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La proportion de personnes adoptant des régimes sans viande est de plus en plus importante, VRAI ou FAUX ?
Faux, cette proportion évolue peu et reste peu importante dans la population française, ainsi que dans les autres pays. On observe toutefois une diminution constante de la consommation moyenne de viande en France.


Quels sont les différents régimes alimentaires ?
Avant de donner les différentes proportions, il convient de bien définir de ce dont on parle.
On distingue différents types de régimes alimentaires :
- Le régime omnivore qui définit des personnes qui mangent indifféremment des produits d’origine animale et des produits d’origine végétale.
- Le régime végétarien qui définit des personnes qui ne mangent pas de chair d’origine animale (viande, poisson) mais qui mangent du lait ou des œufs.
- Le régime pescétarien qui définit des personnes qui ne mangent pas de viande mais qui mangent du poisson ou des fruits de mer.
- Le régime végétalien qui définit des personnes qui ne mangent que des produits d’origine végétale. Ils ne mangent donc pas de viande, de poisson ou de fruits de mer mais également pas de produits laitiers, pas d’œufs, pas de miel.
- Le régime flexitarien qui définit des personnes ayant un régime omnivore mais qui tendent à limiter leur consommation de produits d’origine animale.
💡A savoir
Il n’existe pas de définition officielle du flexitarisme et le fait de se déclarer flexitarien est subjectif. Les personnes se déclarant flexitariennes peuvent avoir des régimes alimentaires différents, en mangeant régulièrement ou très occasionnellement de la viande.

Le choix du régime alimentaire est bien évidemment individuel et chacun est libre de choisir le régime qui lui convient en fonction de ses capacités financières, de ses convictions, de ses envies, etc. Pour autant, une meilleure prise en compte du bien-être des animaux d’élevage et la nécessité de lutter contre la crise climatique, impliquent une réduction des produits d’origine animal, tout en privilégiant des produits plus respectueux et produits localement. En effet, le dernier rapport du GIEC[1] rappelle qu’une alimentation faible en protéines animales est associée à moins de gaz à effet de serre.
Pour résumer :

Quelle est la proportion des différents types de régimes alimentaires dans la population française ?
Les données présentées ci-dessous proviennent de l’enquête IFOP réalisée pour FranceAgriMer du 30 septembre au 08 novembre 2020 auprès de 15000 personnes âgées de 15 à 70 ans et représentatives de la population française[2]. D’après cette étude :
- La proportion d’omnivores est la plus importante avec 74% des personnes interrogées, ce qui représente environ 33 millions de personnes si on ramène cette proportion à l’ensemble de la population française âgée de 15 à 70 ans (44.5 millions selon INSEE 2020).
- La proportion de flexitariens déclarés est de 24% des personnes interrogées, soit un peu plus de 10 millions de personnes.
- La proportion des personnes déclarant un régime alimentaire sans viande est relativement faible (2.2%), et la proportion de personnes ayant un régime végétalien l’est encore plus (0.3%). Ce qui correspond respectivement à un peu moins de 1 million de personnes et un peu plus de 100 000 personnes.

Une autre étude, réalisée par Statista en 2022, donne des proportions légèrement plus élevées avec 3% de végétariens et 3% de végans.
Il est intéressant de noter que la notion de flexitarisme est relative et permet vraisemblablement plus de mesurer une volonté de diminuer qu’une quantité réellement consommée.
En effet, d’après une enquête Ipsos réalisée pour Interbev en avril 2021[3] auprès de 1008 personnes de 18 ans et plus, 59% des personnes qui déclaraient connaitre la définition du flexitarisme définissaient un flexitarien comme « une personne qui mange de tout, y compris de la viande et du poisson en quantité raisonnable et en se souciant de leur mode de production » alors que 41% le définissaient comme « une personne qui suit un régime végétarien, mais s’autorise à manger de la viande et du poisson à certaines occasions (restaurants, repas de fête…) ».
Ainsi, 29% des flexitariens déclarent manger de la viande tous les jours alors que 11% des omnivores déclarent limiter leur consommation de viande et en consommer moins d’une fois par jour, donc moins que certains flexitariens[4].
💡Pour résumer
La proportion de Français déclarant un régime alimentaire sans viande reste minoritaire dans la population. Il est compris entre 2 et 6% selon les différentes études.
Et dans les autres pays ?
Les différentes études montrent que dans d’autres pays européens (Allemagne, Espagne, Royaume-Uni), la proportion de personnes déclarant un régime sans viande est également relativement faible.
Ainsi, une enquête du CREDOC (Centre de Recherche pour l’Étude et l’Observation des Conditions de Vie) réalisée en 2018 pour FranceAgriMer et l’OCHA (Observatoire CNIEL des Habitudes Alimentaires)[5] indique que la proportion de personnes se déclarant végétariennes ou végétaliennes est de 5.6% pour l’Allemagne, 2.8% pour l’Espagne et 8% pour le Royaume-Uni.

Cette étude montre également une différence entre le pourcentage de personnes se déclarant végétariennes ou végétaliennes et la proportion de personnes déclarant ne jamais consommer de produits carnés, qui est plus faible. Cette différence de pourcentage entre la déclaration du régime alimentaire et l’acte de ne jamais manger de viande indique que les définitions ne sont peut-être pas toujours claires pour tous, ou alors que certaines personnes se déclarent « globalement » végétariennes ou végétaliennes, mais s’autorisent parfois quelques écarts à leur régime alimentaire.
A l’échelle mondiale, les proportions de végétaliens et de végétariens restent à peu près identiques entre les différents pays (entre 3 et 10%), sauf en Inde où 14% des personnes se déclarent végétaliens et 26% végétariens[6].

Quelle est l’évolution des régimes alimentaires et de la consommation de produits carnés ?
En 2016, 10% des Français déclaraient envisager de devenir végétariens, chiffre encore plus important en 2021 avec 32% qui se déclaraient (certainement ou probablement) prêt à arrêter de consommer de la viande[7]. Cependant, selon des sondages OpinionWay / Terra eco[8], le nombre de végétariens reste constant en France depuis 2012.
Pour autant, même si le nombre de végétariens n’augmente pas, on constate en France une diminution constante de la consommation globale de viande entre 1992 et 2018[9]. Ainsi, chaque Français mangeait en moyenne 105 Kgec[10]de viande par an en 1992 contre en moyenne 88 Kgec de viande par an en 2018, soit une diminution de 15% en un peu plus de 25 ans. Il faut toutefois noter que la consommation de viande de volaille est, aujourd’hui encore, en constante augmentation.

Une autre étude du CREDOC[11] confirme cette évolution avec une diminution de la quantité moyenne de produits carnés consommés par jour de 153 g à 135 g entre 2007 et 2016, et également une baisse du nombre de fois où de la viande est consommée avec une fréquence de 11.8 repas avec viande par semaine en 2007 et 10.1 en 2016. Cette évolution est plus marquée chez les ouvriers et chez les cadres que dans le reste de la population, mais vraisemblablement pour des raisons différentes.

Enfin, cette étude montre que les 18-24 ans sont les plus grands consommateurs de produits carnés avec 148 g en moyenne par jour[12], alors que dans le même temps, c’est dans cette tranche d’âge que l’on trouve la proportion de végétariens et de végétaliens la plus importante, avec 4 et 6% de déclarés en France[13].
Quelles sont les raisons d’un changement de régime alimentaire ?
Plusieurs raisons peuvent expliquer un changement de régime alimentaire vers une moindre consommation de viande : économiques, éthiques, de santé, ou encore de goût.
Les végétariens et les végans ont adopté un régime sans viande principalement pour des raisons éthiques, et notamment relatives au bien-être des animaux.
Les flexitariens, quant à eux, ont diminué leur consommation de viande d’abord pour des raisons de santé, puis pour des raisons éthiques (bien-être animal et préservation de l’environnement). Le coût n’est pas une raison prioritaire de diminution de la consommation de viande pour ces deux populations, mais elle peut l’être pour certains omnivores[14].

Quelles perspectives pour les prochaines années ?
Difficile de répondre à la question des évolutions pour les années futures, mais il est probable que la consommation de viande continue de baisser, et ce quelles que soient les raisons invoquées (santé, finances, environnement, bien-être animal, etc.).
Le Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire a fait réaliser en 2017 une étude prospective sur les comportements alimentaires à horizon 2025[15] et a produit 16 fiches « tendances et impacts ». La fiche consacrée à la consommation de protéines animales[16] anticipe que la consommation de protéines animales va continuer de diminuer en France, avec une augmentation du flexitarisme et une augmentation de la consommation de protéines végétales (légumineuses, céréales). Elle indique qu’a priori, la consommation d’insectes devrait rester anecdotique en France pour l’alimentation humaine[17]. Enfin, si la consommation de viande de synthèse est relativement médiatisée, elle n’est pour le moment pas autorisée en France et la production n’est pas encore industrialisée.
La tendance au flexitarisme se confirme dans des sondages plus récents. Selon une étude IFOP et Just Eat[18]réalisée en 2021, 65% des sondés songeaient à adopter un régime flexitarien. Cette tendance pourrait expliquer le développement récent d’une offre de produits végétariens ou végans, ce qui peut donner l’impression d’un nombre important de végétariens et végans stricts alors qu’ils sont au final peu nombreux au sein de la population. En effet, l’institut d’études économiques Xerfi estimait ainsi que le flexitarisme serait l’un des principaux moteurs du marché végétarien et végan avec un potentiel économique à 600 millions d’euros en 2025[19].
Pour résumer

[1] https://report.ipcc.ch/ar6/wg2/IPCC_AR6_WGII_FullReport.pdf
[2] https://www.franceagrimer.fr/Actualite/Etablissement/2021/VEGETARIENS-ET-FLEXITARIENS-EN-FRANCE-EN-2020
[3] https://www.interbev-pdl.fr/_medias/PDLO/documents/cpinterbevcampagnecomcollectivesaison2.pdf
[4] https://www.franceagrimer.fr/Actualite/Etablissement/2021/VEGETARIENS-ET-FLEXITARIENS-EN-FRANCE-EN-2020
[5]https://www.franceagrimer.fr/fam/content/download/62309/document/11_Synth%C3%A8se%20Panorama%20v%C3%A9g%C3%A9tarisme%20en%20Europe.pdf?version=1
[6] https://fr.statista.com/infographie/28645/pourcentage-de-personnes-qui-suivent-un-regime-vegan-ou-vegetarien-par-pays/
[7] http://harris-interactive.fr/wp-content/uploads/sites/6/2021/09/Rapport_Harris_-_Animaux_et_societe_Cetelem.pdf
[8] https://www.terraeco.net/Sondage-qui-sont-les-vegetariens,64594.html
[9] https://www.agreste.agriculture.gouv.fr/agreste-web/download/publication/publie/Pri2004/Primeur%202020-4%20ConsoViande.pdf
[10] Kilogramme équivalent carcasse
[11] https://www.credoc.fr/publications/les-nouvelles-generations-transforment-la-consommation-de-viande
[12] https://www.credoc.fr/publications/les-nouvelles-generations-transforment-la-consommation-de-viande
[13] https://www.statista.com/forecasts/768475/vegetarianism-and-veganism-among-young-adults-in-selected-european-countries
[14] https://www.franceagrimer.fr/Actualite/Etablissement/2021/VEGETARIENS-ET-FLEXITARIENS-EN-FRANCE-EN-2020
[15] https://agriculture.gouv.fr/comportements-alimentaires-la-france-en-2025
[16] https://agriculture.gouv.fr/telecharger/84019
[17] Les insectes sont considérés comme des aliments depuis janvier 2018 dans la réglementation européenne. La France n’a toutefois pas encore autorisé la mise sur le marché des insectes comme aliments destinés à l’alimentation humaine.
[18] https://d200r6uh7skyrf.cloudfront.net/articles/57026/cp-datalicious-just-eat-2021-ok.pdf
[19] https://www.xerfi.com/blog/L-alimentation-vegetarienne-et-vegane-un-marche-en-voie-de-democratisation-_910
Les poissons ne ressentent pas la douleur, VRAI ou FAUX ?
FAUX, il a été montré que les poissons sont en mesure de ressentir de la douleur, mais aussi d’autres émotions !

On vous en dit plus avec Sébastien Moro, vulgarisateur scientifique dans le domaine de la cognition animale qui s’est particulièrement intéressé aux poissons dans sa BD Les paupières des poissons (aux éditions La Plage) avec Fanny Vaucher.

« Arrêtons-nous tout d’abord sur quelques points concernant ces animaux que sont les poissons.

Les poissons s’étendent sur une diversité d’habitats immense. Ils possèdent la plus grande palette de systèmes olfactifs et auditifs chez les vertébrés. Certaines espèces vivent à peine un mois quand d’autres voient s’écouler les siècles. Il existe des poissons de la taille d’un ongle, d’autres d’un autobus. On les pense invariablement pourvus d’écailles, mais plusieurs espèces n’en ont pas.
On en trouve qui produisent de l’électricité ou qui ne peuvent pas respirer sous l’eau ! Les poissons peuvent être ovipares, vivipares ou ovovivipares (ovipares dont les œufs éclosent à l’intérieur du corps maternel) ! Ils peuvent être mâles, femelles, ou les deux, voire changer au cours de leur vie ! Ils peuvent vivre dans l’obscurité glaciale des profondeurs ou dans la chaleur colorée des récifs. Bref, les mondes de ces animaux sont d’une richesse inimaginable.
Cependant, l’univers mental des poissons nous reste encore largement inconnu et beaucoup de découvertes à leur sujet sont extrêmement récentes.

Jusqu’au début des années 2000, le consensus scientifique s’établissait autour de l’incapacité des poissons à ressentir subjectivement la douleur. Cette position s’appuyait sur des données comparatives qui montraient des différences importantes entre le système nerveux des mammifères et celui des poissons.
Mais avant d’aller plus loin, faisons un point sur les mécanismes de la douleur et de son traitement nerveux.
Une réaction physique à un stimulus potentiellement douloureux n’implique pas nécessairement une perception mentale de la douleur[1].
Par exemple, quand un animal réagit à une blessure, il peut le faire par simple réflexe, comme lorsqu’on retire instantanément notre main d’une plaque brûlante. Dans ce cas précis, il n’y a pas de traitement conscient de l’information : on retire la main avant même d’avoir eu conscience de la brûlure. La douleur est un phénomène qui intervient dans un second temps. C’est une information subjective qui n’est pas entièrement transmise par les mêmes fibres nerveuses et qui est traitée par des zones spécifiques du cerveau.
Or, tous ces mécanismes de transmission et de traitement de l’information présent chez les mammifères étaient apparemment absents chez les poissons[2].

D’après les connaissances à disposition à cette époque, il était donc cohérent de penser que les poissons ne ressentaient pas la douleur.
Cependant, de plus en plus d’études montrent la capacité des poissons à ressentir consciemment la douleur…
Depuis une publication phare de 2003 par Lynne Sneddon, Victoria Braithwaite et Michael Gentle[3], qui a mis la question de la capacité des poissons à ressentir la douleur sur le devant de la scène, de nombreuses études se sont penchées sur le sujet, provoquant une grande quantité de discussions et réflexions au sein de la communauté scientifique[4].
Il a depuis été démontré à de nombreuses reprises que les réactions à des stimuli douloureux, chez plusieurs espèces de poissons testées, ne sont pas de simples réflexes[5]. Cette douleur peut influencer l’attention qu’ils prêtent à leur environnement[6] et l’apparition de certains comportements anormaux spécifiques semble cohérente avec l’existence d’une douleur consciente[7].

Ainsi, deux publications de 2006 et 2008 ont montré que les poissons rouges apprennent rapidement à éviter la zone d’un aquarium où ils reçoivent des chocs électriques et que plus les chocs sont importants, plus rapidement ils apprennent et plus longtemps ils s’en souviennent. Contrairement au mythe populaire, les poissons rouges ont une excellente mémoire ! Si l’on ajoute de la nourriture dans cette zone, et que les poissons sont privés d’alimentation, ils vont alors braver les chocs électriques pour s’alimenter. Les poissons semblent capables d’influencer volontairement leur réaction « instinctive » de fuir la zone dangereuse, et ces décisions prennent en compte l’intensité des chocs et leur faim plus ou moins grande[8]. Nous ne sommes donc manifestement pas en présence de simples réflexes, puisque les animaux se révèlent aptes à exercer un contrôle précis et flexible sur leurs réactions.
La douleur, lorsqu’elle est consciente, est un phénomène qui absorbe une grande partie de notre attention et nous empêche de nous concentrer sur ce qui nous entoure. Si un poisson la perçoit d’une manière ressemblante, on pourrait imaginer le même type de perturbation.
Pour tester ça, une autre expérience s’est intéressée à la façon dont la douleur pouvait influencer l’attention des truites arc-en-ciel.
En temps normal, ces animaux sont néophobes, c’est-à-dire qu’ils craignent la nouveauté. Lorsque l’on insère un nouvel objet dans leur bassin, les truites s’en éloignent et le considèrent avec prudence. En revanche, lorsqu’elles sont blessées, elles semblent ne plus du tout le prendre en compte et vont même jusqu’à le percuter en nageant ! En d’autres termes, les truites changent complètement de comportement et agissent comme si elles avaient « la tête ailleurs ». Un point très intéressant, c’est qu’après administration d’un analgésique, tout revient à la normale : les truites évitent à nouveau l’objet[9].
Plusieurs pistes ont également été soulevées pour expliquer comment l’information est transmise et traitée par leur système nerveux, et notamment par des structures homologues entre leur cerveau et celui des mammifères[10].

💡En résumé !
Il a été montré que les poissons osseux sont capables de ressentir la douleur de façon consciente et qu’il ne s’agit pas d’un simple réflexe. Cette douleur s’exprime notamment par des réponses comportementales qui témoignent d’un stress et d’une détresse de la part des poissons.
Les poissons, doués de sensibilité ?
Vers la fin des années 2010, les recherches vont beaucoup plus loin et se proposent d’étudier les émotions des poissons de manière plus précise et complète.

En 2018, Marco Cerqueira et ses collègues observent les variations comportementales, cérébrales et physiologiques des daurades selon qu’une situation est positive (nourriture) ou négative (sortie de l’eau) et prévisible (liée à l’allumage d’une lumière) ou imprévisible (sans aucun lien avec l’allumage de la lumière). Ils découvrent que ces facteurs induisent des réactions très différentes chez ces animaux, mais surtout que la perception qu’ont les poissons d’un stimulus environnemental influence leurs états émotionnels. Par exemple, si une situation négative est prévisible, elle produira un niveau de stress plus faible qu’une situation négative imprévisible[11]. Le stimulus extérieur n’est donc pas le seul déclencheur des émotions du poisson, mais sa propre évaluation de la situation pèse également dans la balance !
Puisque les émotions impactent également nos comportements, l’une des manières de les étudier chez les animaux consiste à observer la façon dont elles modifient leurs prises de décision.
Un animal qui vit dans un milieu difficile et se retrouve confronté à de nombreuses expériences éprouvantes aura tendance à éviter de prendre des risques, car à chaque fois qu’il en a pris par le passé, ça s’est souvent soldé par des résultats négatifs. Cet animal développe alors ce qu’on appelle un biais de jugement « pessimiste ».
En revanche, un animal dont la vie se déroule à merveille, les ressources sont abondantes et chaque nouvelle exploration se solde par un succès, aura tendance à facilement prendre des risques, puisque ça lui a toujours réussi jusque-là. Cet animal développe alors un biais de jugement « optimiste ».
Ces biais, communément appelés « biais de jugement », sont à la source de tests très largement employés chez les mammifères, notamment dans les expériences sur le bien-être des animaux d’élevage.
Voilà à quoi pourrait ressembler le protocole si nous en étions le sujet.
Nous apprenons qu’une couleur, disons « vert », correspond toujours à une récompense et qu’une autre, disons « rouge », représente toujours une punition.
Face à nous, un mur percé de 5 portes. Derrière la verte, nous gagnons 100€. Derrière la rouge, nous recevons une gifle. Les portes intermédiaires ont des couleurs en gradient allant du rouge au vert (cf schéma ci-dessous). Nous n’avons aucune idée de ce qu’il y a derrière, nous ne pouvons que le supposer par rapport à ce que nous avons trouvé derrière la verte et la rouge.
En moyenne, la plupart des personnes essayent d’ouvrir les portes en allant de la verte jusqu’à celle du milieu : elles prennent alors des risques modérés. Cependant, un sujet qui a vécu préalablement des expériences négatives aura une plus forte tendance à se cantonner à la porte verte, ou à celle juste à côté de celle-ci. Il prendra moins de risques, il sera plus sensible à l’échec : c’est le biais de jugement pessimiste.
Au contraire, un individu qui vient de vivre des expériences plaisantes aura tendance à prendre plus de risques et s’aventurera plus facilement jusqu’à la porte orange : c’est un biais de jugement optimiste (mais voir[12]).


Des travaux français ont révélé qu’une femelle Amatitlania Siquia (espèce qui vit en couple stable) que l’on met en relation avec un mâle qui ne lui plaît pas, aura tendance à avoir une vie de couple houleuse, un succès reproductif faible et surtout, un comportement général plus pessimiste que si elle peut rejoindre le conjoint qu’elle préfère, pessimisme confirmé par le résultat au test de biais de jugement[13].
Ainsi, par comparaison avec ce qu’on sait des mammifères, cette étude permet de conclure que les poissons sont capables développer des biais de jugement et que leurs émotions vécues influencent leur réaction à des évènements futurs.
💡En résumé !
Les poissons sont capables de ressentir des émotions négatives et positives. Ils peuvent même faire preuve d’optimisme ou de pessimisme. Cela influence leur réaction à des événements futurs !
Une nécessité de prendre en compte la sensibilité des poissons
Aujourd’hui, un nouveau consensus scientifique prend forme et s’établit sur la capacité des poissons à ressentir la douleur, même s’il nous reste encore beaucoup à comprendre[14]. Nous commençons tout juste à étudier les autres types d’émotions qu’ils pourraient percevoir et les premiers résultats sont fascinants[15]. Dans les 20 dernières années, des aptitudes mentales insoupçonnées ont également été découvertes chez ces animaux.
En effet, nous savons aujourd’hui que certains poissons peuvent faire preuve de self-control[16], évaluer des quantités[17], avoir une excellente notion du temps qui passe[18], utiliser des outils[19], faire attention à leur image[20], manipuler les autres[21], inventer des méthodes de communication inter-espèces[22], chasser en groupe et de manière coordonnée[23] ou encore développer des traditions culturelles[24].
Les poissons n’ont rien à envier aux oiseaux et aux mammifères, primates y compris, si on considère leurs résultats à certains tests cognitifs complexes[25]. Mais malgré cela, nous ne connaissons qu’une infime partie de ce qui peut se passer dans la tête d’une minuscule partie de ces espèces. Il nous reste encore tant de choses à découvrir sur eux[26], tant de mystères fascinants et étranges à explorer chez nos cousins aquatiques.
Chaque année nous tuons (au minimum) entre 1000 et 3000 milliards de poissons pour la pêche commerciale au niveau mondial[27]. En aquaculture, il n’existe aujourd’hui aucune réelle règlementation de bien-être animal au niveau européen[28], ni au niveau national en France. En Occident, les poissons sont majoritairement élevés en systèmes d’élevage intensif[29]. Ils sont de très loin les vertébrés que nous décimons à la plus grande échelle. Espérons que ces découvertes nous permettront d’un peu mieux les respecter et de les protéger avant que les poissons ne disparaissent définitivement de la planète. »
Pour résumer

Pour aller plus loin
Voici quelques planches extraites du livre de Sébastien Moro et Fanny Vaucher Les paupières des poissons (aux éditions La Plage) :
D’après vous les poissons se suicident-ils ?


Un poisson peut-il anticiper une situation à venir et agir en conséquence ?

Pour consulter le site internet de Sébastien Moro.
[1] Lynne U. Sneddon et al., « Defining and Assessing Animal Pain », Animal Behaviour 97 (novembre 2014): 201‑12, https://doi.org/10.1016/j.anbehav.2014.09.007.
[2] James D. Rose, « The Neurobehavioral Nature of Fishes and the Question of Awareness and Pain », Reviews in Fisheries Science10, no 1 (janvier 2002): 1‑38, https://doi.org/10.1080/20026491051668 ; J D Rose et al., « Can Fish Really Feel Pain? », Fish and Fisheries 15, no 1 (mars 2014): 97‑133, https://doi.org/10.1111/faf.12010.
[3] L. U. Sneddon, V. A. Braithwaite, et M. J. Gentle, « Do Fishes Have Nociceptors? Evidence for the Evolution of a Vertebrate Sensory System », Proceedings of the Royal Society of London. Series B: Biological Sciences 270, no 1520 (7 juin 2003): 1115‑21, https://doi.org/10.1098/rspb.2003.2349
[4] https://www.wellbeingintlstudiesrepository.org/animsent/vol1/
[5] Sarah Millsopp et Peter Laming, « Trade-Offs between Feeding and Shock Avoidance in Goldfish (Carassius Auratus) », Applied Animal Behaviour Science 113, no 1‑3 (septembre 2008): 247‑54, https://doi.org/10.1016/j.applanim.2007.11.004.
[6] Paul J. Ashley et al., « Effect of Noxious Stimulation upon Antipredator Responses and Dominance Status in Rainbow Trout », Animal Behaviour 77, no 2 (février 2009): 403‑10, https://doi.org/10.1016/j.anbehav.2008.10.015.
[7] Lynne U Sneddon, « The Evidence for Pain in Fish: The Use of Morphine as an Analgesic », Applied Animal Behaviour Science 83, no 2 (septembre 2003): 153‑62, https://doi.org/10.1016/S0168-1591(03)00113-8.
[8] Rebecca Dunlop, Sarah Millsopp, et Peter Laming, « Avoidance Learning in Goldfish (Carassius Auratus) and Trout (Oncorhynchus Mykiss) and Implications for Pain Perception », Applied Animal Behaviour Science 97, no 2‑4 (mai 2006): 255‑71, https://doi.org/10.1016/j.applanim.2005.06.018 ; Millsopp et Laming, « Trade-Offs between Feeding and Shock Avoidance in Goldfish (Carassius Auratus) ».
[9] Lynne U Sneddon, Victoria A Braithwaite, et Michael J Gentle, « Novel Object Test: Examining Nociception and Fear in the Rainbow Trout », The Journal of Pain 4, no 8 (octobre 2003): 431‑40, https://doi.org/10.1067/S1526-5900(03)00717-X.
[10] Macquarie University, Culum Brown, et Catherine Dorey, « Pain and Emotion in Fishes – Fish Welfare Implications for Fisheries and Aquaculture », Animal Studies Journal 8, no 2 (1 décembre 2019): 175‑201, https://doi.org/10.14453/asj.v8i2.12 ; Lynne U. Sneddon, « Evolution of Nociception and Pain: Evidence from Fish Models », Philosophical Transactions of the Royal Society B: Biological Sciences 374, no 1785 (11 novembre 2019): 20190290, https://doi.org/10.1098/rstb.2019.0290 ; Jakob William Trotha, Philippe Vernier, et Laure Bally‐Cuif, « Emotions and Motivated Behavior Converge on an Amygdala‐like Structure in the Zebrafish », European Journal of Neuroscience 40, no 9 (novembre 2014): 3302‑15, https://doi.org/10.1111/ejn.12692 ; C. Broglio et al., « Hallmarks of a Common Forebrain Vertebrate Plan: Specialized Pallial Areas for Spatial, Temporal and Emotional Memory in Actinopterygian Fish », Brain Research Bulletin 66, no 4‑6 (septembre 2005): 277‑81, https://doi.org/10.1016/j.brainresbull.2005.03.021.
[11] M. Cerqueira et al., « Cognitive Appraisal of Environmental Stimuli Induces Emotion-like States in Fish », Scientific Reports 7, no 1 (décembre 2017): 13181, https://doi.org/10.1038/s41598-017-13173-x.
[12] Paul, Elizabeth & Browne, William & Mendl, Michael & Caplen, Gina & Trevarthen, Anna & Held, Suzanne & Nicol, Christine. (2022). Assessing animal welfare: a triangulation of preference, judgement bias and other candidate welfare indicators. Animal Behaviour. 186. https://doi.org/10.1016/j.anbehav.2022.02.003
[13] Chloé Laubu, Philippe Louâpre, et François-Xavier Dechaume-Moncharmont, « Pair-Bonding Influences Affective State in a Monogamous Fish Species », Proceedings of the Royal Society B: Biological Sciences 286, no 1904 (12 juin 2019): 20190760, https://doi.org/10.1098/rspb.2019.0760.
[14] Culum Brown, « Fish Intelligence, Sentience and Ethics », Animal Cognition 18, no 1 (janvier 2015): 1‑17, https://doi.org/10.1007/s10071-014-0761-0 ; Lynne U. Sneddon et al., « Fish Sentience Denial: Muddying the Waters », Animal Sentience 3, no 21 (1 janvier 2018), https://doi.org/10.51291/2377-7478.1317 ; Mendl, Michael & Neville, Vikki & Paul, Elizabeth. (2022). Bridging the Gap: Human Emotions and Animal Emotions. Affective Science. https://doi.org/10.1007/s42761-022-00125-6 ; Pierre Le Neindre et al., La conscience des animaux (éditions Quae, 2018), https://doi.org/10.35690/978-2-7592-2871-3 ; G. J. Mason et J. M. Lavery, « What Is It Like to Be a Bass? Red Herrings, Fish Pain and the Study of Animal Sentience », Frontiers in Veterinary Science 9 (27 avril 2022): 788289, https://doi.org/10.3389/fvets.2022.788289.
[15] Victoria A. Braithwaite, Felicity Huntingford, et Ruud van den Bos, « Variation in Emotion and Cognition Among Fishes », Journal of Agricultural and Environmental Ethics 26, no 1 (février 2013): 7‑23, https://doi.org/10.1007/s10806-011-9355-x ; Chloé Laubu, Philippe Louâpre, et François-Xavier Dechaume-Moncharmont, « Pair-Bonding Influences Affective State in a Monogamous Fish Species », Proceedings of the Royal Society B: Biological Sciences 286, no 1904 (12 juin 2019): 20190760, https://doi.org/10.1098/rspb.2019.0760 ; Ibukun Akinrinade et al., « Oxytocin Regulation of Social Transmission of Fear in Zebrafish Reveals Its Evolutionary Conserved Role in Emotional Contagion », preprint (Animal Behavior and Cognition, 6 octobre 2021), https://doi.org/10.1101/2021.10.06.463413.
[16] Noa Truskanov, Yasmin Emery, et Redouan Bshary, « Juvenile Cleaner Fish Can Socially Learn the Consequences of Cheating », Nature Communications 11, no 1 (décembre 2020): 1159, https://doi.org/10.1038/s41467-020-14712-3.
[17] Christian Agrillo, Maria Elena Miletto Petrazzini, et Angelo Bisazza, « Numerical Abilities in Fish: A Methodological Review », Behavioural Processes 141 (août 2017): 161‑71, https://doi.org/10.1016/j.beproc.2017.02.001.
[18] Lucie H. Salwiczek et Redouan Bshary, « Cleaner Wrasses Keep Track of the ‘When’ and ‘What’ in a Foraging Task1: Cleaner Wrasses Keep Track of the ‘When’ and ‘What’ in a Foraging Task », Ethology 117, no 11 (novembre 2011): 939‑48, https://doi.org/10.1111/j.1439-0310.2011.01959.x.
[19] Culum Brown, « Tool Use in Fishes: Tool Use in Fishes », Fish and Fisheries 13, no 1 (mars 2012): 105‑15, https://doi.org/10.1111/j.1467-2979.2011.00451.x ; Michael J. Kuba, Ruth A. Byrne, et Gordon M. Burghardt, « A New Method for Studying Problem Solving and Tool Use in Stingrays (Potamotrygon Castexi) », Animal Cognition 13, no 3 (mai 2010): 507‑13, https://doi.org/10.1007/s10071-009-0301-5.
[20] S. Tebbich, R. Bshary, et A. Grutter, « Cleaner Fish Labroides Dimidiatus Recognise Familiar Clients », Animal Cognition 5, no 3 (septembre 2002): 139‑45, https://doi.org/10.1007/s10071-002-0141-z.
[21] Redouan Bshary et Alexandra S Grutter, « Punishment and Partner Switching Cause Cooperative Behaviour in a Cleaning Mutualism », Biology Letters 1, no 4 (22 décembre 2005): 396‑99, https://doi.org/10.1098/rsbl.2005.0344 ; Jan Naef et Michael Taborsky, « Punishment Controls Helper Defence against Egg Predators but Not Fish Predators in Cooperatively Breeding Cichlids », Animal Behaviour 168 (octobre 2020): 137‑47, https://doi.org/10.1016/j.anbehav.2020.08.006.
[22] Alexander L. Vail, Andrea Manica, et Redouan Bshary, « Referential Gestures in Fish Collaborative Hunting », Nature Communications 4, no 1 (juin 2013): 1765, https://doi.org/10.1038/ncomms2781 ; Alexander L. Vail, Andrea Manica, et Redouan Bshary, « Fish Choose Appropriately When and with Whom to Collaborate », Current Biology 24, no 17 (septembre 2014): R791‑93, https://doi.org/10.1016/j.cub.2014.07.033.
[23] Redouan Bshary et al., « Interspecific Communicative and Coordinated Hunting between Groupers and Giant Moray Eels in the Red Sea », éd. par Frans de Waal, PLoS Biology 4, no 12 (5 décembre 2006): e431, https://doi.org/10.1371/journal.pbio.0040431 ; Matthew E Arnegard et Bruce A Carlson, « Electric Organ Discharge Patterns during Group Hunting by a Mormyrid Fish », Proceedings of the Royal Society B: Biological Sciences 272, no 1570 (7 juillet 2005): 1305‑14, https://doi.org/10.1098/rspb.2005.3101.
[24] Gene Helfman, « Social transmission of behavioural traditions in a coral reef fish », Animal Behaviour 31, n°2 (mai 1984), https://doi.org/10.1016/S0003-3472(84)80272-9 ; Culum Brown et Kevin N Laland, « Social Learning in Fishes: A Review », Fish and Fisheries 4, no 3 (septembre 2003): 280‑88, https://doi.org/10.1046/j.1467-2979.2003.00122.x ; Warner, Robert. (1988). Traditionality of mating-site preferences in a coral reef fish. Nature. https://doi.org/10.1038/335719a0.
[25] Lucie H. Salwiczek et al., « Adult Cleaner Wrasse Outperform Capuchin Monkeys, Chimpanzees and Orang-Utans in a Complex Foraging Task Derived from Cleaner – Client Reef Fish Cooperation », éd. par Elsa Addessi, PLoS ONE 7, no 11 (21 novembre 2012): e49068, https://doi.org/10.1371/journal.pone.0049068 ; Masanori Kohda et al., « Further Evidence for the Capacity of Mirror Self-Recognition in Cleaner Fish and the Significance of Ecologically Relevant Marks », éd. par Frans B. M. de Waal, PLOS Biology 20, no 2 (17 février 2022): e3001529, https://doi.org/10.1371/journal.pbio.3001529.
[26] Matthew G. Salena et al., « Understanding Fish Cognition: A Review and Appraisal of Current Practices », Animal Cognition 24, no3 (mai 2021): 395‑406, https://doi.org/10.1007/s10071-021-01488-2 ; Becca Franks, Christopher Ewell, et Jennifer Jacquet, « Animal Welfare Risks of Global Aquaculture », Science Advances 7, no14 (2 avril 2021): eabg0677, https://doi.org/10.1126/sciadv.abg0677.
[27] http://fishcount.org.uk/fish-count-estimates-2/numbers-of-fish-caught-from-the-wild-each-year
[28] Eurogroup for Animals (2018). Looking beneath the surface : Fish welfare in european aquaculture
Les haies sont indispensables au bien-être des animaux vivant en plein air, VRAI ou FAUX ?
Vrai… Les haies sont bénéfiques au bien-être des animaux car elles permettent :
▸ L’expression de comportements naturels tels que le comportement de grattage chez les ruminants
▸ L’amélioration du confort thermique en procurant de l’ombre durant les périodes de forte chaleur et en fournissant des abris en cas de vent ou de pluie
▸ Parfois une source alimentaire complémentaire au pâturage
▸ De favoriser la biodiversité

Un peu d’histoire… et de géographie

Les haies font partie de nos paysages depuis de nombreuses années. Néanmoins, depuis le début du XXème siècle, pour de multiples raisons, elles se font de plus en plus rares. En effet depuis 1950, d’après une étude de l’association Solagro datant de 2006, près de 70% des haies du territoire français ont disparu soit 1,4 million de kilomètres[2]. Cela s’explique tout d’abord par l’aménagement foncier rural qui a entrainé une réduction de la quantité des haies sur notre territoire afin d’avoir des parcelles moins morcelées. D’autre part, la modernisation agricole et le recul des élevages en plein air ont participé à la diminution des prairies permanentes et, par conséquent, à la disparition des haies. Enfin, la croissance de l’urbanisation contribue à la réduction des surfaces agricoles.
La raréfaction des haies semble toutefois actuellement ralentir grâce à une prise de conscience environnementale globale, avec même la volonté de mettre en place une réimplantation de haies. A titre d’exemple, l’objectif du gouvernement via le plan « Plantons des haies ! » a été de parvenir à la plantation de 7000 km de haies sur la période 2021-2022.
En ce qui concerne la répartition de haies sur l’hexagone, on peut souligner que les régions de l’Ouest comme la Normandie, la Bretagne et les Pays de la Loire ont une densité de haies assez importante en comparaison avec d’autres régions comme les Hauts-de-France ou encore la Nouvelle-Aquitaine. En Bretagne, par exemple, la densité de haies peut atteindre presque 110 m par ha alors que, dans d’autres régions, elle n’est que de 20m par ha[3].

Titre : Carte de densité des haies en France métropolitaine
Source : OFB (https://www.ofb.gouv.fr/haies-et-bocages-des-reservoirs-de-biodiversite)
Alors pourquoi les haies ont-elles un impact positif sur le bien-être des animaux ?
Les haies ont plusieurs effets bénéfiques sur le bien-être des animaux :
- Elles permettent l’expression de certains comportements naturels des animaux
- Elles favorisent un meilleur confort thermique des animaux, d’autant plus essentiel aux vues des perspectives climatiques.
L’effet des haies sur le confort thermique des animaux
Les haies permettent de protéger les animaux contre la chaleur, le froid, le vent et les intempéries. Dans un contexte de dérèglement climatique, de fortes sécheresses et canicules apparaissent, comme nous avons pu le constater durant l’été 2022, avec des animaux qui souffrent de la chaleur. Les animaux qui sont élevés en plein air une partie de l’année ont besoin d’ombre pour se protéger des fortes chaleurs en été, grâce à un abri qui peut être naturel (arbres et haies) ou artificiel. Cela est d’autant plus important que les animaux n’ont pas la même zone de confort thermique que les humains et craignent souvent bien plus la chaleur que nous ! Par exemple, il a été observé que les truies peuvent utiliser l’ombre des arbres et des haies pour réguler leur température lors de périodes chaudes[5].


De même, en cas de fortes intempéries et de vents violents, les animaux peuvent s’abriter sous les haies qui agissent ainsi comme des brise-vent[7]. De cette manière, la vitesse du vent peut être diminuée de 30 à 50%. Les haies peuvent donc permettre de protéger les animaux du froid. Les animaux utilisent alors moins d’énergie pour maintenir leur température corporelle à un niveau acceptable. Le coût de thermorégulation est alors réduit, ce qui limite les impacts négatifs du stress thermique sur le bien-être et la productivité des animaux.
ℹ️ Pour en savoir plus sur l’effet du froid sur les bovins :

💡En résumé !
Les haies sont de réels outils pour permettre aux animaux de s’adapter et d’atténuer les impacts négatifs liés au dérèglement climatique sur leur bien-être et leur santé. Elles sont des leviers d’action durables qui doivent être utilisés au maximum pour la gestion de pâturages. Elles sont essentielles aux besoins vitaux des animaux vivant à l’extérieur qui subissent en premier les changements climatiques.
Autres avantages des haies sur le bien-être animal …
Outre l’amélioration du confort thermique, les haies présentent de nombreux autres avantages pour le bien-être des animaux. Pour les volailles, des parcours arborés peuvent être créés. Ces derniers sont constitués notamment de haies permettant aux volailles d’exprimer leur comportement naturel et améliorer leur confort. En effet, selon une étude, le risque de picage des plumes était réduit de 9 fois dans les groupes où plus de 20 % des volailles utilisaient des parcours extérieurs[8]. Par ailleurs, la présence du parcours arboré augmente le comportement exploratoire des volailles, qui utilisent alors mieux le parcours. En effet, elles se sentent notamment plus en sécurité vis-à-vis des prédateurs[9]. L’existence de haies et d’arbres dans les parcours apparaît donc comme importante pour le bien-être et le confort des volailles.


Les haies jouent d’autres rôles : elles peuvent également servir d’apports nutritifs (fourrage d’appoint) pour les animaux, surtout lors de périodes de sécheresse où la pousse de l’herbe est limitée. « Lorsque les prairies sont sèches en été, les feuilles d’arbres encore vertes constituent un appoint alimentaire, comme celles du mûrier blanc, très riches en protéines. D’autres feuilles comme celles du frêne, du tilleul, de l’aulne ou du saule, sont dotées de vertus médicinales », indique Yves Étignard, président du Groupement d’Intérêt Ecologique et Economique (GIEE) Prairies DOR[10].
Les haies peuvent également fournir des compléments alimentaires : châtaignes ou glands pour les porcs, comme l’indique le témoignage de certains éleveurs[11]. Néanmoins, à noter que toutes les espèces végétales ne sont pas sans danger pour les animaux, et certaines haies peuvent être toxiques pour eux, il faut donc rester vigilant.
Les vaches préfèrent même parfois les haies à l’herbe qui est pourtant abondante au début du printemps[12].

Enfin, les bovins et même les chevaux peuvent utiliser les haies pour se gratter, leur apportant ainsi du confort. A noter que le grattage est un des comportements naturels essentiel au bien-être des bovins. Il a même été montré que le comportement de grattage des animaux grâce aux arbres était mieux exprimé avec des haies/arbres qu’avec une brosse[13]. Pour les caprins, les arbres leur permettent aussi d’exprimer leur comportement naturel « d’escalade». En effet, les chèvres préfèrent se coucher et s’alimenter sur des surfaces surélevées, ce comportement est dû à une stratégie d’évitement face aux prédateurs et leur permet ainsi de réduire leur stress[14].


Par ailleurs, les haies constituent un véritable lieu de vie pour d’autres animaux… plus petits ! En effet, elles créent un microclimat[15] où oiseaux (ex. bécasse), petits mammifères (ex. lapins de garenne) et insectes cohabitent, mangent ou encore se reproduisent. Les haies sont de véritables écosystèmes. De plus, grâce aux haies, les sols ont une meilleure capacité de rétention de l’eau (les haies ralentissent le ruissellement et favorisent l’infiltration de l’eau dans les sols). L’érosion éolienne ou hydrique des sols s’en trouve ralentie.
Au final, les haies contribuent fortement au bien-être animal, humain et à la préservation de l’environnement. Elles s’inscrivent ainsi parfaitement dans une démarche durable de « One Welfare », signifiant un seul « bien-être » pour les Hommes, les animaux et l’environnement (Pour en savoir plus sur le concept de One Welfare, n’hésitez pas à consulter cette vidéo)
💡En résumé !
Les haies possèdent de nombreux avantages pour le bien-être des animaux d’élevage. Elles sont un réel outil de protection, de confort, de réduction du stress et d’amélioration de l’alimentation des animaux.
Pour aller plus loin …
Les haies jouent également le rôle de puits de carbone, permettant aux parcelles avec haies de présenter une capacité de stockage du CO2 supérieure à des parcelles sans haies. Grâce aux projets de recherche AgForward – Promotion des pratiques agroforestières pour favoriser le développement rural en Europe (EU 2014-2017) et Carbocage – Vers la neutralité Carbone des territoires (Ademe 2016-2019), des chercheurs de l’INRAE ont en effet montré un effet significatif des haies sur les stocks de carbone des sols des parcelles adjacentes, jusqu’à une distance de 3 mètres. D’un point de vue écologique et climatique, les haies constituent un véritable atout pour la planète.
Pour résumer :

[1] https://inventaire-forestier.ign.fr/spip.php?article597 .
[2] Philippe POINTEREAU et Frédéric COULON, « La haie en France et en Europe : évolution ou régression, au travers des politiques agricoles », 2006. Disponible sur: https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-35258-rnhc.pdf.
[3] « Haies et bocages : des réservoirs de biodiversité ». Disponible sur : https://www.ofb.gouv.fr/haies-et-bocages-des-reservoirs-de-biodiversite.
[4] inn’ovin, « Produire des ovins sous panneaux photovoltaïques au sol ». Disponible sur : https://www.inn-ovin.fr/produire-des-ovins-sous-panneaux-photovoltaiques-au-sol/.
[5] S.-L. A. Schild, L. Rangstrup-Christensen, M. Bonde, et L. J. Pedersen. (2018). The use of a shaded area during farrowing and lactation in sows kept outdoors. Applied Animal Behaviour Science, 209, https://doi.org/10.1016/j.applanim.2018.08.019.
[6] Idele, Cniel (centre national interprofessionnel de l’économie laitière), « Impacts du stress thermique sur les vaches laitières », août 2021. Disponible sur: https://idele.fr/umt-ebis/?eID=cmis_download&oID=workspace%3A%2F%2FSpacesStore%2F6e71a361-6b6e-460d-a140-aed81d7c8e89&cHash=50557fae57f74ca602d0212ba1ae25bd.
[7] Direction de l’environnement et de le biodiversité du conseil général Calvados, « Les haies bocagères », mars 2010. Disponible sur: https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwi479L-mvH6AhXNxoUKHXJlBr0QFnoECBAQAQ&url=http%3A%2F%2Fwww.valdarry.fr%2Fmedias%2Ffiles%2Fguide-des-haies.pdf&usg=AOvVaw3F7r52xgMMT9aJvRVT_9iq.
[8] C.J. Nicol , C. Pötzsch , K. Lewis & L.E. Green. (2003). Matched concurrent case-control study of risk factors for feather pecking in hens on free-range commercial farms in the UK. British Poultry Science, 44(4), https://doi.org/10.1080/00071660310001616255.
[9] A.C. Fanatico, J.A. Mench, G.S. Archer, Y. Liang, V.B. Brewer Gunsaulis, C.M. Owens, A.M. Donoghue. (2016). Effect of outdoor structural enrichments on the performance, use of range area, and behavior of organic meat chickens, Poultry Science, 95(9), https://doi.org/10.3382/ps/pew196.
[10] « Les bienfaits des haies pour les exploitations agricoles ». Disponible sur : http://biodiversite.gouv.fr/actualite/les-bienfaits-des-haies-pour-les-exploitations-agricoles.
[11] « De l’arbre et du cochon ». Disponible sur : https://www.viandesetproduitscarnes.fr/index.php/en/144-environnement–elevage/724-de-l-arbre-et-du-cochon.
[12]S. Vandermeulen, C. A. Ramírez-Restrepo, C. Marche, V. Decruyenaere, Y. Beckers, and J. Bindelle. (2018). Behaviour and browse species selectivity of heifers grazing in a temperate silvopastoral system. Agroforestry Systems, 92, https://dx.doi.org/10.1007/s10457-016-0041-x.
[13] D. Kohari, T. Kosako, M. Fukasawa, et H. Tsukada. (2007). Effect of environmental enrichment by providing trees as rubbing objects in grassland: Grazing cattle need tree-grooming, Animal Science Journal, 78 (4), https://doi.org/10.1111/j.1740-0929.2007.00455.x.
[14] G. Zobel, H. W. Neave, et J. Webster. (2019). Understanding natural behavior to improve dairy goat (Capra hircus) management systems, Translational Animal Science, 3(1), https://doi.org/10.1093/tas/txy145.
[15] Thomas Vanneste, Sanne Govaert, Fabien Spicher, Jörg Brunet, Sara A.O. Cousins, Guillaume Decocq, Martin Diekmann, Bente J. Graae, Per-Ola Hedwall, Rozália E. Kapás, Jonathan Lenoir, Jaan Liira, Sigrid Lindmo, Kathrin Litza, Tobias Naaf, Anna Orczewska, Jan Plue, Monika Wulf, Kris Verheyen, Pieter De Frenne. (2020). Contrasting microclimates among hedgerows and woodlands across temperate Europe. Agricultural and Forest Meteorology, 281, https://doi.org/10.1016/j.agrformet.2019.107818.