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Il faut laisser les chats errants vivre leur vie, VRAI ou FAUX ?
FAUX, un chat errant doit être pris en charge (c’est-à-dire identifié, stérilisé, soigné) en raison de l’impact pour son bien-être, pour la biodiversité et pour des raisons sanitaires.
On vous en dit plus avec ce reportage vidéo, suivi d’un texte d’explication !

Bien qu’aucune étude systématique n’ait été encore réalisée, il existerait aujourd’hui en France près de 11 millions de chats errants[1], presque autant que le nombre de chats de compagnie au nombre de 14,9 millions en 2021[2]. Ces chats livrés à eux-mêmes sont globalement libres d’aller et venir dans nos villes et campagnes. Certains diront qu’ils sont heureux ainsi ! Mais qu’en est-il réellement ? Quelles problématiques pose l’errance féline, qui tend à devenir, notamment sous la pression des associations de protection animale, un véritable enjeu de politique publique ?
Qu’est-ce qu’un chat dit « errant » ?
Selon le Code rural, est considéré en état de divagation « tout chat non identifié trouvé à plus de deux cents mètres des habitations ou tout chat trouvé à plus de mille mètres du domicile de son maître et qui n’est pas sous la surveillance immédiate de celui-ci, ainsi que tout chat dont le propriétaire n’est pas connu et qui est saisi sur la voie publique ou sur la propriété d’autrui. » (article L.211-23)
Ainsi, un chat errant, au sens du droit, peut être soit un chat avec propriétaire/détenteur[3], mais qui échappe à la surveillance de ce dernier, soit un chat sans propriétaire/détenteur qui se trouve sur la voie publique. Cependant, usuellement, quand on parle d’errance féline, on tend à désigner les seuls chats sans propriétaire/détenteur livrés à eux-mêmes sur la voie publique[4].
Ces chats errants n’appartenant à personne proviendraient probablement d’abandons de chats non stérilisés ou bien de portées non désirées de chatons issus de chats ayant effectivement un détenteur, mais n’ayant pas été stérilisés.

Les chats errants sont-ils heureux ?
Lorsque vous apercevez un chat « gambadant » librement dans les champs ou sur la voie publique, vous vous dites peut-être qu’il a la chance de vivre libre, de chasser et de se laisser aller à ses instincts… mais qu’en est-il réellement ?
En réalité, un chat errant se trouve rarement dans un état de bien-être. De fait, il doit faire face à de nombreux risques en partie rappelés par le Centre National de Référence pour le bien-être animal dans son rapport sur l’abandon.
Les chats errants sont en effet soumis au parasitisme (tiques, puces, vers intestinaux) et peuvent se transmettre de nombreuses maladies et infections (FIV, FeLV, coryza) qui peuvent impacter leur état de santé[5], voire conduire à leur décès. Il n’est ainsi pas rare de voir des portées de chatons décimés par un coryza, maladie respiratoire fréquente et extrêmement contagieuse, qui peut également s’attaquer aux yeux et à la bouche du chat selon le virus impliqué.
Vivant souvent proches des habitations, les chats errants sont également sujets aux accidents de la voie publique, qui peuvent provoquer leur mort ou leur causer des souffrances sur le long terme (perte d’un membre, d’un œil, fractures mal remises, etc.). Les chats non stérilisés étant territoriaux, il est fréquent qu’ils se battent entre eux, avec des plaies et infections à la clé. Ils peuvent aussi être attaqués par d’autres animaux (chiens, renards, etc.). Enfin, dans les zones urbaines, certains riverains dérangés par la présence des chats peuvent faire preuve de violence à leur encontre.
Les chats errants sont également soumis aux aléas climatiques et doivent faire face au froid de l’hiver et à la chaleur de l’été.

Enfin, la question de l’accès à l’eau et à la nourriture se pose également pour les chats errants. En effet, contrairement à une opinion répandue selon laquelle les chats pourraient se débrouiller seuls dehors grâce au fruit de leur chasse, ils sont nombreux en réalité à souffrir de la faim, mais aussi de la soif en période de sécheresse. Cela est d’autant plus vrai que les Règlements Sanitaires Départementaux[6] interdisent bien souvent de déposer de la nourriture pour nourrir les chats errants sous peine d’amende.
Globalement, le taux de mortalité est ainsi estimé à 75% à 6 mois pour les chatons issus de chats errants[7].

Quels impacts des chats errants sur la santé publique et la biodiversité ?
Les chats errants peuvent poser des problématiques d’ordre sanitaire, mais également impacter la biodiversité locale.
Si, malgré l’interdiction, ils sont nourris par des nourricières, les aliments déposés par ces dernières peuvent attirer d’autres animaux liminaires[8] comme les rats, qui sont susceptibles de véhiculer à l’Homme des maladies. En l’absence de nourrissage, les chats peuvent aussi éventrer des poubelles[9], ce qui peut également attirer ces animaux. La question de la transmission de zoonoses par le chat à l’Homme est également à soulever (parasites intestinaux, toxoplasmose, rage, etc.), même si le risque semble limité en France (la France étant indemne de rage par exemple) et la transmission peu significative, selon certaines études, pour les parasites intestinaux et la toxoplasmose[10].

En dehors de la problématique sanitaire se pose la question de l’impact sur la biodiversité. En effet, les chats sont les prédateurs de nombreuses espèces (oiseaux, rongeurs, reptiles, insectes). Selon la LPO, « en 2020, plus de 14,3 % des animaux accueillis dans les sept centres de soin LPO avaient subi une prédation exercée presque exclusivement par le chat : 90 % d’oiseaux et 10 % de mammifères »[11]. Ainsi, même si ces chiffres incluent également les chats qui ont un propriétaire et qui bénéficient d’un accès à l’extérieur, l’accroissement de la population féline errante, si non endigué, pourrait augmenter mécaniquement cette incidence. Toutefois, si plusieurs études réalisées à l’étranger ont confirmé l’impact négatif des chats sur la biodiversité[12], ce dernier est à relativiser et à moduler au regard de celui de l’Homme sur cette même biodiversité (surexploitation des terres, pesticides qui entraînent la diminution du nombre d’insectes servant de nourriture aux oiseaux, suppression des haies, etc.). Selon Anne-Claire Gagnon, vétérinaire et comportementaliste spécialisée dans le domaine félin, le chat est souvent le « bouc émissaire des effets néfastes de la pollution, de l’usage des pesticides, de l’anarchie des constructions urbaines au mépris du respect de la préservation de la nature au sens large »[13].
S’il est important de prendre tout de même en compte l’incidence du chat sur les animaux sauvages, il paraît nécessaire de bien cerner la problématique. Ainsi, pour appréhender encore mieux la place qu’occupe le chat dans les écosystèmes et son lien avec la petite faune sauvage, un programme de recherche participatif a notamment été lancé en 2015 par la Société française pour l’étude et la protection des mammifères[14].
Quelqu’un est-il responsable des chats errants ?
Alors de quelle responsabilité relèvent ces chats errants puisqu’ils n’appartiennent, par définition, à personne ?
Selon le Code rural, l’errance féline relève de la responsabilité du maire qui doit prendre toutes dispositions propres à empêcher la divagation des chats (article L. 211-22 du Code rural). Le maire est également tenu de prendre en charge rapidement tout animal errant trouvé accidenté, ce qui inclut donc les chats errants (article R. 211-11 du Code rural).
Pour ce faire, sa commune doit ainsi obligatoirement disposer des services d’une fourrière destinée à récupérer les chats trouvés errants (articles L.211-22 et L. 211-24 du Code rural). En l’absence d’identification et après 8 jours ouvrés, si aucun détenteur ne s’est présenté, le chat amené à la fourrière peut être présenté à l’adoption ou euthanasié. Faute de places et face à des animaux souvent peu sociaux, la pratique de l’euthanasie reste relativement courante[15]. Depuis l’arrêté du 3 avril 2014 toutefois, « les chats non identifiés, sans propriétaire ou sans détenteur, vivant en groupe dans des lieux publics, sur le territoire d’une commune, ne peuvent être capturés à la demande du maire » que dans la mesure où un « programme d’identification et de stérilisation ne peut être mis en œuvre »[16]. Cette disposition a pour but de limiter la pratique de l’euthanasie des populations de chats errants en faveur d’alternatives reconnues efficaces[17] comme la stérilisation.

De fait, le Code rural prévoit la possibilité pour le maire, à son initiative ou à la demande d’une association de protection animale, de faire procéder à la « capture de chats non identifiés, sans propriétaire ou sans détenteur, vivant en groupe dans des lieux publics de la commune, afin de faire procéder à leur stérilisation et à leur identification […] préalablement à leur relâcher dans ces mêmes lieux. Cette identification doit être réalisée au nom de la commune ou de ladite association. » (art. L. 211-27 du Code rural). Les chats ainsi pris en charge sont dits « libres ». Un chat errant devient donc un chat libre une fois identifié au nom d’une mairie ou d’une association, stérilisé et relâché dans la nature[18]. Ce statut de chat libre offre à l’animal une protection juridique supplémentaire, puisque c’est désormais son détenteur (mairie ou association) qui est tenu de lui prodiguer des soins (nourriture, soins vétérinaires). Sa stérilisation permet en outre de contribuer à l’enraiement de la prolifération des populations de chats.

Cependant, du fait du coût de telles opérations de capture et de stérilisation, dans les faits, peu de mairies mettent en place des programmes de stérilisation à grande échelle. Ce sont ainsi souvent les associations de protection animale qui effectuent au compte-goutte ce travail sur le terrain. Sous la pression des associations, le sujet tend toutefois à devenir un enjeu de politique publique. En effet, la loi du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance (retrouvez notre décryptage ici), a demandé au gouvernement la rédaction d’un rapport avec pour objectif de dresser un diagnostic chiffré sur la question de l’errance féline et de formuler des « recommandations pérennes et opérationnelles ». Au travers du « plan de Relance » post-COVID, le Ministère de l’agriculture a en outre financé 416 campagnes de stérilisation pour un montant d’environ 5 millions d’euros[19]. En mai 2021, il a également créé l’observatoire de la protection des carnivores domestiques (OCAD), piloté en partie par le CNR BEA mais aussi par 15 autres organismes impliqués dans la protection des carnivores domestiques, et dont le champ d’expertise porte, entre autres, sur l’errance féline.
Que puis-je faire si je trouve un chat errant ?
Si vous trouvez un chat errant :
- S’il est approchable, vous pouvez tenter de le mettre dans une cage de transport et l’amener chez le vétérinaire pour vérifier la présence ou non d’une identification. S’il a un détenteur, le vétérinaire pourra le contacter directement
- S’il n’est pas approchable, ne prenez pas de risques :
- Contactez votre mairie qui est tenue d’informer la population sur les modalités de prise en charge des animaux trouvés errants (article R. 211-12 du Code rural)
- Contactez la police municipale
- Contactez la fourrière de votre commune (si le numéro est accessible) pour qu’elle vienne récupérer le chat
- Si sa vie vous paraît en danger, appelez un vétérinaire qui saura vous conseiller
- Vous pouvez encore appeler une association de protection animale qui saura également vous conseiller
Attention, si l’animal est situé sur une propriété privée, vous ne pouvez pas le récupérer sans l’accord formalisé du propriétaire des lieux !

Pour résumer

Article relu et corrigé par Anne-Claire Gagnon, vétérinaire comportementaliste spécialisée dans le domaine félin.
[1] Chiffre extrait du rapport de One Voice « Chats errants en France : état des lieux, problématiques et solutions »
[2] Ainsi près d’un foyer sur trois possède un chat. Voir https://www.facco.fr/wp-content/uploads/2023/05/RAPPORT-ACTIVITE-FACCO-2023-WEB.pdf
[3] Il existe une différence entre propriété et détention chez les animaux de compagnie. Le détenteur est celui dont le nom figure sur l’attestation de cession /certificat de vente / facture d’achat de l’animal tandis que le détendeur est la personne chez laquelle vit usuellement l’animal et dont le nom est lié au tatouage ou à la puce électronique de l’animal : https://www.filalapat.fr/actualite/proprietaire-ou-detenteur-ne-faites-pas-derreur
[4] A noter que la caractérisation de la propriété ou de la détention du chat est parfois compliquée à établir car, contrairement aux chiens, comme le note le CNR BEA dans son rapport sur l’abandon (https://www.cnr-bea.fr/expertise-travaux/etat-des-lieux-sur-labandon-des-chiens-et-des-chats-en-france/), les chats ne sont pas encore toujours systématiquement identifiés par leur détenteur, malgré l’obligation légale existante depuis 2012 (article L.212-10 du Code rural).
[5] Une étude réalisée en Espagne a montré que le risque parasitologique et infectieux était plus important pour les chats errants que pour les chats domestiques avec détenteurs : Montoya A., García M., Gálvez R., Checa R., Marino V., Sarquis J., Barrera J.P., Rupérez C., Caballero L., Chicharro C., Cruz I., Miró G., 2018. Implications of zoonotic and vector-borne parasites to free-roaming cats in central Spain. Veterinary Parasitoly 251. https://doi.org/10.1016/j.vetpar.2018.01.009
[6] Il s’agit d’un règlement pris par le préfet de chaque département. Dans les faits, chaque préfet est libre d’adapter le sien mais ils adoptent souvent le même RSD type donné par une circulaire du 9 août 1978. L’article 26 du RSD type « interdit d’attirer systématiquement ou de façon habituelle des animaux, notamment les pigeons et les chats, quand cette pratique est une cause d’insalubrité ou de gêne pour le voisinage » et l’article 120 stipule qu’il est « interdit de jeter ou déposer des graines ou nourriture en tous lieux publics pour y attirer les animaux errants, sauvages ou redevenus tels, notamment les chats ou les pigeons ; la même interdiction est applicable aux voies privées, cours ou autres parties d’un immeuble lorsque cette pratique risque de constituer une gêne pour le voisinage ou d’attirer les rongeurs ».
[7] Gagnon A-C., 2022. Cohabitation pacifique des chats et des oiseaux : utopie ou réalité ? Semaine vétérinaire 1748
[8] Un animal liminaire est un animal ni domestiqué ni sauvage qui vit dans des environnement anthropisés, proche de l’homme dans une certaine interdépendance avec ce dernier
[9] Voir le rapport de One Voice précédemment cité
[10] Pour revue Luzardo O.P., Zaldívar-Laguía J.E., Zumbado M., Travieso-Aja MdM., 2023. The Role of Veterinarians in Managing Community Cats: A Contextualized, Comprehensive Approach for Biodiversity, Public Health, and Animal Welfare. Animals 13(10). https://doi.org/10.3390/ani13101586
[11] https://www.lpo.fr/decouvrir-la-nature/conseils-biodiversite/conseils-biodiversite/accueillir-la-faune-sauvage/limiter-la-predation-des-chats-domestiques
[12] Pour revue voir par exemple Trouwborst A., McCormack P. C., Martinez Carmacho E., 2020. Domestic cats and their impacts on biodiversity: A blind spot in the application of nature conservation law. People and Nature 2(1). https://doi.org/10.1002/pan3.10073
[13] Anne-Claire Gagnon (2022). De fait, une étude internationale s’appuyant sur le suivi de 170 espèces d’oiseaux communs sur 20 000 sites dans 28 pays européens, pendant 37 ans, précise la cause anthropique du déclin des oiseaux avec 4 causes principales : l’intensification de l’agriculture, le changement de la couverture forestière, l’urbanisation et le changement de température. Voir Rigal S., Dakos V., Alonso H., Devictor V., 2023. Farmland practices are driving bird population decline across Europe. , The Proceedings of the National Academy of Sciences 120 (21). https://doi.org/10.1073/pnas.2216573120
[14] https://www.chat-biodiversite.fr/presentation-du-projet.html-2. Pour quelques résultats voyez ici : https://www.chat-biodiversite.fr/sites/default/files/inline-files/SFEPM-ChatDomestique_et_micromamm_06_03_2021_Nathalie_de_Lacoste.pdf
[15] En 2016, sur les périodes, dans 86 refuges et 82 fourrières, le taux d’euthanasie des chats était de 10% en refuge et de 36% en fourrière, toutes raisons confondues : https://info.agriculture.gouv.fr/gedei/site/bo-agri/instruction-2017-638
Par ailleurs, des associations pointent aussi régulièrement du droit les pratiques d’euthanasie jugées abusives de certaines fourrières. Voyez par exemple : https://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/lot-et-garonne/agen/onze-millions-de-chats-errants-des-fourrieres-peu-adaptees-une-atteinte-a-la-biodiversite-one-voice-reclame-un-plan-de-sterilisation-d-urgence-2571288.html
[16] Annexe 1 de l’arrêté du 3 avril 2013 : Les chats non identifiés, sans propriétaire ou sans détenteur, vivant en groupe, dans des lieux publics, sur le territoire d’une commune, ne peuvent être capturés qu’à la demande du maire de cette commune. Ces animaux ne peuvent être conduits en fourrière que, dans la mesure où le programme d’identification et de stérilisation prévu à l’article L211-27 du code rural et de lapêche maritime ne peut-être mis en oeuvre.
[17] Luzardo et al. (2023). Voir également le rapport de One Voice déjà cité
[18] Le CNR BEA dans son rapport sur l’abandon définit le chat libre comme « un chat identifié et stérilisé mais n’ayant pas de propriétaire et vivant dans la nature. Son identification est associée à une personne morale qui prodigue/finance ses soins (le plus souvent une association de protection animale) » (p.7 du rapport déjà cité)
[19] https://www.cnr-bea.fr/2023/04/18/assemblee-nationale-reponse-chats-errants/
Cheval au pré, cheval heureux : VRAI ou FAUX ?
VRAI … à certaines conditions ! En offrant au cheval la possibilité d’exprimer davantage de comportements naturels, la vie au pré en groupe favorise son bien-être, avec la nécessité, pour le détenteur d’équidés, de respecter certains principes.


La vie au pré en groupe, en comparaison à la vie permanente au box, améliore l’état affectif des chevaux[1]. Par exemple, des chevaux ayant accès au pré se sont révélés plus optimistes que des chevaux hébergés uniquement au box individuel : c’est-à-dire qu’ils jugeaient de manière plus positive les situations ambigües[2]. Cela suggère que la vie au pré, en leur permettant d’exprimer une plus large gamme de comportements, améliore la santé mentale des chevaux.
Alors, quelles sont les caractéristiques du pré idéal du point de vue du cheval ?

Les besoins fondamentaux du cheval
La bonne santé et le confort physique sont des pré-requis au bien-être animal, mais ce ne sont pas les seuls : l’animal doit être dans un état affectif positif et avoir la possibilité d’exprimer les comportements spécifiques de son espèce.
Chez le cheval, l’activité majoritaire est l’alimentation, à laquelle il consacre en conditions naturelles en moyenne 60% de son temps, soit 15h par jour environ. Herbivore strict, le cheval, tout en se déplaçant continuellement, consomme de l’herbe mais aussi des branches, des fruits, de l’écorce ou encore des racines.
La seconde activité la plus représentée à l’échelle d’une journée est le repos, qui l’occupe à raison de 6h non consécutives par jour. Viennent ensuite les déplacements, l’observation de l’environnement, les comportements dits de maintenance (boire, se gratter, se rouler) puis les contacts sociaux[3]. Il ne faut cependant pas s’y méprendre : si ces derniers comportements sont plus brefs et moins fréquents, cela ne signifie pas pour autant qu’ils sont moins importants !

Mangez, bougez !
En permettant au cheval de se déplacer comme il le souhaite et de s’alimenter tout au long de la journée, le pré offre la possibilité d’exprimer un comportement proche de son comportement naturel.
Chez le cheval, manger et bouger vont de pair : son alimentation est mobile, ce qui signifie que le temps que le cheval consacre au pâturage tout au long de la journée (et de la nuit !) est déjà synonyme de mouvement. A cela, s’ajoutent les déplacements pour se rendre aux différents points d’intérêts (abreuvoir, abri, râtelier à foin, etc.), qu’il peut être judicieux de ne pas concentrer en un même lieu du pré.

La distance ainsi parcourue quotidiennement augmente (de manière logarithmique) avec la surface de la pâture : à titre indicatif, la distance parcourue par un cheval au sein d’un groupe de quatre est de l’ordre de 4,7 kms par jour dans une parcelle de 0,8 ha. Elle atteint 6,1 kms lorsque cette surface atteint 4 ha[4]. De par la proximité des différentes ressources, la distance quotidienne parcourue par les chevaux en conditions domestiques est inférieure à celle parcourue par les chevaux en conditions naturelles (15-18 kms en moyenne)[5].
Le mouvement est primordial pour la santé du cheval à plusieurs égards. Il stimule notamment la circulation sanguine et lymphatique dans les membres. L’immobilité altère également la digestion qui, comme l’alimentation, est continue.
En effet, pour couvrir ses besoins journaliers, un cheval moyen nourri à l’herbe en consomme environ 60 kg par jour. Il convient donc de s’assurer qu’elle est présente en quantité et en qualité suffisantes tout au long de l’année.
Lorsqu’elle est insuffisante, du foin accompagné ou non d’un complément alimentaire doivent être apportés. En plus de l’apport énergétique nécessaire pour le métabolisme global, l’alimentation doit également satisfaire le besoin de mastiquer du cheval. Cette mastication, en plus de contribuer au bien-être psychique du cheval, stimule la production de salive, indispensable pour créer des conditions physiologiques favorables à la digestion. La quantité de salive produite dépend de la teneur en matière sèche de l’aliment et de la durée de mastication nécessaire : les aliments concentrés (granulés, floconnés) nécessitent par exemple moins de mastication et de salive que le foin.
A l’inverse, la consommation continue et à volonté d’herbe trop riche peut altérer l’état de santé du cheval, parfois de manière irrémédiable. Il est donc indispensable d’effectuer un suivi de l’embonpoint via l’évaluation de la note d’état corporel du cheval : contrairement aux idées reçues, un cheval trop gros doit tout autant alerter qu’un cheval trop maigre !

Mais si la motivation pour l’alimentation prime de manière générale sur les autres besoins, le contexte social est primordial dans l’expression de ce déplacement volontaire : lorsqu’ils ont le choix, les chevaux sont plus enclins à rester à l’extérieur longtemps s’il y a des congénères avec eux[6].
Interagir avec des congénères
Le cheval est un animal qui vit en groupe. En permettant des interactions libres avec des congénères et le développement de liens sociaux, l’hébergement collectif a un effet positif sur leur physiologie et leur comportement, affectant de manière positive leur état de bien-être[7]. Le pré peut ainsi remplir ce besoin de sociabilité puisqu’il offre l’espace suffisant pour mettre plusieurs chevaux ensemble. Il est même indispensable que le cheval ne soit pas seul et puisse interagir avec des individus de la même espèce.
A l’état naturel, on rencontre deux types de structures sociales : le groupe familial (aussi appelé famille ou harem) et le groupe de mâles célibataires[8].
La famille repose sur un noyau de juments, qui développent des liens sociaux forts et durables, et d’un étalon. Juments et étalon partagent également des liens sociaux forts[9]. Leurs progénitures, mâles ou femelles, quittent le groupe familial d’origine lorsqu’elles atteignent la maturité sexuelle : dans l’attente de récupérer des juments d’autres familles et de constituer la leur, les jeunes mâles intègrent un groupe d’étalons célibataires.

Dans la dernière partie de sa vie, l’étalon destitué de son groupe peut rejoindre un groupe d’étalons célibataires ou opter pour une vie solitaire[10].
Pour certains détenteurs d’équidés, la mise en groupe est source d’inquiétudes, leur crainte étant que les chevaux se blessent. Or, au sein des groupes, les chevaux s’organisent selon trois grands principes : la cohésion sociale, la hiérarchie de dominance et le leadership.
- La cohésion sociale se traduit par une proximité spatiale, des interactions agressives peu fréquentes, des interactions affiliatives (voir encadré) très fréquentes, ainsi qu’une grande tolérance mutuelle. Ces relations restent stables au cours des années[11].
- Au sein du groupe, les chevaux sont organisés de manière hiérarchique, la hiérarchie reposant sur la dominance. Un cheval est dominant par rapport à un autre s’il a accès prioritairement à une ressource (zone d’ombre, abreuvoir, râtelier), qu’il peut attaquer sans être attaqué et que sa présence induit des réactions d’évitement sans agression apparente. Ainsi les relations de dominance permettent de résoudre sans combat des conflits pour l’accès à une ressource limitée[12].
- Le leadership est la capacité pour un animal d’influencer le mouvement et les activités de son groupe et à être suivi rapidement[13]. Chez le cheval, le leadership n’est pas concentré sur un seul individu du groupe : chacun des membres du groupe est susceptible d’initier un déplacement collectif mais certains individus sont suivis plus rapidement que d’autres. Un animal leader n’est pas forcément dominant. Ces deux notions ne se rapportent pas aux mêmes individus et ne remplissent pas les mêmes fonctions.
L’ensemble de ces mécanismes permettent d’organiser la vie sociale du groupe et de limiter les conflits. Leur mise en place prend du temps, plusieurs jours à plusieurs semaines[14] selon les cas, et dépendent directement de la composition du groupe : l’arrivée d’un nouvel individu ou, à l’inverse, le départ définitif d’un membre du groupe rend immédiatement toutes les règles obsolètes et une nouvelle organisation doit être définie.
En conséquence, la stabilité du groupe est primordiale si l’on souhaite limiter les comportements agonistiques (relatifs aux conflits) et favoriser la cohésion.

Intempéries et repos
Le cheval n’est pas sensible de la même manière que nous aux conditions météorologiques. Il est capable d’adapter son comportement au contexte et possède des atouts naturels, à commencer par des poils dont la densité évolue au fil des saisons. La présence d’abris naturels et/ou artificiels suffisamment grands pour l’ensemble du groupe est cependant nécessaire pour garantir une adaptation et un repos efficaces.
Il n’est pas rare de voir certains propriétaires pester à la vue de leurs chevaux, immobiles sous la pluie, alors que de beaux abris sont à leur disposition à quelques mètres de là. En effet, les chevaux, ne cherchent pas nécessairement à s’abriter par temps froid ou de pluie. En revanche, lorsque la température dépasse +20°C et que, de fait, la pression des insectes augmente[15], le nombre de chevaux qui choisissent de se rendre sous les abris artificiels peut doubler[16].
Bien que les chevaux aient tendance à préférer les abris artificiels[17], les arbres et les haies, lorsqu’ils sont suffisamment fournis, peuvent également contribuer à l’amélioration du confort thermique des chevaux au pré, aussi bien en été qu’en hiver.
En effet, la zone de confort thermique du cheval s’étend de 5°C à 25°C environ[18]. Au-dessus de 25°C, le cheval va adapter son comportement pour éliminer l’excès de chaleur et éviter d’en produire : pâturage préférentiellement aux heures les plus fraîches, repos à l’ombre, transpiration, abreuvement accru au-delà de la consommation moyenne quotidienne de 40 litres d’eau.

En dessous de 5°C, l’organisme doit produire de la chaleur, via le mouvement notamment, pour maintenir la température du corps du cheval. En développant un poil dense et en augmentant la quantité d’énergie consommée, le cheval peut ainsi lutter seul contre le froid, et ce jusqu’à -15°C dans certains cas. Il n’est donc pas toujours nécessaire de couvrir le cheval au pré en hiver. Ces chiffres sont des moyennes et peuvent varier de manière importante en fonction du cheval[19], de sa race, de son âge, de son état de santé, de son poil ou encore de son utilisation.
En deçà de cette température critique minimale (-15°C), le cheval a besoin d’aide : alimentation plus riche, abri, couverture pour les chevaux tondus ou au pelage fin, etc.
La surface de l’abri collectif au pré est également une donnée déterminante pour le repos du cheval : plus il est spacieux, plus les chevaux passent de temps en repos couché[20]. La position du décubitus latéral (cheval couché de ton son long sur le flanc) notamment, est indispensable à une vraie récupération et à la consolidation des apprentissages.

Par ailleurs, les chevaux pouvant se déranger les uns les autres, il ne faut pas prendre comme référence la surface d’un box individuel par cheval : il est recommandé de doubler cette surface pour garantir un repos efficace de tous les individus[21].
Santé physique et mentale
Si la vie au pré présente de nombreux avantages pour le cheval, elle ne dispense en aucun cas le propriétaire de la surveillance quotidienne. L’animal y est effet plus exposé à certains risques pour sa santé :
- Les parasites internes et externes : les chevaux au pré et au paddock se contaminant en continu avec des parasites présents dans les crottins, il convient de réfléchir la vermifugation de manière raisonnée et collective. Celle-ci doit être adaptée à la surface, au climat et à l’âge du cheval. En plus d’assurer le suivi parasitaire, le vétérinaire peut également vous conseiller pour la gestion du pâturage (rotation des parcelles, ramassage des crottins, etc.).
Par ailleurs, nous avons vu précédemment que les chevaux sont très sensibles à la présence des insectes : des pièges peuvent donc être installés dans la pâture et les chevaux les plus sensibles devront être équipés de masques voire de couvertures anti-insectes prévus à cet effet.
- Atteintes de la peau : les chevaux aussi, particulièrement ceux à la peau non pigmentée (rose), peuvent avoir des coups de soleil.
Par temps humide, la peau au niveau du pâturon (au-dessus du sabot) notamment, peut également être mise à mal : continuellement humide et/ou couverte de boue, elle peut devenir le lieu de prolifération de bactéries, particulièrement sur les zones non pigmentées appelées balzanes. C’est ce que l’on appelle une pododermatite ou, plus vulgairement gale de boue.
Il convient de s’assurer que le pré ne présente pas d’éléments pouvant être source de blessures (grillage, morceaux de ferraille, fils électriques ou piquets de clôtures défectueux, fils barbelés, etc.).
- Les plantes toxiques : Plusieurs dont certaines ingérées à petites doses, de façon répétée ou unique, peuvent être mortelles. C’est par exemple le cas du Sénéçon de Jacob qui induit une hépatite.
Certaines plantes photosensibilisantes, lorsqu’elles sont ingérées provoquent, de manière directe ou indirecte, des lésions sur les parties non pigmentées de la peau.
- Les maladies transmises par la faune sauvage et domestique : le gibier comme les insectes, notamment les moustiques et les tiques, peuvent être des vecteurs de maladies diverses. Pour éviter autant que possible les contacts avec ces animaux sauvages, les clôtures doivent donc être adaptées.
Les animaux domestiques peuvent aussi transmettre de façon indirecte des maladies aux chevaux : c’est le cas par exemple de la lawsoniose chez les poulains, transmise par les chiens ou les mini porcs.

Comme tout changement, celui du lieu de vie doit être progressif et les bénéfices ne sont pas immédiats : certains chevaux soumis au passage brutal d’un hébergement uniquement au box à un hébergement au pré en groupe (et vice-versa !) présentent des difficultés à s’adapter à nouvel environnement, particulièrement lors des premiers jours. Une vingtaine de jours de pâturage semblent nécessaires pour observer des effets bénéfiques sur l’état de bien-être des chevaux3.Enfin, lorsque l’hébergement permanent des chevaux au pré n’est pas possible, l’alternative qui consiste à laisser les chevaux au pré une partie de la journée et à les rentrer pour les heures restantes a été démontrée comme impactant positivement l’état de bien-être des chevaux par rapport à un hébergement principal en box individuel[22].
En cas de doute, il est nécessaire de faire appel à un vétérinaire !
En résumé

Article écrit en partenariat avec Isabelle Desjardins-Pesson, vétérinaire et enseignante à la Clinéquine de VetAgro Sup, spécialiste en médecine interne équine et soins intensifs et Alice Ruet, ingénieure de recherche et développement « Bien-être des équidés » au sein de l’Ifce, membre de l’unité mixte de recherche INRAe / CNRS / Université de Tours / IFCE « Cognition Ethologie Bien-être animal ».
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Voir également https://onlinelibrary.wiley.com/doi/pdf/10.1111/eth.12402
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Les animaux utilisés en expérimentation finissent leur vie en laboratoire, VRAI ou FAUX ?
FAUX, contrairement à ce que l’on pourrait croire, les animaux utilisés à des fins scientifiques ne sont pas toujours mis à mort en fin d’étude. En effet, la réglementation (européenne et française) autorise le placement de ces animaux sous certaines conditions.
On vous en dit plus avec ce reportage vidéo, suivi d’un texte d’explication !

Devenir des animaux utilisés à des fins scientifiques
Une grande variété d’études font intervenir des animaux : études de recherche fondamentale, études toxicologiques et règlementaires, recherche appliquée, études visant à la préservation des espèces… Toutes les études ne sont pas invasives et certaines peuvent même consister simplement à tester l’appétence d’un nouvel aliment pour animaux avant sa commercialisation.

Chacun des projets scientifiques impliquant l’utilisation d’animaux doit faire l’objet d’une demande d’autorisation auprès du Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI), après avoir obtenu l’avis positif du comité d’éthique auquel est rattaché l’établissement demandeur. Parmi les nombreuses informations que doivent préciser les autorisations de projet, celles-ci doivent faire figurer le nombre d’animaux impliqués, ainsi que le devenir des animaux en fin de projet.
Un animal utilisé à des fins scientifiques a trois devenirs possibles :
- Mise à mort
- Réutilisation dans une autre étude expérimentale
- Placement
Le devenir de l’animal est décidé en fonction de son état de santé, du risque pour la santé publique, de différents critères éthiques et également au regard des autres possibilités de devenir.

Différentes enquêtes permettent d’avoir des données chiffrées sur les espèces d’animaux utilisées, sur le type des études qui sont conduites, sur le niveau de gravité des procédures ou encore sur le nombre d’animaux réutilisés dans d’autres études. Toutefois, il n’y a pas d’information sur le nombre d’animaux replacés dans ces enquêtes, et, à notre connaissance, aucune source ne permet de connaître le taux d’animaux replacés à ce jour. L’association GRAAL, qui œuvre au placement d’animaux utilisés à des fins scientifiques, renseigne que plus de 6 000 animaux ont été placés via leurs services et depuis leur début d’activité en 2005[1].
Une législation qui permet le placement des animaux au nom de leur bien-être
Le placement (on parle également parfois de replacement, réhabilitation ou retraite) des animaux utilisés à des fins scientifiques en foyer est permis par la réglementation[2]. Cette réglementation vise le « remplacement total des procédures appliquées à des animaux vivants à des fins scientifiques et éducatives, dès que ce sera possible sur un plan scientifique ». C’est-à-dire que l’objectif est de remplacer, dès que possible, l’utilisation des animaux à des fins scientifiques par des alternatives sans utilisation d’animaux. Les alternatives doivent être fiables et validées pour chaque étude scientifique en question. Différentes techniques ont déjà été développées (ex : utilisation de modèles in vitro) pour diminuer le nombre d’animaux utilisés.
Pour les études scientifiques ne bénéficiant pas d’alternative, la réglementation encadre l’utilisation des animaux ainsi que leur replacement sous certaines conditions. Selon l’espèce concernée (animaux de compagnie : chien, chat, rongeur… ; animaux d’élevage : vaches, moutons, … ; animaux sauvages : primates…), cela peut être dans un foyer, un système d’élevage adapté à l’espèce, un refuge ou encore dans leur habitat naturel pour certaines espèces sauvages.
Pour cela, certaines conditions doivent être remplies :
- état de santé de l’animal permettant son placement,
- pas de danger pour la santé publique, la santé animale ou l’environnement (ex : l’animal ne doit pas avoir été infecté avec un agent pathogène transmissible),
- mesures appropriées pour préserver le bien-être de l’animal[3].
Par ailleurs, pour éviter aux animaux des « angoisses inutiles », « garantir la sécurité publique » et assurer la réussite de l’opération, les établissements qui souhaitent placer les animaux doivent disposer d’un programme de socialisation ou de réadaptation dans le cas d’un animal sauvage relâché dans son habitat[4].
Le replacement des animaux de laboratoire : un 4ème R ?
Le placement des animaux utilisés à des fins scientifiques est un principe qui s’ajoute à la règle des 3R (Remplacer, Réduire, Raffiner), et est parfois considéré comme un 4ème R (Replacement/Retraite…).
La règle des 3R a été élaborée en 1959 par Russel et Burch.
- Remplacement : l’utilisation d’animaux doit être remplacée par d’autres méthodes lorsque c’est possible, sans que cela ne détériore la qualité de la recherche.
- Réduction : le nombre d’animaux utilisés pour chaque projet doit être réduit au maximum, tout en permettant de parvenir aux objectifs visés.
- Raffinement : les pratiques mises en place (conditions d’élevage, hébergement, soins, méthodes utilisées) doivent permettre de réduire le plus possible toute douleur, souffrance, angoisse ou dommage durables que pourraient ressentir les animaux.

Qui encadre et comment se passe le replacement ?
Afin que le placement se passe dans de bonnes conditions, la préparation de l’animal est une étape très importante. Les conditions d’hébergement en laboratoire sont en effet bien particulières, et, même si de nombreux efforts sont faits en termes d’enrichissement et de socialisation des animaux, l’environnement du laboratoire reste souvent bien différent de l’environnement que l’animal connaitra après son placement et des situations nouvelles qu’il va rencontrer. La préparation du placement permet que celui-ci se passe au mieux. Par exemple, il est possible, dans le cadre d’un placement futur, d’apprendre aux chiens les bases de l’éducation canine, comme à marcher en laisse par exemple afin de faciliter la transition dans leur nouvelle vie.
Au sein de chaque établissement, c’est la Structure chargée du Bien-Etre des Animaux (SBEA), qui se charge d’apporter des conseils sur les programmes de placement des animaux. La SBEA est une structure obligatoire au titre de la directive européenne 2010/63/UE et du décret 2013-118 (Art. R. 214-103 du Code Rural).
En France, le placement ou la mise en liberté d’animaux ayant été utilisés à des fins scientifiques peuvent être autorisés par le préfet du département du lieu de placement ou du lieu de mise en liberté (Art R214-112 du Code rural et de la pêche maritime). En pratique, le laboratoire doit faire une demande auprès de la DDPP (Direction Départementale de la Protection des Populations) inspectant le laboratoire et qui se mettra ensuite en lien avec la DDPP d’accueil des animaux.
Certaines associations œuvrent au placement des animaux utilisés à des fins scientifiques. C’est par exemple le cas du GRAAL qui a contribué à placer des centaines d’animaux. Afin d’aider les laboratoires dans la démarche de placement, le GRAAL, en partenariat avec la Direction générale de l’Alimentation (DGAl), a par ailleurs réalisé un guide de la retraite des animaux de laboratoire. Le GRAAL n’est pas un centre d’accueil mais joue un rôle de facilitateur entre les différents acteurs afin de contribuer au placement des animaux utilisés à des fins scientifiques. Le GRAAL accompagne les laboratoires dans leurs démarches de placements des animaux et sélectionne des lieux d’accueil pour ces animaux. Les animaux peuvent être placés directement chez des adoptants (particuliers), dans des refuges gérés par d’autres associations de protection animale (ex : SPA) en attendant d’être adoptés par des particuliers, ou dans des refuges spécialisés qui permettent l’accueil des espèces concernées (ex : La Hardonnerie).
Si vous souhaitez adopter un animal ayant été utilisé à des fins scientifiques, n’hésitez pas à vous rendre sur le site internet du GRAAL, qui vous mettra en relation avec des refuges proches de chez vous !
Certains laboratoires sont autonomes dans les démarches de placement du début à la fin et ne passent pas par l’intermédiaire d’une association. C’est par exemple le cas de Biovivo, un laboratoire de recherche se trouvant sur le site de VetAgro Sup, qui propose régulièrement à l’adoption des animaux, en passant d’abord par les réseaux de communication de Vetagro Sup. De nombreux animaux (chiens, chats, équidés…) ont ainsi déjà été adoptés. Par ailleurs, à l’inverse du GRAAL qui a fait le choix de privilégier les structures (SPA, refuge), Biovivo passe systématiquement par des familles d’accueil (la plupart du temps des étudiants de VetAgro Sup) pour les chiens avant de les proposer à l’adoption.
Pour conclure
Finalement, même si l’on n’arrive pas à se passer pour l’instant de l’utilisation d’animaux pour arriver à certains nouveaux résultats scientifiques, de nombreux efforts sont faits, sur différents plans, pour mieux prendre en charge leur bien-être. Certains d’entre eux peuvent même être replacés et connaître une nouvelle vie après leur utilisation en laboratoire. Au-delà des améliorations des conditions de vie en laboratoire et des possibilités de placement des animaux utilisés à des fins scientifiques, l’objectif à long terme est de se passer totalement de leur utilisation.
Si vous voulez en savoir plus sur les comités d’éthique et le SBEA, n’hésitez pas à consulter cet article :
[1]Chiffre avancé par Marie-Françoise Lheureux dans son interview
[2] (« Directive 2010/63/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 septembre 2010 relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques») (transposée dans la réglementation en 2013)
[3] (« Article R214-112 – Code rural et de la pêche maritime – Légifrance »)
[4] (« Article R214-112 – Code rural et de la pêche maritime – Légifrance »)