La Chaire bien-être animal se propose aujourd’hui d’aborder avec Jérôme Michalon, sociologue et chargé de recherche au CNRS, l’importance des sciences humaines, et notamment de la sociologie, lorsqu’il s’agit d’étudier les thématiques en lien avec le bien-être animal. Nous allons plus particulièrement traiter de la question de la bienveillance à l’égard des animaux, constituée par Jérôme Michalon comme objet de recherche sociologique.

 Il peut exister une forme de décrochage, de découplage entre les intentions humaines positives à l’égard des animaux et les conséquences que la concrétisation de ces intentions peu avoir sur eux

JEROME MICHALON

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Comment les sciences humaines peuvent-elles se saisir du bien-être animal ?

Si le recours aux sciences dites expérimentales est nécessaire pour objectiver le bien-être des animaux, s’appuyer sur les sciences humaines paraît également essentiel pour appréhender les représentations humaines, leurs évolutions mais aussi les stratégies mises en place et les points de blocage

De fait, des paradoxes subsistent. Comment notamment expliquer que, malgré l’accroissement des attitudes bienveillantes vis-à-vis des animaux, ces derniers ne soient pas toujours bien traités ni dans un état de bien-être ?  Autrement dit, quelles sont les raisons pour lesquelles la volonté bientraitante vis-à-vis de l’animal ne rime pas toujours avec son bien-être ? Pourquoi certaines personnes, qui veulent pourtant le meilleur pour leurs animaux, peuvent susciter des situations de mal-être par méconnaissance ou inattention, en toute bonne foi ? 

Il apparaît ici que la sociologie, qui se préoccupe de comprendre les actions des humains, leurs représentations du monde, leurs comportements, attitudes et opinions, constitue un excellent outil pour fournir des réponses scientifiques à de telles problématiques. 

Bienveillance / Bientraitance / Bien-Être

Ainsi, si la Chaire bien-être animal a déjà abordé la différence entre bientraitance et bien-être, il s’agit désormais d’introduire un nouveau concept : celui de bienveillance.  Cette référence à la bienveillance constitue justement l’un des objets de recherche de Jérôme Michalon. Ainsi, il nous explique que si l’on peut faire aujourd’hui le constat d’une augmentation des attitudes et discours bienveillants à l’égard des animaux, cela n’aboutit pas toujours à ce qu’ils soient effectivement bien traités, voire dans un état de bien-être. Dès lors, comme il le dit lui-même : “A cette distinction entre « pratiques » (bientraitance) et « état » (bien-être), il faut rajouter la question de l’« intention » (bienveillance)

La différence entre les concepts de bienveillance, bientraitance et bien-être peut être résumée dans le tableau suivant :

 

De la sorte, en distinguant bienveillance, bientraitance et bien-être, nous sommes à même d’appréhender la problématique de la maltraitance involontaire ou, comme le dit Jérôme Michalon, de la « bienveillance non alignée sur des objectifs de bien être ». Ce sujet a d’ailleurs déjà été abordé par la chaire dans un article dédié.

 

D’un point de vue stratégique, s’interroger sur l’intention bienveillante des propriétaires d’animaux de compagnie, est en effet indispensable pour comprendre la forme de paradoxe dans lequel ces derniers peuvent se trouver, pensant faire le meilleur pour leur animal et à qui l’on va pourtant dire que leur animal souffre

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La référence à la bienveillance permet de mettre en lumière de nouveaux questionnements particulièrement intéressants à explorer

Le concept de bienveillance constitue notamment un bon outil pour appréhender la problématique du bien-être des animaux de compagnie. En effet, comme le souligne Jérôme Michalon dans son intervention, le bien-être de ces animaux, qui sont pourtant historiquement ceux qui ont cristallisé la plupart des intentions bienveillantes humaines, commence à peine, de façon très paradoxale, à faire l’objet d’une attention plus importante. Il existait, en effet, jusqu’ici l’idée très ancrée que, du fait de leur intégration dans le foyer de l’homme et de l’attention particulière dont ils faisaient l’objet, les animaux de compagnie étaient forcément bien traités et en état effectif de bien-être.

Par ailleurs, la référence à la bienveillance, permet aux chercheurs de disposer de moyens conceptuels pour mieux comprendre l’émergence des discours positifs à l’égard des animaux, et leur propension à rassembler de plus en plus individus issus de groupes sociaux distincts.

En définissant la bienveillance comme objet de recherche du sociologique, on se donne les moyens de comprendre la manière dont, historiquement émergent des discours positifs et bienveillants concernant les animaux, d’observer comment ces discours rassemblent des individus et groupes sociaux variés

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Pour en savoir plus

Si vous souhaitez aller plus loin sur la question, n’hésitez pas à consulter le chapitre que Jérôme Michalon a consacré à la question dans le Livre Blanc Le Bien-Être de l’Animal de Compagnie intitulé « Le bien-être des animaux de compagnie : la remise en question d’une évidence ? ».

à retenir

 Il peut exister une forme de décrochage, de découplage entre les intentions humaines positives à l’égard des animaux et les conséquences que la concrétisation de ces intentions peu avoir sur eux

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