires[5] sont avant tout réalisées sur des souris (environ 200 000 individus) et des lapins (environ 180 000 individus). Fait peu connu, des animaux d’élevage sont également concernés, les volailles étant les plus utilisées (environ 15 000 dindons et 9 000 poules, coqs, poulets). Enfin, si de tels tests sont peu réalisés sur des chats (environ 400 et uniquement pour l’étude des médicaments et des produits alimentaires destinés aux animaux), ils impliquent en revanche un certain nombre de chiens (environ 3000) et de primates non-humains (environ 3000). 

Un usage peu connu des animaux correspond au maintien des colonies d’animaux, qu’ils soient génétiquement modifiés ou non. En effet, on distingue normalement l’élevage des animaux de leur utilisation en recherche, sauf dans le cas du maintien de certaines lignées d’animaux génétiquement modifiées. Il s’agit d’animaux qui ont spontanément muté, et dont on a voulu conserver la mutation, ou d’animaux transgéniques, qui ont subi une altération génétique. Pour les utiliser en recherche, il faut reproduire ces animaux. Cet élevage est pris en compte si la méthode d’élevage, ou la modification génétique que l’on entretient présente un impact sur le bien-être de ces animaux. Ils ne subissent ainsi aucune procédure expérimentale directe mais certains (environ 5% d’entre eux) présentent un phénotype considéré dommageable, c’est-à-dire avec un impact négatif sur leur santé et leur bien-être. Ce maintien de populations génétiquement altérées concerne 10,6 % des utilisations d’animaux.

Le saviez-vous ?

Depuis l’entrée en vigueur en 2013 du règlement européen relatif aux produits cosmétiques, il est interdit de tester les cosmétiques et leurs ingrédients sur les animaux dans l’Union européenne (Règlement 2009/1223/CE). 

Qu’est-ce que la réutilisation et à quoi sert-elle ?

A l’issue d’une procédure expérimentale sans décès de l’animal, la problématique de son devenir peut se poser, si l’objectif scientifique permet de le garder en vie. Dans le cadre d’un processus réglementé, certains animaux peuvent ainsi être réutilisés pour une nouvelle expérimentation. Cela permet de réduire le nombre d’animaux total utilisé, enjeu central dans le cadre de la mise en application de la règle dite des 3R (remplacer, réduire, raffiner)[6]. La réutilisation d’animaux dans des procédures expérimentales ne peut se faire qu’après l’avis d’un vétérinaire, lorsque l’animal a pleinement retrouvé un état de santé et de bien-être et s’il n’a pas été soumis précédemment à une contrainte jugée sévère et si la procédure expérimentale prévue ne l’est pas.

Cette réutilisation concerne en premier lieu les primates qui ont été pour 27% réutilisés en 2022, permettant ainsi d’éviter le recours à environ 1100 nouveaux individus. Mais elle s’applique également aux chevaux, chiens et chats. 84% des chevaux, 68% des chats et 44% des chiens ont ainsi été réutilisés.

A noter qu’à l’issue d’une expérimentation et dans certaines conditions réglementées, certains animaux ont également la possibilité d’être replacés ou remis en liberté. Selon les espèces, cela peut-être dans un foyer (chats, chiens, rongeurs, chevaux), dans un système d’élevage adapté ou encore au sein de leur habitat naturel (animaux sauvages). Pour en savoir plus, n’hésitez pas à consulter notre article sur le sujet. Le nombre d’animaux replacés n’est pas indiqué dans l’enquête annuelle conduite par le Ministère de la recherche.

Quelles sont les procédures subies par les animaux ?

Dans le cadre de l’application de la règle des 3R, l’un des enjeux est de raffiner les procédures afin de réduire le plus possible toute douleur, souffrance, angoisse ou dommage que pourrait ressentir l’animal. La question du degré de gravité des procédures employés est ainsi l’objet d’une attention particulière.

De façon générale, 83% des animaux utilisés à des fins scientifiques sont inclus dans des procédures de niveau de gravité « légères » ou « modérées », c’est-à-dire qui sont susceptibles de provoquer une douleur, souffrance, angoisse légère ou modérée de courte durée, ou une angoisse légère de longue durée[7].

Les procédures dites « sévères » concernent 11,5 % des utilisations d’animaux. Dans le cadre de ce type de procédures, les animaux ont pu souffrir de façon plus intense ou durable, ce qui a pu obliger les chercheurs à les euthanasier de façon anticipée. Pour 97 %, ces procédures sévères sont appliquées aux souris (66%), poissons (23%) et rats (8%). Si aucun chat ou cheval n’est concerné, elles impliquent en revanche quelques chiens (225) et primates (un peu moins de 200). Environ 900 porcs ont également subi de telles procédures.

Enfin, il existe des procédures dites « sans réveil », c’est-à-dire qu’au terme d’une procédure expérimentale conduite entièrement sous anesthésie générale, l’animal ne reprend pas conscience et est donc euthanasié avant son réveil. Ce type de procédure concerne 4,7% des animaux utilisés.

Le saviez-vous ?

La directive européenne relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques fixe l’objectif ambitieux de remplacer totalement les « procédures appliquées à des animaux vivants à des fins scientifiques et éducatives, dès que ce sera possible sur un plan scientifique ».

[1] article 54.2 de la directive 2010/63/UE

[2] article R214-89 du Code rural

[3] Sauf, par dérogation du Ministère de l’Environnement, pour des recherches destinées à les étudier et les protéger

[4] Il s’agit de la recherche qui s’efforce de transposer les connaissances de la recherche fondamentale en applications concrètes (recherche appliquée).

[5] Ce sont des études imposées par des textes européens (comme le  règlement européen dit REACH) ou issus de l’OCDE. Des discussions sont en cours pour rationnaliser et donc réduire ce chiffre actuel de 24%.

[6] Cette règle a été formulée par Russel et Burch en 1959 avec l’optique de remplacer par d’autres méthodes dès que c’est possible l’utilisation d’animaux, de réduire au maximum pour chaque projet le nombre d’animaux utilisés et de raffiner aux mieux les pratiques afin de réduire le plus possible toute douleur, souffrance, angoisse ou dommage durables que pourraient ressentir les animaux.

[7] Vous pouvez retrouver la définition précise dans l’arrêté du 1er février 2013 relatif à l’évaluation éthique et à l’autorisation des projets : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000027038013

à retenir

CHIFFRE CLÉ

1,8M

Il s’agit du nombre d’utilisation d’animaux à des fins expérimentales en 2022

La présente directive représente une étape impor­ tante vers la réalisation de l’objectif final que constitue le remplacement total des procédures appliquées à des animaux vivants à des fins scientifiques et éducatives, dès que ce sera possible sur un plan scientifique.

DIRECTIVE RELATIVE A LA PROTECTION DES ANIMAUX UTILISES A DES FINS SCIENTIFIQUES