|   La chaire bien-être animal
  1. Home
  2. Actualités
  3. Evolutions et perspectives réglementaires sur le bien-être animal

Sommaire

Evolutions et perspectives réglementaires sur le bien-être animal

Le 2 octobre 2024, la Chaire bien-être animal organisait une matinée d’échanges sur l’évolution de la règlementation européenne relative au bien-être des animaux de production.

Après avoir présenté le processus législatif en cours (voir la présentation de Luc Mounier), nous avons convié plusieurs acteurs pour mieux comprendre leur implication dans le processus d’élaboration de cette règlementation et échanger sur leurs rôles dans son application sur le terrain.

Au cœur de cet échange se trouvaient Agathe Gignoux (CIWF France), Dominique Grasset (éleveur de volailles de chair, membre de Terrena et de l’interprofession ANVOL), Luc Mounier (scientifique, Chaire bien-être animal), Alexis Nalovic (vétérinaire praticien porc, cabinet EPIDALIS) et Romain Piovan (LIT Ouesterel).

Nous vous proposons ci-après une synthèse de ces échanges (non exhaustive, elle ne reflète pas nécessairement le point de vue de l’ensemble des intervenants).

à retenir

Le 2 octobre 2024, la Chaire bien-être animal organisait une matinée d’échanges sur l’évolution de la règlementation européenne relative au bien-être des animaux de production.

Après avoir présenté le processus législatif en cours (voir la présentation de Luc Mounier), nous avons convié plusieurs acteurs pour mieux comprendre leur implication dans le processus d’élaboration de cette règlementation et échanger sur leurs rôles dans son application sur le terrain.

Au cœur de cet échange se trouvaient Agathe Gignoux (CIWF France), Dominique Grasset (éleveur de volailles de chair, membre de Terrena et de l’interprofession ANVOL), Luc Mounier (scientifique, Chaire bien-être animal), Alexis Nalovic (vétérinaire praticien porc, cabinet EPIDALIS) et Romain Piovan (LIT Ouesterel). Nous vous proposons ci-après une synthèse de ces échanges (non exhaustive, elle ne reflète pas nécessairement le point de vue de l’ensemble des intervenants).

La construction de la législation européenne : un processus multi acteurs, avec différents niveaux

Les données scientifiques sont prises en compte dans la construction de la réglementation sur le bien-être des animaux, notamment à travers les avis EFSA qui constituent la base des propositions législatives européennes. Si l’indépendance des scientifiques dans ce processus semble garantie, il serait toutefois intéressant d’élargir le champ des sciences convoquées, notamment pour intégrer les sciences sociales, sciences économiques, etc. Cela permettrait de mieux prendre en compte la complexité des enjeux liés au bien-être animal…

Les interprofessions telles que ANVOL (interprofession de la volaille de chair) sont également impliquées dans le processus de construction de la réglementation européenne. Les positions défendues par les interprofessions ne sont assurément pas une posture de résistance au changement et aux évolutions sur le bien-être animal, mais il leur est nécessaire de bien veiller à ce que le temps octroyé pour les évolutions sur le terrain soit suffisant et qu’in fine, les éleveurs puissent vivre de leur métier.

Les vétérinaires praticiens, bien qu’ayant une vision et une expérience de terrain, ne sont pas nécessairement bien intégrés dans le processus de consultation préalable au niveau français. Ils peuvent être consultés néanmoins via leurs syndicats présents au sein des instances nationales.

Les vétérinaires peuvent échanger avec les associations de protection animale dans le cadre du CLAPAV (Comité de liaison associations de protection animale et vétérinaires), instance utile pour que les différents acteurs échangent et se mettent d’accord sur les évolutions réglementaires européennes souhaitables en amont des réunions institutionnelles.

La société civile est représentée dans le processus de consultation, bien que leur poids demeure relatif. Les ONG de protection animale sont consultées de façon formelle par les instances nationales dans lesquelles elles participent, mais il s’agit avant tout de consultation de principe, où les postures dominent. Le Ministère n’organise pas de réunions techniques en dehors des instances représentant les professionnels de l’élevage. Les ONG peuvent cependant jouer le rôle de relais de la voix des citoyens et d’interpellation des entreprises (notamment les distributeurs) ainsi que des politiques. A titre d’exemple, plusieurs associations européennes autour de CIWF (Compassion In World Farming) ont réuni 1,4 million de signatures de citoyens via une Initiative citoyenne européenne (ICE) en faveur de la fin des cages. Les ONG regrettent que ne leur soit pas aujourd’hui laissée la possibilité de contribuer à la construction de la règlementation via l’expertise technique de leurs spécialistes (éthologues, juristes).

guillements-vert-debut

Est-ce que le bien-être animal intéresse les consommateurs et les citoyens ? La réponse est majoritairement oui, c’est un sujet d’importance pour les 2.

Romain Piovan, LIT Ouesterel

Amandine Rave, Luc Mounier, Romain Piovan, Agathe Gignoux, Dominique Grasset, Alexis Nalovic

Les citoyens expriment un intérêt marqué pour le bien-être des animaux d’élevage : les études réalisées régulièrement depuis 2018 par le LIT Ouesterel montrent qu’en moyenne, près de 85% des français sont intéressés par ce sujet et placent la réglementation comme 2ème levier pour favoriser l’amélioration du bien-être animal.

Les citoyens peuvent concrétiser cet intérêt par leur vote, déléguant la question réglementaire au pouvoir législatif. Selon une étude menée par l’IFOP pour 30 Millions d’Amis début 2024, 52% des français déclaraient potentiellement prendre en compte les propositions en faveur de la cause animale dans le choix de leur candidat aux prochaines élections européennes. Enfin, au-delà du vote, les citoyens peuvent s’engager en faveur de ce sujet au travers de diverses actions comme le bénévolat, l’engagement ou les dons, plus complexes à analyser et quantifier. Par ailleurs, il est plus difficile d’affirmer que les comportements d’achat des consommateurs influent sur la réglementation d’une façon ou d’une autre. D’abord parce qu’il n’existe pas une offre significative différentiant explicitement les produits sur des critères de « bien-être animal ». Ensuite, si les citoyens sont seuls dans l’isoloir pour voter (gratuitement), ces mêmes citoyens devenus consommateurs sont soumis à de multiples contraintes : financières, normes sociales, etc. Cela ne les empêche pas de mettre en place différentes stratégies lors de leurs actes d’achat pour prendre en compte le bien-être animal, ce que déclarent faire 2/3 d’entre eux (voir les études qualitatives et quantitatives de comportement de consommation de produits carnés réalisées par le LIT Ouesterel). Enfin, quand il s’agit éventuellement de manifester un désaccord avec les modes d’élevage actuels, et donc indirectement avec la réglementation, les consommateurs peuvent mettre en place des stratégies qui sont basées sur l’évitement : ainsi, 2% de la population française se dit végétarienne principalement pour des raisons en lien avec le bien-être animal et 15% des français qui déclarent réduire leur consommation de viande le font pour des raisons en lien avec les conditions d’élevage (voir l’étude 2023 de l’ADEME).

Et ensuite sur le terrain : comment évoluent les pratiques ?

Sur le terrain, les éleveurs et professionnels anticipent parfois les évolutions réglementaires européennes en matière de bien-être animal. Par exemple, pour les truies, la perspective de la fin des cages se traduit par une conversion, petit à petit, des élevages à de nouveaux systèmes. Mais ces adaptations demandent du temps. La durée d’amortissement d’un bâtiment est de 15 ans, d’où la nécessité d’anticiper au maximum les évolutions à venir : la filière volaille peut en tenir compte dès à présent, comme certains actuellement avec l’installation de fenêtres pour faire rentrer la lumière naturelle dans les bâtiments, la réduction de la densité des poulets en bâtiment, des mesures d’enrichissement du milieu… Mais les filières exigent que le législateur impose des mesures miroirs garantissant que les produits importés de pays hors de l’Union européenne suivent les mêmes normes en matière de bien-être animal. Les ONG soutiennent également cette demande.

guillements-vert-debut

Je pense que tout le monde est prêt à faire beaucoup d’efforts en matière de bien-être animal mais pour cela, il faut que tout le monde joue les mêmes règles, d’où l’importance des mesures miroirs.

Dominique Grasset, éleveur, membre de Terrena et d’ANVOL

Plus qu’un rôle de contrôle dans l’application de la réglementation, le rôle des vétérinaires est plutôt d’accompagner les éleveurs dans l’évolution de leurs pratiques. On observe que la conduite du changement est plus facile quand on sensibilise un éleveur au bien-être de ses animaux, à leurs besoins fondamentaux, à leur bien-être au quotidien dans leur travail… que sur des enjeux strictement réglementaires. D’ailleurs, cela permet d’aller souvent plus loin que la réglementation qui est le socle minimum. Mais cela demande du temps car il faut acquérir la confiance de l’éleveur, faire preuve de pédagogie, vulgariser la science.

guillements-vert-debut

Ce que je fais sur le terrain en tant que vétérinaire, c’est que je sors le bien-être animal du contexte strictement réglementaire. Je propose la réalité scientifique et via l’éthologie, on arrive toujours à intéresser les éleveurs au sujet. 

Alexis Nalovic, vétérinaire

Au niveau du consommateur, des initiatives existent pour mettre en valeur les bonnes pratiques en matière de bien-être animal, comme c’est le cas par exemple de l’étiquette bien-être animal qui a été développée par CIWF et d’autres associations, avec la plupart des distributeurs et des producteurs ou transformateurs. Aujourd’hui, cette étiquette est déployée en France sur la volaille de chair vendue en grande et moyenne distribution : elle passe au crible 230 critères relatifs au bien-être qui couvrent l’ensemble de la vie de l’animal (de sa naissance à son abattage). A travers une notation dégressive allant de A (niveau supérieur) à E (niveau minimal), elle permet de communiquer au consommateur le niveau de bien-être de l’animal basé sur la mesure d’obligations de moyens et de résultats.

Perspectives : toujours plus de bien-être animal ?

La réglementation européenne sur le bien-être animal va dans le sens de « toujours plus de bien-être ». Toutefois, il faut rester prudent car la situation sur le terrain n’est pas toujours aussi linéaire et assurée. On le sait, le secteur agricole en France traverse une crise, des contraintes multifactorielles s’ajoutent (inflation, conflit en Ukraine, dérèglement climatique…) et la reprise des exploitations par les jeunes générations est une vraie question… qui peut être exacerbée par les enjeux autour du bien-être animal.

guillements-vert-debut

Si on stigmatise toujours les éleveurs sur la question du bien-être animal, cela peut impacter le renouvellement des générations d’agriculteurs.

Luc Mounier, Chaire Bien-être animal

Les difficultés de reprise des exploitations agricoles par les nouvelles générations modifient le paysage agricole global. Par exemple, avec le grossissement de la taille moyenne des exploitations, la question de l’accès à l’extérieur pour les bovins se pose de plus en plus et on observe la pratique du pâturage reculer.

guillements-vert-debut

Si on accepte plus de bien-être animal dans la réglementation, la situation sur le terrain est moins évidente :  on observe des systèmes d’élevage qui peuvent s’intensifier.

Agathe Gignoux, CIWF France

C’est pourquoi il semble important de s’engager pour le bien-être des animaux sur le terrain, sans attendre de nouvelles règlementations. En outre, le bien-être animal ne doit pas toujours être porté uniquement par l’éleveur : s’il s’agit d’une attente de la société, il est nécessaire que ce soit une démarche soutenue par tous les acteurs, depuis l’éleveur jusqu’au consommateur en passant par toute la chaine de production.

à retenir

CHIFFRE CLÉ

230

critères relatifs au bien-être animal sont pris en compte dans l’étiquette bien-être animal appliquée à la volaille de chair